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lundi 7 octobre 2013

Love & Money - Dennis Kelly

"Je ne pense pas que nous ayons envie d'être seuls, si ? C'est ça qu'on veut ? Est-ce bien ça qu'on veut ? Et parfois on se dit que la seule raison pour laquelle on fait ce qu'on fait, c'est pour tendre la main et pour toucher
juste toucher, juste pour
sentir
quelque chose
dans notre main, ou plutôt dans notre cœur, j'imagine et, que notre âme tende vers quelque chose et comprenne que tout ça n'est pas que de la poussière et des cailloux, des explosions nucléaires au coeur des étoiles et puis, comme par accident, un peu de matière organique qui se baladerait sur une toute petite planète minuscule.
Vous voyez ce que je veux dire ?
Faire ce lien là ?
Juste faire le lien.
Et on regarde autour de soi, non, et on pense "alors c'est ça? Tout le monde a l'air de penser que c'est ça, bon ben je vais faire ça alors, je vais avoir un travail et une maison et les chaussures qu'il faut et je vais, vous savez, parce qu'il se peut que ce soit ça" et je ne dis pas que ce n'est pas ça et c'est très bien toutes ces choses et je déteste quand les gens sont juste à critiquer et tout parce qu'on porte tous des chaussures
bon dieu, alors, vous voyez, mais
parfois, je me pose
des questions
et je me demande si les autres sont aussi
perdus
et se posent aussi des questions et peut-être que la planète est remplie de gens qui se posent des questions mais on fait mine de savoir exactement ce qu'on fait d'être parfaitement adaptés et de ne pas avoir peur ou se sentir perdus ou
seuls
ou quoi que ce soit de ce genre."


extrait de la pièce Love & Money de Dennis Kelly, p.75-76, L'Arche éditeur, 2011

dimanche 5 août 2012

il faut lire Dennis Kelly

"Et là Dieu salive, il est sur le bord de son putain de fauteuil, il bave de plaisir,
Il voit leur amour, leur mariage, leurs bagarres, leurs disputes, leur premier né, la conception et la gestation d'une petite fille et nous-y voilà, et Dieu est là aussi, le jour fameux, ce jour-là, le jour où ma mère se plaint de douleurs, de douleurs terribles, et mon père, qui sait déjà que la vie l'a renié, mon père assis saoul et hébété devant la télé à regarder la vie qu'il voudrait en baignant dans celle qu'il déteste, mon père ne fait pas attention à elle, lui crie dessus, va te faire foutre, tu n'es pas encore à terme, il y a des mois encore, c'est juste des gaz espèce de grosse conne, et le moment est venu, le moment est venu et Dieu salive pendant que mon père refuse, ne veut pas, ne veut pas aller chercher de l'aide, ne veut pas croire qu'il y a quelque chose -
Et soudain
Son appendice éclate.
Et elle meurt
C'était ça le moment attendu.
C'était ça.
Et Dieu retombe dans son fauteuil.
Il s'en roule une petite
Et il sourit, satisfait du travail bien fait.
Il ne regarde même pas quand on m'arrache au cadavre de ma mère sur une table d'opération.
Il ne prête aucune attention aux hurlements de mon père.
Il ne remarque pas mon frère à quatre pattes, tout seul
Et nous, on sait.
On sait qu'à partir de cet instant Dieu ne regarde plus."

Débris, Dennis Kelly, traduction de Philippe Le Moine & Pauline Sales, éditions Théâtrales, 2008

On peut écouter sur France Culture sa pièce Oussama ce héros ici (accrochez vous !)
ou sa pièce Love & Money , un extrait de cette pièce ici-même

mercredi 29 février 2012

Love & Money de Dennis Kelly


"La semaine dernière j'étais devant cette vitrine à regarder ce sac que je n'avais pas les moyens d'acheter, et - c'était vraiment un trés beau sac, vraiment- et c'était comme si, comme si je ne pouvais pas bouger, et comme si je ne pouvais pas m'en aller à cause du sac, physiquement je veux dire j'étais clouée sur place, les poils hérissés sur la nuque et je me sentais mal de me mettre dans un tel état d'émotion à cause d'un putain de sac à main et pendant ce temps là y a toujours pas de solution en vue au conflit israélo-palestinien, et là soudain j'ai pensé que ce sac était fait non pas pour contenir des choses mais pour me contenir moi, et ça a été comme une révélation, ça m'a rendue tellement euphorique que je suis tout de suite entrée dans le magasin et j'ai acheté le sac, parce qu'il n'avait plus aucun pouvoir sur moi, et je me suis sentie super bien pendant le reste de la journée. Mais quand j'y ai repensé ce soir-là ça m'a paru tellement...
bête.
Elle rit
J'ai pleuré."

extrait de Love & Money. ADN de Dennis Kelly, L'Arche éditeur, 2011

Lu hier d'une traite. Quelle force dans le propos, l'écriture et la construction, on peut écouter la pièce de Dennis Kelly sur France Culture