pendant que la rue bruisse
de lumières, de rires
de vin et de pain chauds
de roues qui crissent
de papiers flous
lui
marche
lui
à l'odeur de pisse et de tissus mouillés
le paletot troué recouvert de traces
le pantalon tombant sur ses hanches étroites
un sac se balançant au bout de sa main droite
je me demande
que peut-il contenir ?
lui
dont les côtes saillantes
échappent à nos regards
cliquètent sans un bruit
sous les amas de toiles
lui qui marche
sans s'arrêter
la pauvreté collée
comme une crasse
mon œil à la traîne
vendredi 16 décembre 2022
16.12.22
jeudi 15 décembre 2022
15.12.22
"Il faut consommer avec parcimonie"
Conseil du jour d'un fortune cookie
valable aussi pour ta poésie
de mots tranchants
noirs ou coupants
qui restent en travers du gosier
qui font bégayer, glouglouter
avaler de travers
comme si la vie
n'avait pas assez de matière
pour tout faire dérailler
pour la case du jour
va
je te mets un baiser rose
comme le jour qui vient
dans ses atours sucrés
mordre tes joues transies
mercredi 14 décembre 2022
14.12.22
chaque année, en décembre
perturbe l'appréhension des jours qui passent
car le temps en décembre
par le grand trou
avaleur de chiffres
avaleur d'années
et quelque chose dans notre poitrine
s'étire, s'étiole
comme les nuages au dessus de nos têtes
ces humeurs vaporeuses du bleu du ciel
qui pèsent, piquent
comme les aiguilles de sapin
plantées dans le creux de nos mains
mardi 13 décembre 2022
13.12.22
je pense parfois que tout
tient dans un fortune cookie
que le brillant de l'enveloppe contient
toutes les promesses d'une vie
je pense parfois à l'instant précis
où mes doigts déchirent le papier doré
celant le secret
de ma destinée
à l'ouvrier qui se marre
parce qu'il ne maîtrise
aucune langue
que la sienne
et encore
que la traduction bancale
de la prédiction relevée sur Google
qu'il introduit à la chaîne
quinze heures durant
dans des biscuits chinois
est à l'image de l'absurdité
des jours à venir
lundi 12 décembre 2022
12.12.22
entre la joie profonde
et la tristesse sourde
qui met son petit brouillard
à la surface de la cornée
on voudrait être pénétrée
vraiment
profondément
par les odeurs de sucre
la voix aiguë d'enfants
leurs lumières dorées
on voudrait adhérer à ce déferlement
de couleurs qui font tourner la tête
plus sûrement que la patinoire
installée sur la place de la mairie
on voudrait que diffusent
ces moments touffus, feuillus
qui font respirer fort
qu'ils soulèvent nos peaux
contre la peau de la ville
on voudrait dompter
les pensées débridées
qui nous baladent
des moments d'euphorie
à du cynisme pur
et on cherche
fébrilement la main
où poser sa fatigue
un contact rugueux et bref
pour apaiser nos yeux
dimanche 11 décembre 2022
11.12.22
on fait des listes
on fait des courses
on fait des cartes
d'invitation
on fait des projets
on fait des projections
pour le jour suivant
pour l'année d'après
on fait attention
au bonheur présent
celui à venir
on fait le sapin
on fait les cadeaux
on pense à nos morts
embrasse les vivants
samedi 10 décembre 2022
10.12.22
Et puis soudain
le sourire édenté
ou plein
de l'enfant nous attrape
et dompte
de l'émail scintillant
de dents
nos humeurs sombres
stupidement décomposées
vendredi 9 décembre 2022
9.12.22
à pleines dents
les nuages
dans un rire tonitruant
se déchirent sur la langue
et leur chair vaporeuse
fade
glisse au fond de l'estomac
c'est la joie, sur le marché de noël
des clowns tristes vendent
du chocolat, du vin chaud
dont la vapeur rejoint la tombe
de nos sourires surexposés
jeudi 8 décembre 2022
8.12.22
Parfois, avec le froid, nos mâchoires
se crispent et nos dents grincent
jusqu'à mordre l'azur dans un spasme incontrôlé
le ciel se fend en deux, fruit bleu
dont les pépins dorés
giclent et coulent
de la commissure des yeux
jusqu'à la pointe du menton
on pense "bientôt Noël"
il fait triste et joie
mardi 6 décembre 2022
6.12.22
Il n'y aura pas de calendrier de l'avent
cette année, pas d'argent pour acheter même
un simili décompte de couleurs criardes
dans lequel loger des bonbons débordant
de sucres et de colorants
d'ailleurs l'enfant ne demandait rien
l'enfant ne demanderait jamais rien
pas de futur , pas de conditionnel
pas même un grain de sucre à craquer
sous la dent
juste l'idée du bruit et le jus de salive
dans le grincement de la chambre
croulant
sous les gravillons
du présent
lundi 5 décembre 2022
5.12.22
Sur la place, comme chaque année
On avait installé le sapin
Un sapin métallique
décharné
Où de pauvres guirlandes clignotaient
dès que le soir tombait
Sur la place, il n'y avait rien
On entendait à peine le vent
Siffler contre les loupiotes pâles
C'était un quartier excentré
Il ne semblait pas utile
De se donner du mal
De donner trop de lumière
À la place vide
Et froide
À quoi bon éclairer
Les trottoirs défoncés
Les jeunes garçons languides
Assis sur les bancs sales, qui font
Dissimulés sous leur capuche
Des ronds de fumées larges et blanchâtres
Sous les yeux fatigués
Des quelques passants
Qui rentrent chez eux d'un pas lent
Indifférents
Aux seuls espaces
Qui n'appartiennent qu'à eux
dimanche 4 décembre 2022
4.12.22
on laisse le bruit et la lumière
en bas des escalators du métro
on presse le pas, on sème
la journée longue
longue comme une traîne
on a hâte de rentrer chez soi
puis
on ferme la porte
Le chocolat chaud est sur la table
le froid piquant derrière la vitre
nos mains sont rêches
et nos peaux mortes
flottent
comme la petite peau de lait
à la surface de la tasse
et
on souffle, on avale
la douceur sucrée mêlée
au haut-le-cœur quand
le voile gras du lait se ride
sur notre langue
sèche
samedi 3 décembre 2022
03.12.2022
Bientôt les fêtes, personne ne prête
attention aux bruits imperceptibles
au fond sonore qui s'épaissit
d'étincelles bleues
crépitant sous les talons
ces lueurs intermittentes qui passent et repassent
devant les yeux
ces éclats lumineux qui hypnotisent et nous collent
aux vitres des grands magasins
tout clignote et tremble de nos bouches qui bavent
d'un mucus de désir formant sa croûte épaisse
sur nos vestes trouées
On baigne dans un embrasement d'objets
tout phosphore, tout crame
la lumière nous pénètre
jusqu'à l'os
jusqu'au cœur
jusqu'au fond de nos poches
d'où l'on sort une petite allumette dérisoire
pour la jouissance brève d'un brasillement
dans un vendredi noir
vendredi 2 décembre 2022
02.12.22
- foutaises!
après la pluie, c'est le grand lavement
dans les rues, le ventre de la ville s'étale
en une bouillasse
indéfinissable
remplissant chaque crevasse
formant des monticules
contre chaque aspérité des trottoirs
de la ville laissée
à l'abandon
les lendemains de pluie, on sent aussi
ces femmes
ces hommes
recroquevillés sur des matelas moisis
leur odeur de chien mouillé
sollicitant notre seul sens
encore valide
dans la ville saturée d'images
incompréhensibles
jeudi 1 décembre 2022
01.12.22
chaque jour rajoute à l'autre
sa petite pierre qui pèse
chaque minute qui passe
perturbe la marche en ligne droite
des travailleurs pressés qui s'engouffrent
dans le tube étroit sous terre
fourmis compressées impatientes
de rejoindre le cœur
du cœur
de tout
on ne sait pas vraiment ce qu'est ce tout
mais on s'entasse, on allonge le cou
pour être là au bon endroit
au bon moment
pour voir le bonheur surgir
essence volatile chaude
au centre de la fourmilière