Affichage des articles dont le libellé est Citations d'ici et d'ailleurs. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Citations d'ici et d'ailleurs. Afficher tous les articles

jeudi 13 mai 2021

User le bleu - On en parle #3

 Christian Saint Paul, animateur d'une émission littéraire autour de la poésie sur Radio Occitanie revient sur User le bleu dans son éditorial de l'émission "Confinement n°45" qui a été diffusée sur les ondes récemment :

[...] Son dernier livre « User le bleu suivi de Sous la peau », éditions Aux cailloux des chemins, collection Poésie, avec une lithographie de Cendres Lavy, 95 pages, 12 € , illustre la puissance d’évocation de la poésie d’aujourd’hui à laquelle aucun sujet ne saurait échapper.

L’observation de la vie par la poétesse, sa vivacité à en saisir toute l’ironie, tout l’humour, toute l’humanité qui reflue du moindre fait, est la trame de son travail de langue.

Et il faut bien concevoir que c’est la réussite de ce travail, par un parti-pris de simplicité, un ton familier, narratif, anecdotique percutant, qui crée le poème.

La vie des agents de la bibliothèque, en butte sourde à la hiérarchie, aux usagers, n’est pas le paradigme du décor social souhaité pour un poème, mais l’auteure, par le travail de la langue, métamorphose cette vie laborieuse en instant succulent. Et la finalité, le sens donné à la besogne éclate à l’évidence : « ils lisent ». Ils sont les serviteurs de la lecture.

Sa vocation de poète, Murièle Modély l’a éprouvée, les mots chevillés au corps, dès l’âge de dix huit ans. Car c’est avec le corps que l’on fait surgir les vers du poème. Les yeux pour voir le poème, la bouche pour que s’évade le poème. 

Le poème vit « Sous la peau ». La peau donnée comme une signature, celle de la mère, celle du père, celle d’un pays qu’elle devra quitter. L’exil, « on s’en remet » ; mais le poème crie le contraire et ce cri jaillit de sous la peau qu’elle bariole de rouge, de bleu, ce cri qu’elle étouffe de « joies falotes ».

Nous devons lire les poèmes de Murièle Modély, gagnés par la virtuosité d’une parole simple qui nous est immédiate sans rien perdre du mystère de la poésie

A cet état de grâce, peu de poètes y parviennent. Elle y accède avec le naturel de celle qui espère que sa langue qu’elle nomme « pauvre » entrera dans « le je poétique / un mot qui pèse / on ne sait trop comment ». [...]"

mardi 14 janvier 2020

Amnésie du fessier de Benoit Jeantet (extrait de la Revue NAWA)

On est souvent bien seul
à regarder
en direction des potences
et alors
le souvenir des westerns
du mardi soir
nous serre le cœur
Parce que nous n’appartenons
déjà plus
à ce nouveau monde
mais qu’il faut bien
mettre notre petit spectacle
en route
la mélancolie au tableau noir
Puisque l’ultime frontière
c’est chacun dans sa chacune
au sortir de la cabine
de douche
quand nos maigres diligences
se hâtent encore mollement
en direction du Pôle emploi
le plus proche
sans même plus
ce tremblement de chariot
des débuts
sur les routes mal carrossées
des hautes plaines
qu’on rêvait pourtant d’ensemencer
d’un tapis d’herbe
fraîche
avant qu’on découvre
les derniers lions
de prairie
soudain muselés par l’amour
On est souvent bien seul
à errer dans ces bars
de nuit
où les fantômes oublient
de remettre leur tournée
Oui mais ça fait longtemps que
Carver est mort
que les fans de Pasolini souffrent
d’une amnésie du fessier
Et depuis le commencement
jusqu’à la fin des fins
nous marcherons dans la lumière
en attendant que les ombres
se rangent à nos côtés…


Benoît Jeantet
la revue NAWA numéro 7 : http://revuenawa.fr/category/nawa-7/ 

mercredi 11 décembre 2019

Le type à la tête en pain de sucre

Y avait un type à la tête en pain de sucre dans le métro
une tête en pain de sucre moulé dans un bonnet kaki
et sa tête en pain de sucre fondait doucement
le long de ses joues
dans les plis de son cou
de longues coulures couleur de cérumen
et une petite fille à la coiffure afro répétait en boucle
en tirant la manche de sa mère
« y a le monsieur qui pleure » « y a le monsieur qui pleure »
et ses mots tombaient, en boucle aussi, sur ses genoux
comme de grosses pierres brillantes
je la regardais par en dessous
j’avais peur que ce soit la fille du conte
et que les pierres se transforment soudain hors de sa bouche
en d’affreux serpents siffleurs
tout gluants
tout visqueux
et qu’ils se faufilent partout
par tous les trous
j’aurais dû faire comme les autres dans le métro
m’arracher les yeux et tenter de les introduire du bout de l’ongle
dans la rainure entre l’écran et la coque de mon téléphone
seulement voilà, je me doutais bien en regardant tous ces trous noirs à la place des yeux qui tournoyaient comme des planètes mortes au fond de l’espace
qu’il m’aurait été bien difficile de planquer quoi que ce soit dans le répertoire de mon téléphone
et qu’une fois mes yeux arrachés, ils se faufileraient
tout gluants
tout visqueux
loin du reste de mon corps qui pirouetterait comme un poulet sans tête entre ici et nulle part
alors je regardais
la petite fille à la coiffure afro qui regardait
le type à la tête en pain de sucre qui regardait
essayer de toutes nos forces de soustraire nos six yeux à l’appel des trous noirs
elle avec ses mots comme des pierres précieuses
moi avec mes yeux tout gluants tout visqueux dans mes orbites
lui avec sa tête en pain de sucre dans son bonnet kaki semer dans le métro des larmes
à l’odeur de caramel

publication initiale dans la revue la Terrasse n°4- décembre 2018

samedi 7 décembre 2019

"Je n'ai souvent qu'une phrase...", poème de Anna Jouy

"je n’ai souvent qu’une phrase de poète pour que le songe enfonce la porte du vide
ce sont des lampes torches, des missiles de soleil
et la nuit est fendue
une phrase pour avouer que j’aime vivre
et que toutes les morts fondent comme des épées glacées à l’auvent des fenêtres
une seule phrase, mon dieu !où lancent-ils le crochet, la mouche et le moulin pour que je remonte des noyades
et respire le ciel"

mercredi 27 novembre 2019

"La poésie est une grande médecine" d'Ana Nb

il s'appelle Angjelin, il vient de recevoir une obligation de quitter le territoire français, il vit en ce moment dans une ville du grand Est , non il ne vit pas dans une ville , il survit dans une ville, il habite quelque part, avec pour maison , une tente - il vit là avec sa mère et son frère- il s'appelle Angjelin, je l'ai rencontré au cours d'un atelier d'écriture dans le cadre d'un festival de poésie - il est venu dès les premiers jours, les premiers jeudis - deux heures de rencontre - deux heures - vous imaginez deux heures dans un lieu - pour - se retrouver dans une langue dans la langue des autre dans sa langue à soi - pour dire : la poésie est une médecine - une médecine - de la langue pour la langue les langues le langage les langages - il s'appelle Angjelin la dernière fois que je l'ai vu - un mercredi de novembre à son cours de français - à expliquer le nom d'un arbre de son pays - il s'appelle Angjelin - Angjelin je vais écrire quelques mots pour toi, des mots pour dire - comment tu es venu par tous les temps, comment - comment tu as écrit - la poésie est une grande médecine - c'est cela que tu as écrit - c'est d'ailleurs même écrit sur une belle plaquette qui reproduit la forme collective de notre écriture - chaque jeudi de printemps de ce printemps 2019 - Angjelin ce printemps de 2019 s'est éloigné - l'été je ne t'ai pas vu, je suis partie - et c'est en octobre que de nouveau j'ai écouté ta voix avec celles d'autres, lire " nous sommes le monde " - Angjelin, je vais écrire autre chose que nous sommes le monde - je vais écrire - Angjelin je cherche des mots pas seulement pour toi des mots aussi pour - Angjelin les mots la poésie tout ça ne sauve de rien - sinon il suffirait d'envoyer à tous ces employés de l'administration de l'immigration cette phrase : la poésie est une grande médecine, phrase à laquelle ils répondraient : votre place est ici parmi nous, nous avons besoin de votre jeunesse de votre courage de la beauté de votre geste dans l'écriture de cette phrase - et l'obligation de quitter la France serait suspendue à jamais dans le vide - Angjelin , voilà ce que je vais écrire :

Madame, Monsieur,

( j'écrirai pour commencer les mots demandés lorsqu'on témoigne d'une vérité qui va suivre ) Angjelin a démontré tout au long de l'atelier d'écriture " nous sommes le monde ", un grand plaisir à être là, dans un lieu en sécurité, et sans contrainte, pour découvrir, dans une langue qui n'est pas la sienne, une autre langue, une langue qui se travaille avec des regards graves, des sourires, des rires, des silences, des hésitations, des questions, celle qui permet de grandir à l'intérieur le monde à partager - Angjelin je ne suis pas certaine que ces mots soient entendus -


Alors j'écrirai Angjelin d'autres mots, je les trouverai, j'ai je crois, jusqu'à vendredi
le blog d'ana nb : https://sauvageana.blogspot.com/ lire le texte sur son blog

mercredi 5 juin 2019

Caresse / Caricia dans la revue Fracas

La revue numérique et bilingue (espagnol / français) Fracas a publié mon poème Caresse
traduit en espagnol  par Lucas Grinstein sous le titre de Caricia .
Le recueil dont le poème est extrait Feu de tout bois est toujours disponible.

samedi 2 février 2019

Chienne, un poème d'Alexo Xenidis


Chienne
Cette vie-là la queue entre les pattes qui baisse la tête
Et rabat les oreilles surtout ne pas entendre l'injure
Attendre le coup de cuir le coup de pied
Je découvre que le sentiment que j'ai le plus souvent
Ressenti
Dans mon ventre surtout fut la peur celle qui broie la gorge
Peur de chienne qui rampe, l'inéluctable d’être de la mauvaise espèce,
Comme les non-chiens l’avaient décidé
Ils disent que lorsqu'il pleut sur le chien
Le chien pue il ne leur vient pas à l'idée d'accuser la pluie
Chienne
De vie, voilà deux ans déjà que j’erre, je quémande
De maison en maison ma gamelle, je reçois aussi des pierres
A la place, des regards qui se tournent, parce que
Ces chiens errants c'est dangereux ils pourraient donner aux enfants
Des envies d'aboyer ou de mordre ou de comprendre que les humains
Refont leur vie et en défont d'autres avec les bouts de viande qu'ils ont arrachés
Aux chiens aux destins aux fariboles aux gamelles des autres
Chienne de vie
Chasses à courre, le festin pour les chiens bons qui t’offrent le cerf pantelant,
Pour les autres la honte le chenil déserté le coup
De fusil pour économiser une chambre d'amis
Chienne
Si tu savais ce que j'ai fait pour vivre encore et combien je regrette
Combien
Cette chienne de vie
Ne valait pas la peur qui l'a accompagnée
Ne valait pas les coups


Alexo Xenidis, 1er Février 2019
On peut lire ses poèmes sur sa page facebook
Alexo Xenidis a aussi publié en revues
Elle a publié un recueil Communication prioritaire aux éditions Tarmac

mercredi 12 décembre 2018

Ils diront quoi de moi si un jour on me retrouve morte, de Regina Jose Galindo

(à mes quatre sœurs Helena, Rosa, Lucía, Alejandra)


"Ils ouvriront mes tiroirs
ils sortiront mes culottes au soleil
fouilleront ma vie minutieusement
et diront que
peut-être
je le mérite.

Chaque journal étalera mes tares
mes vices
mes fautes
et les gens diront que
peut-être
je le mérite.

Elle se déshabillait trop facilement
diront certains
elle fumait de la marijuana
diront les autres.

Va savoir à quoi elle était mêlée
dira untel
va savoir ce qu’elle devait
dira un autre.

Elle a couché avec celui qui est maintenant mon mari
dira Jeanine
une pute celle-là
dira Josette.
Une détraquée pensera Gisèle.

Une communiste affirmant l'existence du génocide
écrira machin-chose
une honte pour le pays
notera trucmuche.

Une rien du tout
dénoncera le flic
elle avait les ongles mal peints en rouge
et la marque d'un piercing au nombril.

Une mafieuse
concluera le procureur
elle avait des vautours tatoués sur la jambe
et une toile d'araignée dégoûtante sur le dos.

Quelqu'un localisera mes antécédents pénaux
au commissariat de Santa Catalina Pinula
et ce sera ma perte.

Ils diront alors que j'étais une paria
une délinquante
une mauvaise graine
une droguée.

Les dames chez elles diront que c'était préférable
pour le Guatemala
l'envieux se réjouira en secret de la nouvelle
quelques personnes qui m'ont aimée garderont le silence.

A mon enterrement
mes quatre sœurs
laveront leurs larmes
et laveront mon nom.

Elles diront que tout ça est faux
que Regina n'a jamais été liée au PRI
que c'était ni une pute
ni une feignante
ni une malfrate
ni une bandite
ni une terroriste
ni une délinquante
ni une paria
ni une tueuse
ni une voleuse
ni une maîtresse-chanteuse
ni une droguée
ni une vendue
ni une communiste
ni une criminelle
ni une mafieuse.

Elle diront que Regina était leur sœur
et qu'elle était bonne.

Et toi alors ?
Ils diront quoi de toi
si un jour on te retrouve mort ?

BONUS TRACK

Au nom du père
du fils
et de la sœur violée

je ne te pardonne pas."



De Regina José Galindo
Traduction de l'espagnol de Laurent Bouisset
Lire l'original suivi de sa traduction sur le site Fuego del fuego

dimanche 9 décembre 2018

"Qui parle
de refaire le monde ?
On voudrait simplement
le supporter
avec une brindille
de dignité
au coin des lèvres."


Abdellatif Laâbi
in Le soleil se meurt, LaDifférence, 1992




jeudi 26 juillet 2018

mercredi 28 février 2018

Printemps des poètes 2018 #4 : Marlène Tissot

MARLENE TISSOT



"En attendant de servir

Il y a des gens
Qui n’existent pas complètement
C’est pas leur faute
C’est juste qu’on leur a appris trop tôt
A ne pas exister en entier
Même leurs sourires
S’étirent en miniature
Même leurs mots
Evitent d’être trop gros
Même quand ils pissent
Ils évitent de faire du bruit, d’éclabousser
Et c’est pour ça qu’ils ne se jettent pas à l’eau
Parce qu’on leur a appris que c’est mal
D’éclabousser
De faire des vagues
Alors ils restent là
Comme le passager d’un bus
Qui ne saurait pas à quel arrêt descendre
Comme une poupée oubliée au grenier
Il lui manque un œil, à la poupée
Mais on ne l’a pas jetée
Parce qu’on s’est dit qu’elle pourrait servir
Il y a des gens, c’est pareil
Ils ne se jettent pas d’un pont
Parce qu’ils se disent qu’un jour
Ils pourront servir
Ils attendent leur tour
Bien sagement
En cachant avec une frange
L’œil qui leur manque
C’est pour ça qu’ils ne voient pas très bien
Où tout ça va les mener
Et ça ne les mène nulle part
D’exister comme ça
Comme une plante en pot
Qui attend d’être arrosée
Qui attend de crever
Sans faire de bruit
Il y a des gens, ils ne sont pas perdus
Ils ont juste oublié
Où ils s’étaient rangés
Ils existent au ralenti
Respirent en sourdine
Bien pliés au fond d’un tiroir
En attendant de servir
Servir à quoi ?
Ils n’en savent rien
Et ils ne prennent pas le risque
De se poser la question"

 extrait de son site http://monnuage.free.fr/
MON ANTHOLOGIE PERSO

mardi 27 février 2018

Printemps des poètes 2018 #3 : Isabelle Damotte

ISABELLE DAMOTTE



"Caddys

Le père travaillait
sur le parking
alignait
poussait les caddys
à l’abandon
c’était avant
le coup des jetons

La mère
avant
gouvernante dans un grand hôtel
avant les enfants le mariage
avant d’avoir ce qu’elle avait voulu
avait croisé Gary Grant
« J’ai perdu la photo. »

La mère
mi-temps à Chambourcy
rapportait le jeudi à midi
les yaourts
périmés
Pour la première fois
neige et fruits mélangés
la tête nous tournait
à force de souffler
dans les moulins à vent

La mère
avec l’argent des caddys
et des rayons
le père devenu chef des rayons
la mère
avait acheté un costume
que ça se voit
et un après-midi
pour nous
des chaussures hush puppies
on partait à l’école
avec des chiens aux pieds
maman très fière de son affaire

Le père
le jour des deux mille francs
a découpé le gigot
pour fêter ça
la grosse Nadia
à l’école
s’enflait comme un boeuf
avec sa phrase majuscule point à la ligne
Mon père gagne 5000 francs par mois.
L’autre gamine
avec le geste
mon manteau
il a couté la peau des fesses

Le père à la fin
faisait les marchés
juste pour la voix haute
le rire pas caché sous la cape
ça valait bien la peine
de charger la voiture

La mère
quitte à manquer de tout
avait manqué de temps
elle avait prévenu
Vous verrez
il sera trop tard
quand vous irez poser des fleurs
sur ma tombe

On n’y va pas souvent
sur la tombe
on regarde les films
de Gary Grant
On pense au père
on vérifie qu’on a bien
dans la poche
son jeton de caddy"


Paru dans le numéro 53 de la revue Bacchanales /TRAVAIL 

MON ANTHOLOGIE PERSO

lundi 26 février 2018

Printemps des poètes 2018 #2 : Perrine Le Querrec

"à table

À l’entrée des maisons, l’air criblé de moucherons. Les intérieurs, jamais terminés, depuis des générations ils manquent. Suffit d’un toit et de quatre murs. Le reste peut attendre. Sur le pavage de grosses dalles chichement éclairée par de petites meurtrières, la table massive garnie de crasse, vieux meubles, calendrier des postes, un grand coffre, une armoire.
L’élément central, c’est la cafetière
Le sermon
Le silence
Le linge
Les larmes
La cheminée
La pendule
Le carrelage
La toile cirée
Le seau
Le vin
Le bahut
Le piège
L’assiette de soupe, l’éternelle assiette et ne te plains pas tu n’as pas connu quand de soupe il n’y en avait point
Les serviettes tâchées par le repas de la veille
Mâchonner sans dents
Racler le fond du bol, ne rien perdre
Déballer la lame et le lard
Découper le pain, avalanche de miettes
Les tartines grandes comme la main, le bol grand comme le visage
Les fenêtres ne prennent pas de place
Garnies de toiles d’araignées
Tamisent la lumière
La bouche pleine de fromage verse le vin
Ils mangent poitrine contre la table
La mère debout comme les chevaux
Assiettes pleines
Mains gantelées de fumier
Pas le temps de se regarder l’un l’autre
Chaises remuées porte fermée
Cliquetis des cuillères multiplié
Une hâte unanime courbe les dos
La bête à huit bouches s’endort mains dans les poches sur la table éclaboussée de café."

extrait de « L’Apparition », éd. Lunatique, Février 2016

MON ANTHOLOGIE PERSO

dimanche 25 février 2018

Printemps des poètes 2018 #1 : Pénélope Corps

PENELOPE CORPS



 "Super 8

on dirait que la chambre d' hôtel sentirait un peu la pisse
mais que l'aurore serait quand même sublime

on dirait qu'on échapperait à l'industrie
qu'on baiserait les zones de contrôle

on dirait qu' y aurait du sable dans les chips
et qu'on se torcherait la gueule et la bouteille avec l'orage

on dirait que je collerais mon utérus contre la terre
et que tu trouverais ça marrant

on dirait qu'on serait très bons en paysages fabuleux
et que je n'aurais plus ma tronche de cage ambulante
on dirait qu'on se maltraiterait pas trop
qu'on écrirait des poèmes sans le savoir
qu'on vivrait un moment privilégié avec les oiseaux
dans le silence génial des steppes
qui n'en sont pas
je sais

on dirait que les choses seraient aussi simples que ça
que j'aurais une place dans ma famille
et que tu ne penserais pas trop à mourir dans ces moments-là

on dirait ça"


... je rajoute aussi les poètes de MON ANTHOLOGIE PERSO

Printemps des poètes 2018 : Anthologie DUOS

Le Printemps des poètes a choisi pour son édition 2018 (du 3 au 19 mars) le thème de l’ardeur. A cette occasion la Maison de la poésie Rhône-Alpes publie l’anthologie DUOS préparée par Lydia Padellec (choix des textes, biographies, préface). 
Cette anthologie coordonnée par Lydia Padellec (merci à elle) est l'aboutissement de 4 ans d'efforts et d'énergie constants :) 
Cet ouvrage est le 59e numéro de la revue de création Bacchanales. Il réunit 118 poètes, 59 femmes et 59 hommes en regard, ensemble. Leurs langues inventives, rebelles ou en symbiose avec le paysage, dans l’espace d’une page, se confrontent à la nature, au vivant, à l’environnement, au travail, à la civilisation numérique, à la violence, aux ravages de la guerre et des dominations.

Accompagné par les œuvres d'Anne-Laure Héritier-Blanc.

Avec : Sophie LOIZEAU / Jean-Philippe RAÎCHE, Marie-Clotilde ROOSE / Fredric GARY COMEAU, Cathy GARCIA/François-Xavier FARINE, Séverine DAUCOURT-FRIDRIKSON / Gwen GARNIER DUGUY, Marlène TISSOT / Pierre SOLETTI, Albane GELLÉ / Olivier COUSIN, Murièle MODÉLY / Arnaud BOURVEN, Sandrine CNUDDE / Rhissa RHOSSEY, Murièle CAMAC / Moëz MAJED, Hélène LECLERC / Vincent HOARAU, Myriam ECK / Gilles CHEVAL, Magali THUILLIER / Jean-Marc FLAHAUT, Laure MORALI / Denis POURAWA, Sabine HUYNH / Philippe PAÏNI, Marie-Noëlle AGNIAU / Sylvain THÉVOZ, Jasmine VIGUIER / Morgan RIET, Mérédith LE DEZ / Kouam TAWA, Armelle LECLERCQ / Stéphane BATAILLON, Laurine ROUSSELET /David BESSCHOPS, Sonia COTTEN / Julien SOULIER, Frédérique COSNIER / Pascal LECLERCQ, Anne MULPAS / David CHRISTOFFEL, Cécile A. HOLDBAN / Martin LAQUET, Valérie CANAT DE CHIZY / Emmanuel FLORY, Stéphane MARTELLY / James NOËL, Milady RENOIR / Mathieu BROSSEAU, Natacha DE BRAUWER / Vincent MOTARD-AVARGUES, Samantha BARENDSON / Jean-Marc UNDRIENER, Nathalie YOT / Cédric LERIBLE, Lydia PADELLEC / Simon MARTIN, Maïa BRAMI / Alexis BERNAUT, Cécile GUIVARCH / Étienne PAULIN, Nolwenn EUZEN / Thomas VINAU, Amandine MAREMBERT / Romain FUSTIER, Lucie TAIEB / Jean-Philippe BERGERON, Cécile GLASMAN / Mathieu HILFIGER, Kim DORÉ / Thomas DURANTEAU, Eugénie PAULTRE / Armand DUPUY, Emmanuelle FAVIER / YEKTA, Anne KAWALA / Philippe CLOES, Siham ISSAMI / Cédric LE PENVEN, Samira NEGROUCHE / Vincent CALVET, Mélanie LEBLANC / Guillaume SIAUDEAU, Linda Maria BAROS / Stéphane KORVIN, Adeline BALDACCHINO / Antoine MOUTON, Anne-Emmanuelle FOURNIER / Matthias VINCENOT, Pauline CATHERINOT / Paul WAMO, Catherine HARTON / Yann MIRALLES, Aurélia LASSAQUE / Éric PIETTE, Marie DE QUATREBARBES / Maël GUESDON, Irène GAYRAUD / Jean-Baptiste PEDINI, Geneviève BOUDREAU / Nicolas GRÉGOIRE, Ouanessa YOUNSI / François GUERRETTE, Anne-Cécile CAUSSE / Guillaume DECOURT, Florence VALÉRO / Maxime COTON, Laura VAZQUEZ / Yannick TORLINI, Lysiane RAKOTOSON / Émilien CHESNOT, Virginie FRANCOEUR / Pierre CAUSSE, Natasha KANAPÉ FONTAINE / Martin WABLE

samedi 27 janvier 2018

Vrac (être poète) - Hervé Gouault

Être poète, c’est tourner sept fois le couteau
dans la bouche avant d’écrire.

Lire la série Vrac (être poète) sur le blog d'Hervé Gouault

samedi 14 octobre 2017

Feu de tout bois - on en parle #2



Sanda Voïca parle de mon recueil Feu de tout bois, publié par la revue Nouveaux Délits, dans le numéro 28 de la revue Paysages écrits :   
"Dans ce recueil, Murièle Modély fait, encore une fois, en paraphrasant le titre, poème de tout bois. Chaque instant vécu devient poésie. Et quelle poésie : visions et épiphanies, sans cesse. Visions : « certains jours/la langue quitte la bouche/et se balade limace au-dessus de nos têtes » (cuisine). Vision apocalyptique dans voie basse. On pourrait même parler d’un livre des visions. Mais il y a des épiphanies aussi, et elles coïncident souvent avec les visions : le poème sommeil à citer en entier. Le quotidien, le passé (l’enfance) et le futur passés à la moulinette et réassemblés, avec quelques ingrédients : humour, voire dérision, lucidité, intelligence, maîtrise de la langue et dépassement du langage [...]"
Lire la revue ici
Commander le livre

mardi 10 octobre 2017

"M. Jean-Pierre" de Sammy Sapin

        " Il y a des jours où même un sexe de jeune fille sur coussin de fleur ne tenterait pas*, songe M. Jean-Pierre. Du coin de l’œil, il observe le sexe qui se trouve dans le salon. Le sexe ne bouge pas. M. Jean-Pierre passe devant le sexe, va à la fenêtre, l’ouvre, elle grince. Il se demande ce que mange un sexe de jeune fille sur coussin de fleur, d’ordinaire. Comme ses cigarettes ne veulent pas sortir du paquet, il se voit obligé de déchirer un peu plus l’emballage. Cela fait deux jours maintenant que les voisins lui ont laissé ce sexe (ils sont partis dans le sud, un week-end prolongé), sans lui donner de conseils. Vous saurez bien y faire, a dit le monsieur. On vous fait confiance, M. Jean-Pierre, a dit la dame. M. Jean-Pierre allume sa cigarette. Peut-être le sexe de jeune fille se nourrit-il tout seul. Une quinte de toux saisit M. Jean-Pierre. Bronchite chronique du fumeur, a dit la dernière fois son médecin, avec un sourire navré. M. Jean-Pierre lui a souri en retour, poliment. Peut-être le sexe de jeune fille veut-il une cigarette. M. Jean-Pierre propose une cigarette au sexe de jeune fille sur coussin de fleur qui ne lui répond pas, dont les lèvres rouge sombre ne frémissent pas. Le sexe, suppose M. Jean-Pierre, ira chasser des souris, des insectes, de petites bestioles dans l’appartement dès qu’il sera parti. M. Jean-Pierre écrase sa cigarette. Il pense à vider le cendrier mais ne le fait pas. Il se dit qu’il va aller faire un tour, respirer l’air frais dans la rue, laisser le sexe un peu tranquille.

*

Quand M. Jean-Pierre revient, le sexe a mangé ; une vague plénitude, une trouble rotondité le trahit. Une souris a dû se faire avoir, pense M. Jean-Pierre. C’est très bien, trouve-t-il, si ce sexe de jeune fille peut le débarrasser des souris, c’est toujours ça. Dehors, M. Jean-Pierre a acheté des fleurs. Pour le sexe. Des roses. Il les agite au-dessus du sexe. Il en a pris exprès des bien fatiguées. Elles lâchent leurs pétales qui glissent sur le sexe et viennent se mêler aux autres pétales du coussin de fleur. Je suis bien seul, se dit M. Jean-Pierre. Il jette les tiges pleines d’épines à la poubelle.

*

On annonce qu’on va licencier deux mille ouvriers. Le délégué syndical interviewé est gros, très pâle, il dit que c’est un scandale car l’entreprise a fait un bon chiffre d’affaire cette année. Que vont faire les deux mille ouvriers. Ils ont des femmes, des enfants. On revient au présentateur. Il a l’air grave ou désolé, entre les deux. C’est bien malheureux, dit-il sur un ton qui laisse penser que ça devait arriver de toute façon. Un jour ou l’autre. M. Jean-Pierre se tourne sur son canapé. Le sexe de jeune fille est immobile, on dirait une statue de petite taille. Qu’est-ce que tu en penses, toi, demande M. Jean-Pierre. Pas de réponse. Peut-être doit-il s’y prendre autrement. Qu’est-ce que vous en pensez, vous, demande M. Jean-Pierre. Le sexe ouvre les lèvres. Le capital a besoin de destruction, déclare le sexe de jeune fille sur coussin de fleur. Le capital détruit ici pour mieux faire du profit ailleurs. M. Jean-Pierre hoche la tête, lentement, comme une poupée allemande, ancienne. Il pense à sa retraite. Il espère qu’on la lui laissera jusqu’à la fin de sa vie. Il n’est sûr de rien, car tout change, tout va très vite."



M. Jean-Pierre est extrait de l'excellent blog de Sammy Sapin, à découvrir ici

dimanche 24 septembre 2017

Fils de chien, Vladimir Slépian (extrait)

"Je ne suis pas médecin, ni ingénieur, ni tout autre chose
Je suis incapable de vous dire ce que je fais dans la vie.
Je n’ai pas de profession.
Je suis un homme, si vous voulez.
Oui, merde ! Un homme.
Un homme comme vous, avec tous ces trucs que vous faites, même si je ne les comprends pas.
Si je n’étais pas un homme, alors qu’est-ce que je pourrais être ?
Un chien ?
Non. Regardez : né, le, à, de et de (c’est ma mère), signé.
Non, je suis un homme. Je veux vraiment, je veux être un homme.
Et si je tiens encore debout, si je vous parle, c’est parce que je crois encore que je suis un homme, ou que je pourrai un jour le devenir.
Non, je vois que vous hésitez, vous en doutez…
Vous avez raison. Qu’est-ce qui me prouve que je peux être un homme ?
Que je tiens debout sur mes pieds ? Qu’est-ce que cela prouve ?
J’ai connu des oiseaux qui tenaient sur leurs pieds aussi bien que moi,et même mieux.
J’ai connu des hommes, des Grands Hommes, qui n’avaient pas de pieds ni de mains, mais ils étaient couverts de médailles, et ils avaient leur retraite.
Non, je n’ai aucune preuve.
Dites-moi, à votre avis, je suis un homme ?
Vous devriez le savoir. Vous ne le savez pas ?
C’est triste ! Ni vous, ni moi, nous ne savons pas, si je suis un homme, ou pas.
Et si nous réfléchissons ensemble, nous pourrons peut-être arriver à savoir ?
S’il vous plaît ! Commençons.
Vous vous demandez à vous-même, et moi, de mon côté, je vais me demander à moi. Je crois, je crois… je crois.. je crois, je veux croire.
Mais est-ce que vraiment je crois ?
Si je croyais, pourquoi, alors, j’aurais besoin de réfléchir ? de me demander, de vous demander à vous ? Pourquoi ? Pourquoi je devrais vous dire et me dire cela tout le temps :
Je suis un homme, je suis un homme, tu es un homme. Dites-moi, s’il vous plaît, quand vous dites quelque chose, c’est parce que vous croyez en cette chose, ou parce que vous ne croyez pas ?
Pardon, je vois que je vous embête. Bon. Moi, je veux croire que je suis un homme. Je veux, je veux, mais est-ce que je veux vraiment. Oui, je suppose que je veux. Merde, ça mène à rien !
J’ai faim.
Si vous arrivez à trouver la solution, vous me direz, n’est-ce pas ?
C’est bien d’être un homme. Quand je vous vois réfléchir, je suis fier de vous.
Si je pouvais être comme vous… Réfléchissez, je ne vous dérangerai pas.
Mais, en fait, qu’est-ce qui me prouve que vous réfléchissez ? Non, je sais que vous réfléchissez, puisque vous ne me parlez pas,
vous ne dites rien, vous réfléchissez, vous réfléchissez, et quand vous aurez fini de réfléchir, vous me parlerez.
Vous me direz sur quoi vous avez réfléchi, comment s’est passée votre réflexion, vous me direz la solution, et je saurai, enfin, peut-être, si ça vaut la peine que j’espère pouvoir devenir un jour un homme. Un homme comme vous. Si je savais que c’était possible, je pourrais attendre autant qu’il faudrait, même jusqu’au jour de ma mort…
Et si c’est pas possible ?
Non, c’est impossible ! Je ne veux pas le croire.
Si vous trouvez que c’est impossible, ne me dites rien. Ecoutez ! Attendez, ne réfléchissez pas. Attendez, une autre fois !
Vous ne réfléchissez pas ? N’est-ce pas ? Je veux vous croire. Faisons autre chose, il y a tant d’autres choses sur lesquelles nous pouvons réfléchir… et justement, en ce moment, je n’en trouve pas.
Aucune.
Attendez, il faut que je retrouve un fil. Je vois, je vois un fil.
Non, je vois maintenant plusieurs fils devant mes yeux… Un, deux, trois, dix, plus ! vingt, non, plus. C’est difficile à dire combien il y en a. Regardez, ils commencent à bouger.
Excusez-moi, en ce moment je ne vois que les fils. Qu’est-ce qu’ils font ?
Mon Dieu, je ne vois rien à cause de ces fils.
Ne vous inquiétez pas. Ça arrive. On va attendre un moment, ça passera.
Ça y est. Il ne faut pas que ça recommence. Il faut mettre dans tout cela un peu d’ordre. Vous me comprenez !
Je m’exprime mal ? Bien sûr que je m’exprime mal, comme voulez-vous que je m’exprime bien, si je ne sais pas ce que je veux exprimer.
D’une part, je vous ai dit que je suis un homme ou que je veux l’être, d’autre part, comme vous pouvez le remarquer, j’avais fait une allusion à ce que j’ai faim. Ces deux problèmes, en quelque sorte, il fallait peut-être les séparer avant de vous les poser à vous, ou peut-être les réunir en un seul problème. Je ne sais pas, je ne sais pas, je vous le dis franchement. Je ne sais même pas si vraiment je veux être un homme, ou si ce que je préfère, c’est ne pas du tout être, ou être je ne sais pas qui.
Il est tr ès possible qu’au fond c’est la seule chose que je voudrais : ne pas être.
En tout cas je me le dis souvent, mais aussi souvent j’ai faim et quand j’ai faim, je me dis : voyons, tu es un homme, tu es un brave homme, et qu’est-ce que c’est que la faim quand on est un homme ? Mais peut-être même je me dis toutes ces choses à la fois, et quand je ne me dis pas quelque chose, c’est la chose même qui commence à parler.
Vous entendez ? C’est mon estomac qui parle. C’est joli, n’est-ce pas ?
Vous comprenez ? Il dit : tu as faim, tu as faim, tu as faim, tu as faimà Ha, ha, ha, je connais bien mon petit estomac. Et vous savez, il a appris tout cela seul. Excusez-moi, je vais le faire taire.
Il faudrait que nous abordions mes problèmes d’une façon plus positive.
Vous pourriez me donner à manger ?
Oui, manger. Quelque chose, j’ai faim.
Oui, je comprends, vous avez raison.
Et pourquoi vous me donneriez à manger ?
Moi, par exemple, si j’avais à manger, est-ce que je vous en donnerais ?
C’est difficile à dire. Peut-être je vous en donnerais, peut-être pas.
Non, je vois que même si j’avais quelque chose à manger, si voulais même vous en donner, je ne vous en donnerais pas. Je suis raisonnable. Je n’aime pas faire des choses inutiles.
Et vous, pourquoi vous me donneriez à manger, pourquoi, pourquoi je me demande ? Non.
Parce que j’ai faim ? Non, ce n’est pas une raison suffisante.
Parce que j’ai un estomac petit, le plus petit qu’on puisse imaginer ?
Oui, vous pouvez me donner à cause de mon estomac. Unique au monde, je vous assure qu’il est unique, croyez-moi, je connais bien mon petit estomac, il est Unique ! Unique ! Unique ! Unique comme vous ! Unique comme moi. Qu’est-ce que je dis ? Pardon.
Je ne comprends même pas ce que je dis. Imbécile.
Ecoutez, si je fais quelque chose qui soit utile et agréable pour vous, vous me donnerez à manger ?
Vous m’en donnerez, n’est-ce pas ? Je crois qu’oui.
Je vais réfléchir sur cette question.
Qu’est-ce que je peux faire qui soit utile et agréable pour vous ?
Merde, je ne sais rien faire.
Il faut que je voie mieux cela.
avec mes mains ? rien.
avec ma tête, non, rien
avec mes pieds, rien non plus.
Vraiment, je ne sais rien faire. Je suis un rien, zéro, nullité.
Je ne sais rien faire, et j’ai faim. Attendez, je veux encore réfléchir, il doit y avoir une solution."

Fils de chien (extrait), Valdimir Slépian, éditions du Chemin de fer