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vendredi 6 février 2015

Roumaine par Marianne Desroziers - Vases communicants

Pour Stéfana, en souvenir de nos lettres échangées

Bucarest.
1990.
De sa bouche s'échappe chant des sirènes capitalistes.
Hier encore c'était chant de propagande communiste.
Cela ne change rien.
La liberté n'est pas pour tout de suite.
Il y aura encore faim, fatigue,
désillusion, désenchantement.
Il y aura encore yeux cernés
et gorge sèche.
Il y aura encore nuit sans sommeil,
manque d'argent, manque d'espoir.
Et puis un jour le départ.

(c) Francesca Woodman



















 Le principe des vases communicants ? 
Deux partenaires qui écrivent l’un chez l’autre le premier vendredi du mois.
Échange avec Marianne Desroziers autour d'une photo de Francesca Woodman
Le lien vers mon propre texte est ici, sur le blog de Marianne ;
La liste de tous les vases communicants de février 2015 est ici, grâce à Angèle Casanova.

vendredi 2 novembre 2012

Tarot-Eros par Anna Jouy

Vais-je m’élancer ainsi, me prendre un pied dans le ciel ? Inversion de fortune, ma maison peut-être tremble ? Les oiseaux sortent de terre vers des refuges de nuages. Ai-je perdu mes petites ailes dorées et est-ce une pluie de métaux lourds qui cinglera de mes pavés ?

Attraction permutée, pôles démagnétisés, ma vie se détache comme la plèvre des grandes tuberculoses. Je quitte ses bases et brasse des deux mains. M’accrocher à des cendres fugaces. Tenir ou ne tenir à rien…

il va neiger. 

C’est qu’arrive le temps des cabrioles et de ces allègements de la tête. C’est bien. J’atteins à grands trous, l’effet de passoire. Une pluie à rebours. Nuages et avortement de coton. Mais si le ciel me donne signes, pourquoi fait-il en mon ventre des fœtus morts et ces injections de foutre candide ? Mes entrailles seront-elles le dernier espace mûr avant la folie ?

il va neiger n’est-ce pas ?

Soleil silo. Il me crache sur l’île des sueurs. (pour lui poète trouble) fraternité des souches et de l’étoupe, le fleuve à l’entonnoir. Un fil rouge vient de saigner ma gorge et mes points de côtés. L’astre entre glaives et piqûres écrit sur ma peau des basanes profondes, y grave une ride à la ligne. Les flots qui m’enceignent sont si clairs, je crois qu’ils arrivent des soupirs du monde. À la rouelle, ils distribuent nos efforts. Temps de lumière et temps de feu. C’est vivre qui importe et le jour est ce territoire ouvert.

neigera-t-il, dis moi… ? 

Tenir à la main le bâton rouge et les yeux plantés dans l’étoile. Que mes grelots résonnent, qu’ils fassent le bruit qu’il faut. Je ne veux m’aveugler que la tête haute et que chaque pas fraye avec les bêtes et les chiens. À ma taille des yeux et des perles. Je me sens porter la cartouchière du bonheur et des lueurs. La munition essentielle! Dans mon baluchon, que des pierres, pour l’équilibre des pas et ne pas monter trop vite. Briser mon genou pour ce repas de membres désossés. J’ai des choses à vivre qui n’auront rien de léger.

Enfin ! Tous mes flocons montent au ciel. 

Détachée, puisque Anna je « suie »

Et j’écris



Tirage tarot 
Maison-Dieu /envers 16 
Soleil / endroit 19 
Le mat/ endroit (sans nombre)
Total 35 3+5 = 8 la justice qui écrit une plume à ses pieds et tient la folie dans l’équilibre biaisé des tensions 




pour Maryse Hache
Premier vendredi du mois, c'est vase communicant, second passage de flux entre Anna Jouy et moi-même : 
“Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations.” 
Mon texte chez Anna. Vous pourrez lire ici même d'autres textes d'Anna Jouy et
La liste des vases communicants est comme d'habitude disponible sur le blog dédié, le groupe facebook ou le scoop-it.

samedi 29 septembre 2012

Un jour

Un jour
Je cesserai d’écrire
n’aurai plus rien à dire
nada
nothing
nichts
quelques mots
des peaux mortes
peluchant sur la langue

Je serai toute sèche
le crâne momifié
bouilli
réduit
moisi
la tête vide
les yeux clos
branlant sur les épaules

Je ne pourrai plus feinter
des mâchoires du cerveau
racler les os
pour en tirer le suc
avec une cuillère

le vieux bout
de cervelle
qui aurait
(peut-être)
un dernier
(qui sait)
mot
à
dire

qui
.........que
..................si
.....................non

*

Non ?

Pour pouvoir dire, je lis. J’achète des livres et je lis. J’emprunte des livres et je lis.
J’essaie par tous les bouts de combler mon retard, des siècles et des siècles perdus dans les broussailles.

J’avale page à page des kilos de papier. Je déchire en morceaux, le plat supérieur, le plat inférieur, les contreplats, les tranchefiles, les gardes marbrées, les feuilles froissées. J’émiette, je mâche, je déglutis. La bouillie peine à fondre dans le jus de salive. J’essuie mécaniquement d’un revers de la main, le filet de culture qui tombe entre mes seins. Je dois tout avaler, ne pas perdre une goutte, même pas l’encre bleue qui s’infiltre en naevus sur ma langue poisseuse.

Ca descend.
Mon ventre enfle.
Je crois que je digère.
Mais c’est juste l’overdose. Mon corps hypertrophié de trop de cellulose.

Je m’en fous.
Mes yeux, ma bouche, mon nez : je veux tout barbouiller.
Etaler sur ma face, ma gueule de limace, les mots lus, entendus, mal compris, en désordre, recrachés, de travers.

Je cravache, je besogne, je suis en ahanant ceux qui savent.
Je ramasse, l’air de rien, ce qu’ils laissent, derrière eux. J’assemble vite vite deux trois jolies formules.
Il n’y a pas de miracle. Mes mots suintent encore une odeur de ranci.

J’insiste, je recommence, j’enfonce mes deux doigts tout au fond de ma gorge. Toujours pas le miracle.

Non.

Je ne peux que vomir mon étique pensée.

Initialement publié sur le blog de Morgan Riet dans le cadre des vases communicants

mardi 18 octobre 2011

Lichen


Il grimpe sur le lit
Ses bras flasques ouverts arrosant
les peaux moites d’effluves moisis

Il dit à la fille
Viens-zy
Viens-zy donc garce
Manger du spore

Elle grince parce qu'elle n'est pas fille
À peine créature aux cheveux longs et gris
Eclatant des papules sur un corps amaigri

Elle dit à l'homme
Viens-zy
Viens-zy baiser de ta langue aigre
Les auréoles brunes
De nos petites morts

Ils rient
Des mots
En fondant leurs toisons sur la mousse du lit

Ils plient
L'amour
Dans le concert gluant de leurs débris

publié initialement sur L'entresort de Perrine Le Querrec
dans le cadre des vases communicants d'octobre

Image : Spooning couple, Ron Mueck, 2005

vendredi 7 octobre 2011

Tranchant de Perrine Le Querrec - Vases communicants
















Plus elle maigrit plus elle se trouve grosse.
La peau tendue aux quatre coins du corps, les os en angles qui poussent et se bousculent sous la toile de derme, ça ne suffit pas, ça ne suffit plus. Si elle pouvait, inciser ici et là, plonger la cuillère dans le fatras et creuser un peu, extraire nerfs et chair, garder juste ce qu’il faut de force pour écraser les oiseaux entre deux pierres, clouer les grenouilles sur les troncs, entendre le sang des autres s’écouler, secouer les boyaux de sa tête, se cacher dans un pli de la terre.

Image : « holy moley », j alex goss


Premier vendredi du mois, c'est Vases communicants,
Perrine Le Querrec pose ses mots chez moi...et m'accueille chez elle par là http://entre-sort.blogspot.com/ 
La liste de tous les vases communicants d'octobre sur la page facebook dédiée aux vases

vendredi 2 septembre 2011

Reprise d'Anna Jouy - Vases communicants

Rhume de cerveau, éternuements de l'intelligence. Je bégaie des idées comme des postillons d'humeur. Problèmes de saison, automne de toutes les couleurs des vertes et des pas mûres. Une pensée après l'autre, le rouet est plein et déborde. Après qu'en reste-t-il qui tienne à l'estomac? Pas grand chose et parfois même la chiasse normalité de tous les transits.
Je dépense mon temps en semailles, le champ est vaste et à peines labouré. Je fais mon semis d'un geste de repiqueuse, il me faut une machine à coudre pour sillonner mon pré
et la terre tissu conjonctif est dure comme de la futaine de cow-boy. Je vois Millet prier ses pauvres angélus et le tablier sale des travaux sans fin.
Je monte la charge, au loin mon troupeau de moucherons bourdonnent et sucent le sang des fleurs.
Il est temps de respirer en dehors du sable aqueux des vieilles bruines qui rentrent par le nez et font baver les narines. D'essuyer les peintures de leur grisaille de suie et de restaurer la lumière. Temps de sortir du cadre et de visiter les jupes fraîches de l'automne la main dans le sac et les bas de laine douce.
J'use en vain mon cœur en petites oboles, le divin n'aime pas la fumée de mes sacrifices. Caïn courbe l'échine sous le poids des cendres. L'œil impitoyable du critique use le sens des lignes et des perspectives du tableau, les prières sont lourdes et rasent le gazon.
A l'horizon les Indiens lèvent le camp et leurs cheminées ont pris le chemin du départ.


Premier vendredi du mois, c'est Vases communicants,
 ce mois-ci c'est Anna Jouy qui pose ses mots magnifiques chez moi...
et qui m'accueille chez elle par là http://annajouy.over-blog.fr/m/article-82985067.html


La liste de tous les vases communicants de septembre  
sur la page facebook dédiée aux vases 



vendredi 6 mai 2011

La paix de Vincent Motard-Avargues - Vases communicants

Premier vendredi du mois, c'est Vases communicants, ce mois-ci c'est Vincent Motard-Avargues qui pose ses mots chez moi... et qui m'accueille chez lui par là http://jedelego.free.fr/plus.html

La paix


Elle se tient
droite comme un i
quasi collée
à la rambarde
du bâtiment

la brise légère
dans sa chevelure compacte
laisse filer le hasard
au loin
en dessinant le destin



Ses yeux passent de
droite à gauche
d’un côté l’autre
de la rue
où personne ne se tient



Alors
elle marche
et ses pas
subtils
survolent le bitume

quand elle entend
un craquement discret
sous la semelle
écrasant un escargot
et en éprouve une gêne

même la mort
d’un rien du tout
la travaille au
corps à vif
à cran



Lui reviennent des images
floues un peu sépia
et des parfums
approximatifs
d’elle hier

si loin
tout ça
trop loin
oui mais
si proche malgré tout



Un klaxon
elle se retourne

est finie
la paix.




Liste des Vases communicants de Mai 2011

Morgan Riet http://cheminsbattus.wordpress.com/  et Marlène Tissot http://monnuage.free.fr/  


Kouki Rossi http://koukistories.blogspot.com/  et Christophe Sanchez http://www.fut-il.net/
 
G@rp http://lasuitesouspeu.net/  et Franck Thomas http://www.frth.fr/
Maryse Hache http://semenoir.typepad.fr/  et Jérôme Wurtz http://fermeturefilm.blogspot.com/
Joachim Séné http://www.joachimsene.fr/txt/  et Guillaume Vissac http://www.fuirestunepulsion.net/spip.php?rubrique1  
Louise Imagine http://louiseimagine.wordpress.com/  et KMS http://kmskma.free.fr/
Christopher Selac http://christopherselac.livreaucentre.fr/  et Pierre Ménard http://www.liminaire.fr/
Martine Rieffel http://lireaujardin.canalblog.com/  et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com/
Isabelle Butterlin http://yzabel2046.blogspot.com/  et conte de Suzanne http://valetudinaire.net/
Franck Queyraud http://flaneriequotidienne.wordpress.com/  et Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/  
Piero Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/  et Dominique Hasselmann http://dh68.wordpress.com/
Daniel Bourrion http://www.face-terres.fr/  et Anita Navarrete-Berbel http://sauvageana.blogspot.com/ 

François Bon http://www.tierslivre.net/  et Urbain trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/
Candice Nguyen http://www.theoneshotmi.com/ et Samuel Dixneuf http://samdixneuf.wordpress.com/

Michèle Dujardin http://abadon.fr/  et Jacues Bon http://cafcom.free.fr/
Cécile Portier http://petiteracine.over-blog.com/  et Sandra Hinège http://ruelles.wordpress.com/
Mariane Jaeglé http://mariannejaegle.over-blog.fr/ et Michel Sarnikov http://la.mauvaise.herbe.over-blog.com/
Sarah Cillaire http://www.seriescillaire.com/ et Arnaud Maïsetti http://www.arnaudmaisetti.net/spip/  

Christine Jeanney http://www.christinejeanney.fr/  et Jeanne http://babelibellus.free.fr/  
KtyZen http://ktyzen.posterous.com/  et Xavier Fisselier http://xavierfisselier.wordpress.com/

vendredi 1 avril 2011

Le temps en suspens de Marlène Tissot - Vases communicants

Voilà un poisson irisé de Marlène Tissot dans l'oeil, à l'occasion des vases communicants du mois d'avril (les autres échanges sont ), mes mots à moi sur son Nuage

Le temps en suspens

C’est jeudi soir, c’est la marée humaine sur le parking du centre commercial, c’est le soleil qui tombe derrière la montagne, les lampions orange qui s’éclairent, la ville qui enfile sa robe à paillettes, c’est ce type assis dans sa vieille bagnole, avec du chagrin plein les yeux, et puis son regard qui trébuche sur le tien, le contact qui se prolonge à travers le pare brise, c’est le silence qui raconte des histoires, le temps en suspens, la réalité diluée dans de la poussière de fée, c’est ton sourire qui sèche ses larmes, c’est une portière qui s’ouvre sur des mots simples et vrais, c’est une rencontre, c’est jeudi soir, la marée humaine sur le parking du centre commercial, c’est la nuit qui vous prend sous son aile, c’est le début de quelque chose peut-être, c’est la vie.

vendredi 4 mars 2011

Vieil homme aux escarres #vases communicants

*

Il geint.

Sur sa hanche
cratère putride où se lave
lentement qui vient,
la

violente.

*

On panse.
On essaie de faire au mieux.
On pense
aux draps souillés
qu’il va falloir changer,
à la poche d’urine
presque pleine, à cette
journée qui se termine,
aux prochaines vacances,
aux poches vides,
aux proches vus de loin en loin,
aux enfants qui poussent si vite
qu’on y pense
sans fin
en essayant de ne pas.
On panse.

*

Au sortir de la chambre,
un mot, un sourire –
pas toujours, c’est vrai –
comme un voile de morphine
posé sur ses paupières,
sa bouche
pas à pas volcan éteint.




Se posent ici les mots de Morgan Riet dans le cadre des vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre (...). Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Mes mots à moi sont là bas


Les autres vases listés ici : http://rendezvousdesvases.blogspot.com/

(publication avec deux jours de retard -problème de connexion, mille excuses à Morgan Riet)

mercredi 12 janvier 2011

Il dit T'es une fille...


Il dit T’es une fille de la ville
avec une moue légère
qui creuse un accent grave
sur le bord de sa lèvre

je sens bien qu’être une fille
de surcroît de la ville
dans sa bouche terreuse
brûle comme une ortie

je sais bien qu’un jour
son regard indulgent
heurtera âprement
le pli de ma glabelle

je sais qu’il me perdra
quelque part dans la nuit
que je m’égarerai
en chemin dans les blés

dans les
coteaux
du Gers
où je vois

une bosse
deux bosses
un troupeau
de chameaux

où je vois
des poils ras
puis blonds
et leur tonte
l’été

où je ne vois
rien
que
feuilles
plantes
arbres
sans nom

je dois
lancer en l’air
et sur lui
d’étranges
petits
sorts

pour voir ses cheveux, sa langue crépiter
quand il m’identifie comme une citadine

pour voir sur sa tête, le ciel du jour qui sombre
s’embraser dans le bref flamboiement d’une orange

pour voir les nuages dégorger tout leur jus
asperger d’un voile roux le bitume et ses mots

pour l’écran sirupeux qui dessine sur nous
un nouveau paysage

              son visage moiré
              la fille de la ville
              greffée sur un cil


initialement publié sur le blog de Jean Prod'hom, http://www.lesmarges.net/ dans le cadre des vases communicants

vendredi 7 janvier 2011

Belle Joux #vases communicants




Les méandres de la Trème avaient été corrigées, on avait aménagé ses rives, essarté les bois, accroché des leurres aux bras des étoiles, les hommes avaient exposé leur âme velléitaire, cherché midi à quatorze heures, ils étaient allés à gauche, ils étaient allés à droite, avaient rêvé un autre ordre du monde, le haut en bas et le bas en haut, tracé des chemins pour revenir sur leurs pas, lorsque l’un d’eux s’avisa un matin que tout cela n’allait pas.

Il maudit un instant les hésitations d’où étaient nées leurs entreprises avant de louer l’esprit de décision des choses: la rivière ne baisse pas les bras et franchit les obstacles sans jamais revenir sur ses pas. Les nuages jouent les masques sans quitter le jeu. Il ne siffle pas aux oreilles du vent lorsqu’il perd un peu de son souffle. Le lac ne languit pas. Le vase déborde et le feu ne se trompe pas.

Derrière tes allures d’aventurier quatre heures sonnent déjà à la cloche du village, un chien aboie, un corbeau remue l’immobile coup de pelle et une lame chasse la neige, le renard file au plus droit la tête renversée vers le ciel. Le dernier mot a donc été dit et tu écris l’étendue blanche. Une dame et son chien te rattrapent, bonjour bonjour, laissent quelques miettes sur la nappe qui nous sépare et, dans le verger, le gui fait le fanfaron sur les épaules d’un vieux pommier qui rit sous cape. En arrière du chemin un poème de Robert Walser.

La neige ne monte pas en tombant
mais, prenant son élan,
descend, et puis se pose.
jamais elle ne monta.

Elle n’est par essence
à tous égards, que silence,
pas trace de vacarme.
si seulement tu lui ressemblais.

Le repos et l’attente
- telle est son attachante
et douce identité,
Vivre, pour elle, c’est s’incliner.

Jamais elle ne retournera
d’où elle est descendue,
elle ne court pas, elle est sans but,
être calme est son bonheur.


Il se souvient alors de la Trème, la conçoit de mémoire, ses sources multiples et ses secrets dans la Joux Noire lorsqu’elle ouvre ses bras au Châ, au Mormotey et plus tard à l’Albeuve, lorsqu’elle se perd dans ceux de la Sarine. Il s’attarde sur ses rives, mêle ses pas aux empreintes des disparus pour tresser une guirlande à l’inexorable.



Se posent ici les mots de Jean Prod'hom- http://www.lesmarges.net/
dans le cadre des vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre (...). Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Mes mots à moi sont là bas

Les autres vases du mois de janvier 2011
Juliette Mezenc http://juliette.mezenc.over-blog.com/ext/http://motmaquis.net/ et Christine Jeanney http://tentatives.eklablog.fr/ce-qu-ils-disent-
Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/ et Michel Brosseau http://www.àchatperché.net/
François Bon http://www.tierslivre.net/ et Laurent Margantin http://www.oeuvresouvertes.net/
Martine Sonnet
http://www.martinesonnet.fr/blogwp/  et Anne-Marie Emery http://pourlemeilleuretpourlelire.hautetfort.com/
Anne Savelli http://www.fenetresopenspace.blogspot.com/  et Urbain, trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/
Murièle Laborde-Modély http://l-oeil-bande.blogspot.com/  et Jean Prod'hom http://www.lesmarges.net/
Jérémie Szpirglas http://inacheve.net/  et Franck Queyraud http://flaneriequotidienne.wordpress.com/
Kouki Rossi http://koukistories.blogspot.com/  et Jean http://souriredureste.blogspot.com/
Piero Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/  et Monsieuye Am Lepiq http://barbotages.blogspot.com/
Marie-Hélène Voyer http://metachroniques.blogspot.com/  et Pierre Ménard http://www.liminaire.fr/
Frédérique Martin http://www.frederiquemartin.fr/  et Francesco Pittau http://maplumesurlacommode.blogspot.com/
Jean-Yves Fick http://jeanyvesfick.wordpress.com/  et Gilles Bertin http://www.lignesdevie.com/
Candice Nguyen http://www.theoneshotmi.com/  et Benoit Vincent http://www.erohee.net/ail
Nolwenn Euzen http://nolwenn.euzen.over-blog.com/  et Joachim Séné http://www.joachimsene.fr/
Isabelle Pariente-Butterlin http://yzabel2046.blogspot.com/ et Xavier Fisselier http://xavierfisselier.wordpress.com/
Christine Leininger http://les-embrasses.blogspot.com/  et Jean-Marc Undriener http://entrenoir.blospot.com/
Samuel Dixneuf http://samueldixneuf.wordpress.com/  et Philippe Rahmy-Wolff http://kafkatransports.net/
Lambert Savigneux http://aloredelam.com/  et Lambert Savigneux http://regardorion.wordpress.com/
Christophe Sanchez http://fut-il-ou-versa-t-il.blogspot.com/ et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com/
et
sur twitter et en 9 twits chacune, Claude Favre @angkhistrophon et Maryse Hache @marysehache (elles ont choisi de publier les deux textes chez celle qui a un blog : Maryse Hache http://www.semenoir.typepad.fr/)

mardi 16 novembre 2010

Apprendre


Elle aurait pu dire :

« Maintenant tu prends ce putain de livre, et tu lis cette page !

Je ne vais pas te laisser faire n’importe quoi, pousser toute tordue comme une fille des rues, courir comme une folle dans la cour, avec des cagnards les pieds nus.

Tu ne seras pas comme moi, à nettoyer la merde des bourgeois, à quatre pattes sous leurs yeux. Je ne te veux pas ma fille, les mains et les genoux calleux.

Tu vas apprendre, et plus vite que ça !

Tu le dois à ton père, qui crève sur les chantiers, pour avoir mêlé son sang au mien. Pour avoir cédé à ma couleur de miel, à mes yeux en amande, mon odeur de charbon.

Tu le dois à sa vie dévastée, à cette humiliation de devoir trimer comme un nègre, lui le fils de blanc. Lui qui serait ce soir, à deviser tranquille sous une varangue, près d’une femme en robe longue entourée de quelques enfants blonds.

Tu dois apprendre ma fille.

Tu es ma revanche. Ta peau noire de suie, ton cerveau plein de mots, voilà mon triomphe et ma rage jetés à leurs visages lourds de mépris.

Et il n’y a que ton savoir qui peut remplacer ma beauté éphémère dans le cœur de ton père. »

Elle aurait pu dire tout cela, mais elle restait silencieuse.

Elle se tenait raide, assise sur une chaise branlante. Sa bouche crispée sur une colère froide, le bloc de glace emplissant sa gorge sèche et l’espace minuscule de la maison.

Sur ses genoux, un livre était ouvert. Les pages étaient tendues, presque à se déchirer sous la pression des doigts. Une lampe à pétrole éclairait les visages d’une lumière faiblarde. Elle jetait des ombres étranges sur les murs recouverts de vieux journaux. Le visage de la mère devenait méconnaissable sous les yeux de l’enfant : des lettres et des photos dansaient comme des diables sous ses sourcils froncés.

La fillette était par terre, la robe sale remontée sur ses cuisses. Une mince cordelette la rattachait au pied de la table. Des traces violettes, souvenirs fugaces de sa résistance, zébraient la peau de sa cheville.
L’enfant était immobile, la tête penchée sur le sol en terre battue.
Elle attendait le cerveau vide, un mot de sa mère qui aurait tordu le cou à ce serpent visqueux qui pressait ses poumons.

La mère aurait pu…

Mais elle a abattu le livre sur la tête de sa fille, et d’un geste brusque a écrasé son visage sur les pages noircies.
- Lis !

Le mot a claqué comme un fouet sur l’échine.


Texte publié le 5 novembre sur Lignées le blog de Samuel Dix-neuf Mocozet dans le cadre des vases communicants

crédit photo picstout

vendredi 5 novembre 2010

Le pèlerin –hommage à Pessoa #vases communicants



C’était un de ces après-midi là. L’été avait cédé sa place à l’automne. Le soleil était encore chaud. Des familles se promenaient par grappes compactes au bord d’un étang. Sur cette petite allée noyée de lumière, j’arrivais à peine, de loin, à deviner leur mouvement. Elles coulaient lentement le long des pavés tièdes. Ce devait être dimanche.
Je marchais depuis plusieurs heures. Le soleil avait commencé à décliner. Mais personne ne semblait y prêter attention.

Je n’avais pas vu de ville depuis plusieurs semaines. Après une période de réflexion, j’avais dû me résoudre à traverser le massif. Les températures clémentes m’avaient encouragé. J’avais ensuite longé des hameaux, flâné sur le seuil de granges désertées –la désalpe avait eu lieu récemment, je sentais encore l’odeur des bêtes- et regardé vivre les néo-ruraux (c’est ainsi qu’une femme, jeune, visiblement fière, s’était présentée à moi. Vêtue d’un grossier gilet de chanvre elle m’avait offert un thé au beurre de yak, d’un goût douteux, mais devant son enthousiasme je n’avais rien dit. Je distinguais à peine son enfant nu, allongé sur une peau de mouton, derrière les fumées d’encens) dans leur extase simple du retour à la nature. Nous avions été interrompus par le ronronnement d’un gros 4x4. Son mari, tiré à quatre épingles, rentrait du travail. Je m’éclipsai avant qu’il ne me propose un verre de vin bio.
La descente vers la ville avait été agréable. Elle m’avait pris deux jours. J’aurais pu la faire d’une traite, mais je m’étais égaré en suivant les chemins selon leurs fantaisies géométriques. Si un rai de lumière me séduisait, je m’y engouffrais. Si j’apercevais un début de trace parmi les broussailles, je m’y attardais. Parfois, je laremontais. Suivre la trace d’animaux sauvages. Perdre la sienne.
Seule la faim m’avait tiré du bois.

Je marchais donc, hébété, parmi les peaux hâlées –les vacances, l’été, je le disais, n’étaient pas loin. Ces foules irréelles bercées d’une indolence fantasmée, sans dieu ni maître paraît-il, tendaientleur visage vers l’astre pour réveiller le souvenir quelconque d’un séjour all included. En attendant le suivant, il faudrait travailler. C’est donc cela, qu’elles essaient d’oublier, ces familles, en faisant semblant de croire que le soleil ne déclinera pas. Travailler et s’avilir, dans l’obscurité, demain, pour les prochaines vacances et dire ensuite que tout cela n’existe pas.

Songeant presque tout haut, alors que j’étais maintenant au cœur de la doucereuse coulée, je me mis à longer la berge au plus près afin d’éviter toute manœuvre d’évitement. N’avez-vous pas, vous aussi, l’impression de remonter la foule ? Mon pas était sûrement déréglé, ma démarche suspecte. J’étais seul. On me regardait de travers. Je filais droit devant. La sueur glaçait mon front.

Après l’étang, qui devait être un lac après tout, à juger de sa longueur, je débouchai sur une vaste prairie. En son centre régnait une étrange activité. La foule y était compacte. Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Contre toute attente –j’ai toujours pensé contre moi-même- j’entrepris de m’approcher.

Plus de molle coulée. Les familles étaient maintenant disposées en cercles concentriques, comme pour protéger quelque chose. Je parvins, après quelques contorsions et les regards de mères courroucées, jusqu’à l’objet du désir. Sa masse étincelante arrachait quelques petits cris aux enfants subjugués –la foule des familles avait été jusque-là étrangement silencieuse, je le réalisai soudain. Des visages clignotaient sur le métal brûlant, on se précipitait à l’intérieur, les enfants se passaient de mains en mains, par dessus les têtes, pour parvenir dans l’habitacle. Pour recevoir l’absolution ?
Je m’étais éloigné rapidement. Quelques images anciennes traversaient mon esprit. J’y voyais des enfants noirs, à demi nus, hanter la carcasse d’un Black Hawk calciné.

Rapidement, un peu essoufflé, je pris le chemin de la forêt.


Texte rédigé par Samuel Dixneuf-Mocozet - http://samdixneuf.wordpress.com/ dans le cadre des vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre (...). Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Mes mots à moi sont

Autres vases du mois de novembre

Anne Savelli http://fenetresopenspace.blogspot.com/  et Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/
Pierre Ménard http://www.liminaire.fr/  et Daniel Bourrion http://www.face-terres.fr/
Lambert Savigneux http://aloredelam.com/  et Isabelle Butterlin http://yzabel2046.blogspot.com/
Cécile Portier http://petiteracine.over-blog.com/  et Joachim Séné http://joachimsene.fr/txt/
Marianne Jaeglé http://mariannejaegle.over-blog.fr/  et Olivier Beaunay http://oliverbe.blogspirit.com/
François Bon http://www.tierslivre.net/  et Bertrand Redonnet http://lexildesmots.hautetfort.com/
Kathie Durand http://www.minetteaferraille.net/  et Nolwenn Euzen http://nolwenn.euzen.over-blog.com/
Landry Jutier http://landryjutier.wordpress.com/ et Jérémie Szpirglas http://inacheve.net/
Anita Navarrete-Berbel http://sauvageana.blogspot.com/  et Lauran Bart http://noteseparses.wordpress.com/
Juliette Mezenc http://juliette.mezenc.over-blog.com/  et Christophe Sanchez http://fut-il-ou-versa-t-il.blogspot.com/
Urbain, trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/  et Scritopolis http://www.scriptopolis.fr/
Arnaud Maïsetti http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?rubrique1  et Laurent Margantin http://www.oeuvresouvertes.net/
Piero Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/  et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com/

vendredi 4 juin 2010

Orgueil de poète #VasesCommunicants

Premier vendredi du mois échange des Vases communicants ... C'est Morgan Riet qui pose son poème sur mon blog... juste retour des choses pour celui par qui je suis entrée en "virtualité poétique" ;)
Mes mots à moi sont
Je crois
que je serai satisfait de moi
le jour où j’aurai le sentiment d’écrire aussi bien
que je balaye les pièces de mon appartement.

Ah, si vous pouviez me voir à l’œuvre
et remarquer alors
avec quelle dextérité, avec
quelle grâce
je manipule ce balai, c’est un véritable…
ballet !
Il faut le voir, ce dernier,
comme il tourne entre mes mains,
sur la pointe des poils,
comme il ondule sur le sol, comme il s’entrechat
entre table et chaises,
comme il répand son aura alentour,
et comme il est encouragé toujours
par les chauds applaudissements
des plinthes, ainsi que des coins et recoins
si souvent négligés, bâclés –

reconnaissons-le, hélas –

par tous ces amasseurs de poussières amateurs
en matière d’approche esthétique
et de maîtrise de cette insigne technique
de surface.



Autres vases communicants du mois de juin
Tiers livre http://www.tierslivre.net/  et Dominique Pifarely http://pifarely.net/wordpress  
Joachim Séné http://www.joachimsene.fr/txt/  et Urbain, trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/
Morgan Riet http://cheminsbattus.spaces.live.com/  et Murièle Laborde Modély http://l-oeil-bande.blogspot.com/  
Anne-Charlotte Chéron http://feenmarges.blogspot.com/  et Christophe Sanchez http://fut-il-ou-versa-t-il.blogspot.com/

mercredi 12 mai 2010

Ce que j'ai cueilli dans les vases (communicants) du mois de mai...

Difficile en ce moment d'écrire... (boulot, soucis, et autres plantules)
mais j'ai pris le temps de lire...
... et butiner quelques fleurs dans les vases (communicants)

parmi les textes qui m'ont plu...

La cicatrice de Anna de Sandre publié chez Ma plume sur la Commode
Curiosité adolescente sur la cicatrice féminine ; premier jeu de séduction/manipulation d'une jeune Camille. J'ai aimé le texte taillé au couteau, la narration enlevée... et ce questionnement sur cette "déchirure"...qui continue à interpeler, même les post adolescent(e)s...
j'ai publié ici un texte appelé La fente, écrit il y a quelques années... alors évidemment ce récit m'a particulièrement parlé.
"La fente des filles, elle cicatrise à la mernopause. Quand elles sont vieilles tu ne peux plus les baiser, leur trou se bouche. Ça aussi c'est Matt qui le dit. Il raconte parfois des craques pour se moquer mais là, c'est du sérieux. L'information n'est pas vérifiable, la plus vieille du bahut n'a que dix-neuf ans et les enseignantes ne sont pas de vraies femmes [...]"

Autre émoi adolescent :
Laiteuse de Christophe Sanchez sur Pages retrouvées, paroles croisées
où la séduction féminine joue à plein dans une description minutieuse de l'entrée d'une jeune fille dans un bus. J'ai beaucoup aimé l'acuité visuelle... Le désir englobe tout le paysage autour de son objet :)
"Et enfin d’un long entrechat sensuel, elle s’assit trois rangées devant moi, prés de la fenêtre, si bien que je ne voyais plus que sa touffe de cheveux et leur masse grouillante dédoublée dans la vitre. A cette réflexion étrange se mêlait la mention blanche « securit » certifiant d’une réalité crue les reflets incertains de ses épaules. Elle passa la main dans sa chevelure pour en chasser la moitié côté couloir et découvrit ainsi une nuque laiteuse plantée sur un cou longiligne. Dans le prolongement, « securit » se dessinait maintenant sur son épaule et plantait son T final au centre de ses deux omoplates. La paume de la main posée à plat sur la vitre, il me semblait la toucher, caresser sa toison, faire frissonner sa peau translucide mais cet ersatz ne me renvoyait que la froidure maussade du verre poli."

J'ai aimé également
Hors jeu de Jean Prod'hom sur le site d'Arnaud Maïsetti
pour la petite musique de désespérance, et son cheminement au contact des autres...
"On se lève donc parce qu’on sait que ce soir, pour autant qu’on y parvienne, on pourra retourner dans le tambour de la nuit qu’on aurait voulu ne pas quitter, pour y être à nouveau enfermé, tourné, retourné, préservé, lavé. On se lève donc en sachant qu’on n’ira nulle part."
[...] 
"Je me retrouve sur le chemin de la Mussily, indemne, étonné d’être là. Tous les jours pourraient être ainsi, n’est-ce pas ? On demeurerait sur le seuil, on ne toucherait à rien, parce qu’au fond on n’y croit guère. On n’en serait pas, on aiderait d’un sourire ceux qui sont embarqués et on cueillerait quelques rameaux pour en être un peu."

pour choisir ses propres fleurs, il faut aller ICI (Brigetoun a recensé les vases et leur contenu)

lundi 26 avril 2010


I

c'est en lisant qu'on devient lit pliant
c'est en pensant qu'on devient pense bête
c'est en spéculant qu'on devient une gaufrette
c'est en remâchant qu'on devient canapé
c'est en réfléchissant que l'on devient miroir
c'est en communiquant qu'on devient une clé
c'est en écrivant qu'on devient écritoire
c'est en sabrant qu'on devient un rasoir
c'est en bassinant qu'on devient une théière
c'est en butinant qu'éclosent des accessoires
c'est en tablant qu'on fait pousser des verres
et c'est en respirant qu'on renouvelle l'air

tu peux entrer t'asseoir :
ma tête est quasiment meublée

II

pour commencer une collection
il faut avoir un cochon
à la peau rose et lustrée.
le cuir de son dos doit être
légèrement incisé.
installer l'animal sur un buffet
et glisser chaque jour un mot dans la fente.
surtout ne pas oublier de caresser la bête :
un cochon blessé conserve mal le papier

dans les conversations, livres, émissions
saisir au vol les plus beaux mots :
gerboise, cressonnette, antimoine
sont de jolis mots.
volontarisme, intégration, rupture
sont plus contestables.

les écrire à l'encre bleue sur du papier de soie
les laisser macérer pendant un ou deux mois.
quand le cochon plein grouine, sortir un récipient
l'ouvrir d'un coup sec, et mélanger en salade
les mots, l'ail, le vinaigre avec quelques pignons
les manger à la fenêtre, en regardant la mer
si on n'a pas la mer, prendre une toile cirée...

III

certains jours ma tête,
mon corps débordent
les mots s'agglutinent
et me bouchent les pores
je me fraie avec peine
un chemin
dans la bouillie sonore
qui ralentit ma marche
qui sature mes veines
mes poumons s'exaspèrent
happent des goulées d'air
les mots de tous côtés
oppressent et asphyxient
ça sent le vieux papier
la fade moisissure
mon épiderme craquelle
là où germent les spores

je voudrais des gens,
je voudrais de la chair
pas des prénoms exsangues
des patronymes vides
des mots sans queue ni tête
pas ces accouplements
des voyelles aux pixels

j'enfonce mes deux poings
sur l'écran de mes yeux
pour l'éblouissement
singulier du silence
mais je sens toujours
couler sur mes cheveux
les mots
de ceux qui savent
de ceux qui dictent
de ceux qui pensent
de ceux qui bandent
de ceux qui éjaculent
la giclée fébrile et molle
des pédoncules

vendredi 2 avril 2010

Et voilà, elle est partie #VasesCommunicants



Je l’ai vue monter lentement sur le plateau du camion. Péniblement, l’épaviste l’a hissée avec un treuil couinant et faiblard. Elle était triste, sans tain. Comment pouvait-il en être autrement si proche de sa mise en bière ! Son beau gris métallisé avait depuis longtemps terni au soleil et viré au blafard sous les intempéries. Sa carrosserie robuste n’avait pas résisté à une conduite nerveuse, aux trajets animés et aux stationnements urbains aléatoires. Plusieurs chocs sur son avant, son arrière, ses côtés témoignent d’une vie agitée et les tâches de rouille sur ses flancs, telles des rides profondes, de sa fin inévitable. Alors elle m’a lâché ma voiture car elle était simplement trop vieille. Immobilisée dans un garage depuis deux mois, elle n’attendait que ses funérailles. Maintenant, elle est partie rejoindre ses cousines dans la grande cour des récusées, celles qui ont fait leur temps, que la société ne veut plus. Rebut de l’industrie automobile, elle va finir ses jours compactée par une machine diabolique, mangeuse de ferrailles et de plastiques élimés.

Je ne suis pas un amateur de voitures. D’ailleurs, je n’ai jamais vraiment aimé cette auto. Acquise il y a dix ans, elle correspond surtout à une tranche de vie extraordinaire. Ce monospace imposant à la gueule banale n’était pas le véhicule dont rêvent les petits garçons. Pataude, sans grand caractère, cette « bétaillère » était néanmoins parfaite pour tout bon père de famille qui se respecte. C’est bien pour cela que nous l’avons achetée, mon ex-femme et moi, par ce beau mois de mars de l’an deux-mille où nous apprenions avec stupeur que veillaient dans un ventre, encore si peu rebondi, nos deux enfants. Les jumeaux étaient en gestation. Notre véhicule du moment était de toute évidence trop exigu pour accueillir les nouveaux venus et notre aînée, le changement s’imposait.

Elle aura vécu dix ans. L’âge de mes enfants aujourd’hui. Et une foule de souvenirs est survenue lorsque je l’ai vu ainsi basculée sur son portique. Le treuil motorisée dans le fracas de sa chaîne rouillée a fait remonter pour un instant le cours du temps. J’ai revu quelques moments forts, heureux parfois pénibles ou troublants. Comme le remplissage du coffre pourtant spacieux qui explosait sous le volume d’un fatras incroyable ! A chaque déplacement, nous devions emporter le nécessaire vital à la tribu. Et ce nécessaire n’était pas menu : les trois lits-parapluies, la poussette jumelle, la poussette cane, plusieurs boîtes de lait lyophilisé, un pack d’eau minérale, des biberons éparpillés qui rouleraient bientôt jusqu’aux places avant, divers sacs avec couvertures et vêtements de rechange, la trousse à pharmacie, les couches en triple exemplaire des bébés. Et gare à ne pas oublier sur le bord de la route, les bébés eux-mêmes ! Une fois les trois bambins solidement harnachés à l’arrière, ils disposaient d’un large fauteuil pour chacun leur offrant l’aisance des rois. Au centre, ma grande fille princière veillait sur sa fratrie, en remontant la sucette de sa sœur agitée ou en mouchant le nez coulant de son frère souffreteux. Les jumeaux babillaient, éructaient, braillaient, rigolaient et ma femme vomissait avant qu’ils ne le fassent à force d’être constamment retournée vers eux, en sens inverse de la marche du véhicule. Et mon sourire nerveux quand l’ambiance dans l’habitacle ressemblait, sans que nous maîtrisions quoi que ce soit, à une pouponnière premier âge à l’heure de la tétée. Leurs cris, leurs excitations diverses m’exaspéraient autant qu’ils me ravissaient et nous mangions du bitume, tracions la route, écrivions déjà la leur.

C’est cette vision fugitive de leurs très jeunes années qui m’a surpris hier quand ma voiture, leur voiture, notre voiture est partie rejoindre sa dernière demeure.. Je n’ai que faire de ce tas de ferrailles mais avec cette rupture, c’est la petite enfance de ma progéniture qui s’en va. Une page qui se tourne.

Billet rédigé par arf - http://fut-il-ou-versa-t-il.blogspot.com/- dans le cadre des Vases communicants
crédits photographiques : http://www.zphoto.fr/epave_photo324333.html

Vous pouvez lire mon billet publié chez lui par

Autres participants aux Vases communicants du mois d'avril
Kouki Rossi http://www.koukistories.blogspot.com/ et Luc Lamy http://www.luclamy.net/blog
pendant le week-end http://www.pendantleweekend.net/ et ruelles http://ruelles.wordpress.com/
Jean Prod'hom http://www.lesmarges.net/ et Juliette Zara http://enfantissages.free.fr/
Mariane Jaeglé http://mariannejaegle.over-blog.fr/ et Anthony Poiraudeau http://futilesetgraves.blogspot.com/
Cécile Portier http://petiteracine.over-blog.com/ et Loran Bart http://leslignesdumonde.wordpress.com/
Christine Jeanney http://tentatives.eklablog.fr/ et Kathie Durand http://www.minetteaferraille.net/
Sarah Cillaire http://sarah-cillaire.blogspot.com/ et Anne Colongues http://aout-en-attendant.blogspot.com/
France Burguelle Rey http://france.burghellerey.over-blog.com/ et Eric Dubois http://ericdubois.over-blog.fr/
Fleur de bitume http://promenadedunefleur.blogspot.com/ et chez Jeanne http://chezjeanne.free.fr/
Florence Noël http://pantarei.hautetfort.com/ et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com/