dimanche 14 octobre 2007

La boîte à couture

Je vais t'apprendre à coudre, ma fille
Le geste est doux, mais les lèvres serrées
De petits points piqués sur l'ourlet de sa bouche

Elle met la boîte entre mes mains
Je suis assise sur ses genoux
J'ai passé l'âge

J'ai passé
c'est comme ça
déjà vieille à douze ans

Ma jupe tirée sur les genoux fripés
Son souffle et mon haleine
intimement liés


Je vais t'apprendre
La boîte oblongue est un petit cercueil
avec un fermoir de nacre sur le côté
Un écrin velouté pour la paire de ciseaux

Il faut couper
les fils ou le tissu, dénuder la bobine
et enrouler l'échine (ça c'est moi qui dis ça)


Dans le salon obscur, la poussière dessine
de timides étoiles dans un rai de lumière
un éclat vacillant sur le froid du métal

il est question ici
sur le canapé mou
elle et moi assises
sous les rosaces au mur
son visage mes genoux
les rideaux de crochet
dans la cuisine lui
le geste frémissant
elle et moi seules
encore
déjà
il n'est question ici
à cet instant précis
pour les jours à venir
que de coudre et découdre
que de faire et défaire

J'apprends
J'ai douze ans et je fends
j'accrois  la déchirure
La chute des tissus
sur ma cuisse engourdie