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samedi 28 mai 2016

"Nomme si tu peux  ton ombre, ta peur
et mesure-lui le tour de la tête,
le tour du monde et si tu peux,
prononce-le, le mot des catastrophes,
et si tu oses rompre ce silence
tissé de rires muets - si tu oses
sans complices casser la boule,
déchirer la trame,
tout seul, tout seul, et plante là tes yeux
et viens aveugle vers la nuit,
viens vers ta mort qui ne te voit pas,
seul si tu oses rompre la nuit
pavée de prunelles mortes,
sans complices si tu oses
seul venir nu vers la mère des morts -
dans le cœur de son cœur ta prunelle repose -
écoute-la t'appeler : mon enfant
écoute-la t'appeler par ton nom"

Il suffit d'un mot p. 61, Le Contre-Ciel, René Daumal, Poésie/Gallimard, 2013

lundi 16 décembre 2013

Peau de lumière - René Daumal

La peau de lumière vêtant ce monde est sans
épaisseur et moi je vois la nuit profonde de tous
les corps identiques sous le voile varié et la lumière
de moi-même c’est cette nuit que même le masque
solaire ne peut plus me cacher. Je suis le voyant
de la nuit l’auditeur du silence car le silence aussi
s’habille d’une peau sonore et chaque sens a sa nuit
comme moi-même je suis ma nuit je suis le penseur
du non-être et sa splendeur je suis le père de la mort.
Elle en est la mère elle que j’évoque du parfait
miroir de la nuit je suis l’homme à l’envers
ma parole est un trou dans le silence. Je connais
la désillusion je détruis ce que je deviens
je tue ce que j’aime.


René Daumal, Poésie blanche, poésie noire, Gallimard, 1924