Affichage des articles dont le libellé est Théâtre. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Théâtre. Afficher tous les articles

dimanche 30 octobre 2016

Chapitres de la chute = saga des Lehman brothers de Stefano Massini

« Nous sommes comme une automobile
qui n’a pas de frein
-et vous le savez-
mais tout en le sachant, monsieur mon père,
vous poussez son moteur pour qu’elle monte plus haut
toujours plus haut
tout en haut de la montagne
seulement parce que le moteur est puissant
seulement parce que le moteur est un bolide
et qu’il résiste - et comment ! -
Il résiste parfaitement à l’effort…
Mais je vous demande :
Une fois arrivé là-haut
comment ferez-vous pour redescendre sans les freins ? »

Chapitres de la chute : saga des Lehman Brothers
 de Stefano Massini, L'Arche, 2013


***


Vu au TPN (Toulouse) la présentation du travail du groupe Théâtre -Création, mise en scène librement inspiré des Chapitres de la chute – Saga Lehman Brothers de Stefano Massino, de façon magistrale par Olivier Jeannelle - Quelques photos


Réecouter sur France Culture la pièce en 10 épisodes
l'épisode 1 pour la route ci-dessous

samedi 6 août 2016

La Fusillade sur une plage d'Allemagne de Simon Diard (extrait)



"A SPLENDID TIME
PREMIÈRE PRISE : WERNER
1 – Le film de leur premier été à Cuxhaven.
Le visage d’Inge prend bien la lumière, pense Werner. Les garçons aussi : ils se pourchassent, un peu plus bas sur la plage, tout petits, serrés dans leurs maillots de bain, ils sont photogéniques, tu ne trouves pas, alors que le plus petit des enfants est pourchassé hors de l’eau, un peu plus haut sur le sable, Werner filme la séquence avec le camescope, on dirait que la lumière du soleil les rend plus scintillants et vifs.
2 – A splendid time is guaranteed for all.
1 – Werner filme la séquence puis revient sur Inge allongée sur sa serviette de plage. Les seins nus, une jambe repliée. Un bimoteur amorce une traversée du ciel. Les lunettes noires lui font des yeux indiscernables, se dit Werner. C’est si beau, non, de garder une marque. Une trace indélébile.
2 – Une série de photogrammes de Jon et Eckbert dans leur canot pneumatique.
1 – Une séquence où Eckbert et Jon se pourchassent sur le sable.
2 – Le corps d’Inge qui prend la lumière.
1 – Le ciel INTERNATIONAL KLEIN BLUE.
2 – Photogénique.
1 – La mer étale.
2 – Photosensible.
1 – La plage pleine de corps.
2 – Plus désirable encore en plan rapproché.
1 – A splendid time is guaranteed for all, pense Werner. Cette seconde est parfaite. Où que l’on regarde, tu ne trouves pas, imperfectible. C’est le calme absolu sur la mer étale comme au ciel. Des adolescents en bonne santé jouent au beach volley ou à la balle au prisonnier les cheveux dans les yeux. Tous en bermuda hawaïen. Les plus jeunes sont en slip de bain comme Jon et Eckbert et ils se jettent du sable ou creusent des fosses ou s’enterrent et pour une fois, pour une fois…
2 – Tout le monde a l’air heureux.
1 – Le bimoteur sort du cadre. C’est si beau, non, de garder une trace de tout ça. Les plus jeunes font des batailles d’eau ou de sable et les cerfs-volants virevoltent assez haut dans les airs ou descendent en piqué pour frôler les dunes. Les corps prennent la lumière en toute quiétude. Loin des violences. Loin des drames. Certaines femmes ont les seins nus et pour une fois…
2 – La beauté d’Inge est imperfectible.
1 – Werner revient sur elle allongée sur la serviette de plage. Les jambes croisées, une main sur le front. On dirait que ses yeux indiscernables fixent un point hors du monde. Une femme momentanément sans regard, se dit Werner.
2 – Au calme.
1 – Plan fixe.
2 – Retirée en elle-même.
1 – Plongée.
2 – Réconciliée.
1 – Contre-plongée.
2 – Les yeux coupés du monde.
1 – Caméra subjective.
2 – Sans défenses.
1 – D’une beauté provisoirement imperfectible.
2 – Indélébile.
1 – Cible des mouvements de caméra imaginaires de Werner.
2 – Inge en plan rapproché.
1 – En contre-plongée.
2 – En plongée.
1 – En plan fixe.
2 – Cette putain de seconde est parfaite.
1 – Tout comme la précédente, se dit Werner.
2 – Et celle qui va suivre.
3 – Sauf que.
A splendid time is not guaranteed for all.
2 – Ah.
Pause.
3 – Tout allait bien.
2 – Et ?
Pause.
3 – Tout allait bien.
Eckbert regardait Jon plonger et revenir en crawl. Comme une séquence vidéo montée en boucle. Jon se hisse ruisselant d’eau de mer dans le bateau gonflable et repique une tête. Jon se hisse ruisselant d’eau de mer et repique une tête. Ensuite, Eckbert panique. Jon ne revient pas. Eckbert regarde dans l’eau. Il voudrait alerter Inge qui prend un vrai bain de lumière assez haut sur le sable sec. Mais il est pétrifié, Eckbert. Il réfléchit. C’est comme une lumière trop vive qui le paralyse.
1 – Eckbert a sept ans et Jon en a onze.
3 – Il voudrait improviser un signal de détresse. Sauver Jon. D’où est-ce qu’elle sort, pense Eckbert, si vive ? Sauver Jon, c’est ce qu’il aimerait le plus au monde. Alerter Inge. Alerter Werner. Alerter n’importe qui sur la plage. Allumer la mèche et faire de son corps une fusée de détresse sifflante dans l’air.
1 – Mais il y a cette lumière trop vive pour lui.
3 – Comme une fusée aveuglante.
1 – Qui le prend avec elle dans sa fixité.
3 – Rassurante.
1 – Le tranquillise.
3 – Parce que la lumière cache une terreur si vive. La terreur que Jon ne reparaisse jamais. Il ne sait plus ce qu’il voudrait le plus au monde, Eckbert. Il réfléchit. Il réfléchit à ce qui se trouve sous la lumière.
1 – Non.
3 – Ne fais pas ça, Eckbert. Tu n’aimerais pas que les choses s’aggravent. Tu veux que tout aille bien, n’est-ce pas ? Il ne faut pas, Eckbert, p’tit bonhomme. Ne regarde pas sous la lumière.
1 – Voir leur terreur tue les petits garçons sur le coup, Eckbert.
3 – Reste à la surface, Eckbert, p’tit bonhomme.
Ne va pas voir sous la lumière.
Pause.
2 – Sauf que.
Noir."
 

En savoir plus sur Simon Diard sur Remue.net

mardi 28 janvier 2014

Demandez l'impossible, 15ème édition - Théâtre des Tafurs (Bordeaux) du 10 au 22 Mars 2014


De quoi s'agit-il ?

En l’an 2000, le Théâtre des Tafurs crée « Demandez l’impossible un Printemps des Poètes ».
Ce festival annuel fête la poésie d’aujourd’hui à Bordeaux et en Gironde, en écho à la manifestation nationale.
Il s’agit d’offrir une vitrine particulière à de nombreux poètes français, d’expression française, étrangers, connus ou à connaître…

Les différentes programmations revendiquent la parole singulière loin des modes et des règles du marché. Elles permettent aussi à la compagnie de s’aventurer toujours plus avant dans la production de spectacles performatifs qui mettent en voix et en musique le parcours, la vision de chaque poète invité.


Les auteurs invités cette année

Michel ThionLionel-BourgAlbane Gellé
Michel Thion, Lionel Bourg, Albane Gellé
et moi même... 


En savoir plus là  
 Compagnie Théâtre des Tafurs – 9 rue des Capérans – 33000 Bordeaux - Théâtre des tafurs

lundi 7 octobre 2013

Love & Money - Dennis Kelly

"Je ne pense pas que nous ayons envie d'être seuls, si ? C'est ça qu'on veut ? Est-ce bien ça qu'on veut ? Et parfois on se dit que la seule raison pour laquelle on fait ce qu'on fait, c'est pour tendre la main et pour toucher
juste toucher, juste pour
sentir
quelque chose
dans notre main, ou plutôt dans notre cœur, j'imagine et, que notre âme tende vers quelque chose et comprenne que tout ça n'est pas que de la poussière et des cailloux, des explosions nucléaires au coeur des étoiles et puis, comme par accident, un peu de matière organique qui se baladerait sur une toute petite planète minuscule.
Vous voyez ce que je veux dire ?
Faire ce lien là ?
Juste faire le lien.
Et on regarde autour de soi, non, et on pense "alors c'est ça? Tout le monde a l'air de penser que c'est ça, bon ben je vais faire ça alors, je vais avoir un travail et une maison et les chaussures qu'il faut et je vais, vous savez, parce qu'il se peut que ce soit ça" et je ne dis pas que ce n'est pas ça et c'est très bien toutes ces choses et je déteste quand les gens sont juste à critiquer et tout parce qu'on porte tous des chaussures
bon dieu, alors, vous voyez, mais
parfois, je me pose
des questions
et je me demande si les autres sont aussi
perdus
et se posent aussi des questions et peut-être que la planète est remplie de gens qui se posent des questions mais on fait mine de savoir exactement ce qu'on fait d'être parfaitement adaptés et de ne pas avoir peur ou se sentir perdus ou
seuls
ou quoi que ce soit de ce genre."


extrait de la pièce Love & Money de Dennis Kelly, p.75-76, L'Arche éditeur, 2011

samedi 19 janvier 2013

(c) yulia kazban


"...Tu as tendu la main. Tu as tapoté la vitre. J'ai cru que tu l'avais cassée - c'était le pouvoir de la fièvre. De peur, je t'ai presque laissé tomber. Tu serais tombé sur le verre. Les éclats t'auraient déchiré la figure. Les pointes t'auraient arraché les yeux. La vitre n'était pas cassée. Ce que j'ai vu c'est la douleur sur ton visage : les éclats de ta figure. Ton visage dans la vitre t'avait dit : tu es mort."

extrait de Si ce n'est toi d'Edward Bond

dimanche 5 août 2012

il faut lire Dennis Kelly

"Et là Dieu salive, il est sur le bord de son putain de fauteuil, il bave de plaisir,
Il voit leur amour, leur mariage, leurs bagarres, leurs disputes, leur premier né, la conception et la gestation d'une petite fille et nous-y voilà, et Dieu est là aussi, le jour fameux, ce jour-là, le jour où ma mère se plaint de douleurs, de douleurs terribles, et mon père, qui sait déjà que la vie l'a renié, mon père assis saoul et hébété devant la télé à regarder la vie qu'il voudrait en baignant dans celle qu'il déteste, mon père ne fait pas attention à elle, lui crie dessus, va te faire foutre, tu n'es pas encore à terme, il y a des mois encore, c'est juste des gaz espèce de grosse conne, et le moment est venu, le moment est venu et Dieu salive pendant que mon père refuse, ne veut pas, ne veut pas aller chercher de l'aide, ne veut pas croire qu'il y a quelque chose -
Et soudain
Son appendice éclate.
Et elle meurt
C'était ça le moment attendu.
C'était ça.
Et Dieu retombe dans son fauteuil.
Il s'en roule une petite
Et il sourit, satisfait du travail bien fait.
Il ne regarde même pas quand on m'arrache au cadavre de ma mère sur une table d'opération.
Il ne prête aucune attention aux hurlements de mon père.
Il ne remarque pas mon frère à quatre pattes, tout seul
Et nous, on sait.
On sait qu'à partir de cet instant Dieu ne regarde plus."

Débris, Dennis Kelly, traduction de Philippe Le Moine & Pauline Sales, éditions Théâtrales, 2008

On peut écouter sur France Culture sa pièce Oussama ce héros ici (accrochez vous !)
ou sa pièce Love & Money , un extrait de cette pièce ici-même

mercredi 29 février 2012

Love & Money de Dennis Kelly


"La semaine dernière j'étais devant cette vitrine à regarder ce sac que je n'avais pas les moyens d'acheter, et - c'était vraiment un trés beau sac, vraiment- et c'était comme si, comme si je ne pouvais pas bouger, et comme si je ne pouvais pas m'en aller à cause du sac, physiquement je veux dire j'étais clouée sur place, les poils hérissés sur la nuque et je me sentais mal de me mettre dans un tel état d'émotion à cause d'un putain de sac à main et pendant ce temps là y a toujours pas de solution en vue au conflit israélo-palestinien, et là soudain j'ai pensé que ce sac était fait non pas pour contenir des choses mais pour me contenir moi, et ça a été comme une révélation, ça m'a rendue tellement euphorique que je suis tout de suite entrée dans le magasin et j'ai acheté le sac, parce qu'il n'avait plus aucun pouvoir sur moi, et je me suis sentie super bien pendant le reste de la journée. Mais quand j'y ai repensé ce soir-là ça m'a paru tellement...
bête.
Elle rit
J'ai pleuré."

extrait de Love & Money. ADN de Dennis Kelly, L'Arche éditeur, 2011

Lu hier d'une traite. Quelle force dans le propos, l'écriture et la construction, on peut écouter la pièce de Dennis Kelly sur France Culture

dimanche 28 août 2011

Les cauchemars du gecko de Raharimanana

Le livre de Raharimanana a été initialement une pièce de théâtre présentée à Avignon en 2009.
Le gecko comme une tâche rétinienne tenace, noire, sur la mémoire, le monde, l'occident tel qu'il va...

p. 43
"Si tu lis ces lignes, cavale, cavale de suite et si tu ne sais pas lire, cavale quand même...
[...]
le gecko, la fuite en tête encore quand pris par la queue, il se débat et se déleste de son appendice, il file. Sur l'île on l'appelle le lézard à deux vies, queue coupée repousse pareille...
dans la poussière, les traces du gecko narguent la fleur de lis tombée de l'autre épaule...
Je n'ai aucune bouche à te déplanter pour me dire libre, je me tire, je me vire, m'entends-tu encore ?
la particularité du son du gecko, c'est l'écho qu'il crée dans sa gorge, on croit l'entendre à l'autre bout de la pièce - et l'y situer donc.
Or, il n'est qu'ici, bien près derrière votre nuque, à l'envers sur le mur ou le plafond..."

D'autres extraits sur Remue.net
Les cauchemars du gecko, Raharimanana, Vents d'Ailleurs, 2011

vendredi 7 novembre 2008

Qui a peur de Virginia Woolf par la Compagnie De Koe au Théâtre Garonne




Qui a peur de Virginia Woolf ? d'Edward Albee
interprétée par la Compagnie De Koe au théâtre Garonne

Martha hystérique, castratrice...
Georges cynique, veule

Jeu pervers dans un couple en déliquescence. Ultime équilibre dans l'affrontement et le mensonge

Qui a peur de Virginia Woolf ? C'est pas nous, c'est pas nous...

Vulgarité, humiliations, bagarres... Les brisures de l'âme violentes, brutales dégueulent sur les personnages et les spectateurs...

Humour féroce et dévastateur...
Effluves d'alcool et pensées malades...

Nick, spectateur impuissant, complaisant
Honey, niaise, gentille petite épouse...

Les personnages sont solidement plantés sur scène...

et on assiste, non, on prend part à cette folle danse d'(auto)destruction parfaitement maîtrisée.

L'histoire : Martha et Georges couple d'américains respectacles recoivent en fin de soirée un couple nouvellement arrivé sur le campus universitaire dirigé par le père de Martha... Martha invective Georges, Georges à son tour humilie Nick... Ils picolent comme des trous, se chamaillent, se battent... Un jeu cruel se met en place, on oscille entre réel et imaginaire... Le couple se déchire avec rage. La pièce d'Edward Albee fait voler en éclat l'image stéréotypée de la famille américaine bon teint.

Le spectacle : les acteurs se meuvent sur une scène encombrée de bouteilles et de magazines. Cette accumulation étouffante cerne les personnages et leur jeu.


Les acteurs prennent à partie le public, le spectacle se construit à mesure que les répliques fusent, que le jeu des acteurs se déploie pour les spectateurs dans la salle. On voit le processus créatif à l'oeuvre.
Les acteurs tous vêtus de blanc, pureté en contradiction totale avec la noirceur de leur âme habitent le texte d'Albee et nous interpellent du regard. Le spectacle présenté ne peut jamais être deux fois le même...
J'ai beaucoup aimé, même s'il y a eu quelques longueurs, un petit essoufflement en cours de spectacle (c'était la deuxième). Le jeu des acteurs était passionnant, drôle, percutant, et aussi intéressant car fragile. Tout n'était pas propre et lisse...
Et la scène finale toute en retenue... l'aveu de la vulnérabilité de ce couple dans le murmure de Martha : quel frisson !
Mention spéciale pour Natali Broods, l'interprète de Martha


Le spectacle est programmé au Théâtre Garonne jusqu'au 15 novembre


et pour en savoir plus sur la compagnie De Koe:


chronique de Bringelle, présente dans la salle le 6 novembre 2008
Photos extraites du site de la cie De Koe