sur son bras un tatouage
dégoulinant
un prénom raté
"comme une vie"
qu'il me dit
j'ai faim aussi
il bouche sa bouche
de vin mauvais
me caresse de la botte
mais je sais
nous puons tous les deux
pas de gêne
entre nous
sous sa couenne
sous ma peau
on sait comment c'était
j'aboie pour le défendre
et il gueule plus fort
qui du chien
qui du mec rêve d'os
les passants
nous regardent
pareil(s)
ils disent
"pauvre chien"
ne sais plus
l'adjectif
pour qui
les grammaires
et les conjugaisons
ont avalé nos mots
qui ne remontent plus
j'aboie pour le défendre
et il gueule plus fort
qui du chien
qui du mec
qui de l'os
rêve
encore
***
Marcher si marcher de Rodrigue Lavallé
marcher si marcher
dehors puisqu'il semble
sous le vieux jean sur la peau
sous le vieux pull sous la peau
dans à travers l'espace
entre jean & pull & la peau
ce qu'il en reste même
de croûtes & de laine serrées
laine & peau macérée
le vent passe entre
le vent passe entre pull & la peau
ce qu'il en reste
& marcher
[...]
***
Papaclodo, encore de Roland Nadaus
[...]
Un soir
(qui était déjà matin)
rentrant d'une réunion militante
je te découvris ronflant
sur le palier de notre F2 sans eau chaude mais
derrière la porte palière
dormaient ma femme et notre
nouvelle née toi
tu ronflais
Tu avais bu plus qu'elles
et pas du lait
mais tu nous revenais
- j't'ai embrassé Tu as roté -
Et moi qui n'étais pas
ton fils génétique mais celui
auquel tu avais donné un nom
(mais cela je ne l'ai su que
disons très très tard)
et toi qui n'étais pas mon père
géniteur génitif
toi et moi
nous avons passé une nuit
épuisante d'amour à force de parler de se parler
de parler
- Au matin mais au matin seulement
nous nous sommes embrassés -
[...]
Dehors : recueil sans abri, collectif, Éditions Janus, 2016
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