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Quand M. Jean-Pierre
revient, le sexe a mangé ; une vague plénitude, une trouble rotondité le
trahit. Une souris a dû se faire avoir, pense M. Jean-Pierre. C’est très bien,
trouve-t-il, si ce sexe de jeune fille peut le débarrasser des souris, c’est
toujours ça. Dehors, M. Jean-Pierre a acheté des fleurs. Pour le sexe. Des
roses. Il les agite au-dessus du sexe. Il en a pris exprès des bien fatiguées.
Elles lâchent leurs pétales qui glissent sur le sexe et viennent se mêler aux
autres pétales du coussin de fleur. Je suis bien seul, se dit M. Jean-Pierre.
Il jette les tiges pleines d’épines à la poubelle.
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On annonce qu’on
va licencier deux mille ouvriers. Le délégué syndical interviewé est gros, très
pâle, il dit que c’est un scandale car l’entreprise a fait un bon chiffre
d’affaire cette année. Que vont faire les deux mille ouvriers. Ils ont des
femmes, des enfants. On revient au présentateur. Il a l’air grave ou désolé,
entre les deux. C’est bien malheureux, dit-il sur un ton qui laisse penser que
ça devait arriver de toute façon. Un jour ou l’autre. M. Jean-Pierre se tourne
sur son canapé. Le sexe de jeune fille est immobile, on dirait une statue de
petite taille. Qu’est-ce que tu en penses, toi, demande M. Jean-Pierre. Pas de
réponse. Peut-être doit-il s’y prendre autrement. Qu’est-ce que vous en pensez,
vous, demande M. Jean-Pierre. Le sexe ouvre les lèvres. Le capital a besoin de
destruction, déclare le sexe de jeune fille sur coussin de fleur. Le capital
détruit ici pour mieux faire du profit ailleurs. M. Jean-Pierre hoche la tête,
lentement, comme une poupée allemande, ancienne. Il pense à sa retraite. Il
espère qu’on la lui laissera jusqu’à la fin de sa vie. Il n’est sûr de rien,
car tout change, tout va très vite."
M. Jean-Pierre est extrait de l'excellent blog de Sammy Sapin, à découvrir ici