" Tout d'un coup les morts j'ai plus envie de m'en souvenir
et mes bons sentiments ne crèvent plus d'envie de poème.
Un calme irrésistible m'emporte, allongé
dans ma chambre d'hôtel à San Francisco.
Les tâches à faire, la révolte dans mon stylo,
tout a capitulé devant cette détente
une rêverie sur rien de précis.
Dehors, le monde : sifflements et tornades,
mais je me penche plutôt sur les poils de mon torse.
Ca fait quarante ans qu'ils sont là - ou plus -
du diable si je les ai remarqués avec tout ce boulot,
et maintenant ils virent au gris.
Tout d'un coup je sens que je les ai ratés, eux
et leur rousse jeunesse, leur art mystérieux d'attirer
des foules de baisers sur la peau qui se cache par en-dessous.
Ils ne m'ont pas vraiment beaucoup intéressé,
encore moins au point de vue sensuel,
et maintenant ils seront bientôt blancs, et qu'est-ce que je peux en dire ?
Qu'ils ne m'appartenaient pas ?
Qu'ils ne signifiaient pas grand'chose ?
Quand on aborde cette vieille route du corps
tout le monde TOUT DOIT ETRE CARESSE * "
Jack Hirschman (trad. G.B.Vachon)
* La fin de vers est tirée d'un poème de Whitman
Extrait de J'ai su que j'avais un frère de Jack Hirschman, Le Temps des Cerises,1998
Récupéré sur le blog de Frédérik Houdaer (qui anime -entre autres choses- le Cabaret poétique à Lyon)