c’est ton corps
et ton corps seul qui propage les déflagrations
tes angoisses coulent des fentes
quand tes mains peinent à suivre les fourmis
où poser ton regard aujourd’hui
si ce n’est au creux de l’arbre
le vide n’est pas rien
apaise
*
ta bouche
figée depuis la foudre dans un grand O
voilà une lettre qui promettait bien des choses
le plaisir clôturant la peau
dans le cerclage, la ligature des mots
quand tu te regardes dans le miroir
tu vois en ton reflet cette blessure nette
qui pose son ombre sur la page
*
les coups de feu t’ont fourragé l’oreille
tu n’as pas entendu la mort, tu as senti
l’odeur brève, puissante
du sang
tu as senti
sous la toile de ta robe, au niveau du pubis
l’écoulement de la matière
*
la décomposition annoncée d’une époque
dans la poussée organique des phrases
voilà ce qui a pendant des jours
et des jours
arrosé la planète
et toujours le O de ta bouche mutique
qui flotte pendant que montent les eaux
*
combien sommes nous maintenant sur la grève
totalement tétanisés par le grondement sourd
des paroles qui s’emballent
le silence se profile dans la seconde vague
elle balaiera tout
*
la catastrophe fera table rase
te laissera nue
sur la plage
tu devras réapprendre
– ne l’avons nous pas fait ?
à faire sourdre du O
gémissement sauvage
un nouvel alphabet
publication initiale sur Les cosaques des Frontières