
J'ai lu La mer devrait suffire, recueil de Murièle Camac, dans la première semaine de janvier.
humanité
certaines personnes parfois
plaisantent le samedi
et se pendent le dimanche
apparemment mon âme
on peut vouloir rire
et mourir en même temps
et moi je n'arrive pas
à comprendre
(extrait p.69)
J'ai retrouvé l'univers sensible que j'avais découvert dans Vitres ouvertes... Ici le fil se tisse entre mer et voyage, passé et présent, convoque figures mythologiques et poètes... et toujours le regard aigu de Murièle et son écriture précise et simple sur le monde qui nous entoure. J'aurais aimé écrire aussi justement.
22h22
le train est à l'arrêt rien ne bouge rien ne bruit
ni dehors ni dans le wagon débordant d'une humanité hypnotisée
une vitre noire révèle un mot en blanc
"srietioP"
par la porte ouverte on voit les quais les bâtiments de la gare
un bout de drapeau français
la nuit de septembre ni froide ni chaude
un jeune homme prêt à monter
une jeune fille éloignée de deux pas
tous deux fument
silencieux et fatigués comme la nuit
concentrés comme en mission
comme en prière
ils ne se regardent pas ne se parlent pas
je fais semblant de ne pas les regarder
le petit contrôleur zélé qui va et vient
est le seul actif et réveillé ici
le seul à savoir ce qu'il doit faire et comment
et pourquoi
(extrait p.67)
La mer devrait suffire, Murièle Camac, Editions Henry, (La Main aux poètes), 2014
***
On court en direction de la maison. La porte semble gelée et on doit patienter avant de pouvoir la franchir. C'est une pièce interminable qui se joue sur le seuil. Le pêne enrage. Les gonds trépignent. Même le paillasson s'enfonce dans la poudreuse. Pourtant personne ne bouge. La main sur la poignée, on attend que ça passe. Que le soleil du matin vienne crocheter la serrure.
Pistes noires, Jean-Baptiste Pédini, (La Main aux poètes), 2014