les rêves
sont revenus cette nuit
pendant longtemps, ma tête est restée vide
les alizés soufflaient, je ne retenais
rien
il y a des années, quelqu’un m'a lâché la main
m’a laissé, sommeil après sommeil,
avancer dans le noir
n’attendre de personne une épaule où poser
ma faiblesse
ma faiblesse
cette nuit, les rêves ont reparu
je sens grincer leurs dents
peser au creux des reins leur regard de
félin
le drap est moite
ma bouche humide
je baigne le lit de larmes acides
c’est que leur retour sonne la fin du
repos
j’entends dans le long défilé, le
broiement de mes os
j’entends
les morts
le claquement de crocs, ô rêves
qui grignotez et grignotez le moindre
bout de peau
mettant mon cœur à nu
dénudant ma colonne vertébrale
dénudant ma colonne vertébrale
que l’enfance affleure
que de la moelle épinière coulent les souvenirs
gluants,
graisseux
mêlant sur le matelas le présent
à la chair bigarrée de tous mes revenants
*
à la chair bigarrée de tous mes revenants
*
ces rêves pleins de viande ne me nourrissent pas
il n’y a aucun sens à l’histoire
qui s’affole sur la table
je flotte
refais le passé
refais le passé
la mer y tient le rôle principal, et
j’avale
j’avale comme une oie docile
le corps de mes aïeux
puis je crache sur la nappe
des pelotes de récits
des pelotes de récits
je n’ose y planter la fourchette
c’est que des vers s’agitent
leurs ventres roses, translucides,
tendus
n’attendent que la pointe du couvert
pour dégueuler dans l’assiette
les vagues de coups bas
et mes membres meurtris
et mes membres meurtris