C'est une belle journée.
Il est presque neuf heures, mais il fait encore frais.
Comme je viens de me lever, la lumière douce m'aveugle.
Je me suis endormie au petit matin sur le canapé. Mon corps est tout engourdi du sommeil trop court : je n'ai pas rêvé cette nuit. J'ai sombré dans les bras de Morphée dans un souffle, et c'est dans un souffle que j'ai ouvert les yeux. Je me suis levée lentement et me suis dirigée sans faiblir vers le buffet de la cuisine. J'ai pris une tasse, une cuillère, une bouilloire, de façon mécanique.
En préparant le thé, je me suis rendue compte de la douleur dans mes muscles.
Le canapé sans doute. Cela fait des années que Jean me dit de l'amener à la déchetterie...
J'appuie mon front contre le meuble au dessus de l'évier, mes oreilles bourdonnent. Combien d'heures j'ai dormi déjà ? Trois ? Quatre ?
Cela ne m'est plus arrivé depuis... Jamais en fait. Cela ne m'est jamais arrivé.
La bouilloire siffle, je dispose ma tasse sur le plateau. Je remplis la théière, et je reste quelques minutes sans bouger. Je ne sais plus ce que je dois faire.
J'entends le bruit des oiseaux derrière les volets.
C'est ce qui me décide à sortir.
Le bruit... et le silence dans la maison.
Je cherche fébrile de quoi écrire. Tout est éparpillé par terre près du canapé. Quand je m'approche, la tasse et la théière cliquètent, mes mains poisseuses tremblent. Je n'entends jamais ce bruit d'habitude, cela me trouble. Je pose le plateau sur la table basse couverte de bouteilles, de verres, de cendres de cigarettes. Et je prends à la hâte une feuille blanche et un stylo. Je ne m'attarde pas davantage dans le salon obscur. Je sors. J'entends résonner le bruit de mon coeur.
L'arbre en face scintille des reflets du soleil. Je plisse les yeux ; je baigne dans la lumière bleutée de la pergola. C'est une caresse apaisante, je respire à pleins poumons la luminosité caeruleum.
J'aime bien ce mot. Je le dis à voix haute, et je sursaute. J'ai l'impression que quelqu'un s'approche, je me retourne, mais il n'y a rien. J'ai oublié que j'ai fermé la porte.
Je répète caeruleum, et une tristesse m'envahit. Je sais que je dois écrire, mais je ne sais pas par quel mot débuter. Alors je reste là immobile, à regarder mon thé qui refroidit, la feuille blanche, et le stylo couché en travers comme un cadavre. Si j'en avais le courage, je retournerai dans la maison chercher mes brouillons... J'avais griffonné des phrases, pris des notes, trouvé quelques beaux mots. J'avais rayé, expliqué, arrangé...
Mais je ne peux plus bouger. Cette fatigue si imperceptible tout à l'heure me cloue maintenant sur la chaise métallique. Je me sens faible. Je ne pourrai pas pousser la porte, je ne pourrai pas voir dans la pièce, je ne pourrai pas sentir l'odeur.
Il fait si beau. Je me sens calme assise à table. Je dois juste laisser le dehors pénétrer l'intérieur de mon corps. L'effluve du thé au citron. L'air frais. Le bruissement des feuilles. La caresse du vent.
Je vais trouver les mots. Il suffit de commencer.
Jeu d'écriture proposé par le blog à 1000 mains
sur l'invitation de arf, à lire son interprétation Aérien
Crédit photographique Thé citron