Affichage des articles dont le libellé est Livres. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Livres. Afficher tous les articles

dimanche 17 décembre 2017

Tu écris des poèmes - on en parle

Note de lecture sur Tu écris des poèmes par la poétesse Murièle Camac

"[...]« Tu », dans le livre, c’est « je » – cette fameuse je « autre », celle qui écrit des poèmes, justement. « Tu » est peut-être le meilleur de « je » : une je « obligé[e] d’inventer » pour exister, obligé de se dédoubler (« un peu de noir sur beaucoup de blanc ») et même de se démultiplier, de se décomposer – parties du corps, meuble, île, clavier d’ordinateur. C’est ce dédoublement répété et créateur que la première partie du recueil explore. Corps organique et corps textué dialoguent à tu et à toi. Entre vacillement au bord « du gouffre sous tes pieds » et sensation « que le mystère d’être / sur le poing du poème / est à portée de main », entre « je » absentée et « tu » prétextée, quelque chose prend place : le poème.[...]"

Lire l'article complet

vendredi 17 novembre 2017

Tu écris des poèmes - on en parle

Note de lecture sur Tu écris des poèmes par l'auteure Marianne Desroziers

"Murièle Modély s'interroge sur l'activité d'écrire et sur la spécificité de l'écriture poétique en passant par le tu : choix pertinent, tant il est vrai qu'il faut parfois savoir se dédoubler pour mieux s'adresser à l'Autre (et à soi-même). Cette exploration de l'activité d'écrire des poèmes et cette quête de l'identité du poète se font une certaine dose d'auto-dérision et comme toujours – c'est sûrement ce que j'apprécie le plus chez elle – beaucoup de sensualité. Car dans les textes de Murièle Modély, le corps est omniprésent, il déborde de toute part : il jaillit, il exulte, il jouit... et, au milieu de tout ça, avant, pendant, après, il écrit.[...]"
 Lire l'article complet

Note de lecture sur Tu écris des poèmes par la poétesse Murièle Camac

"[...]« Tu », dans le livre, c’est « je » – cette fameuse je « autre », celle qui écrit des poèmes, justement. « Tu » est peut-être le meilleur de « je » : une je « obligé[e] d’inventer » pour exister, obligé de se dédoubler (« un peu de noir sur beaucoup de blanc ») et même de se démultiplier, de se décomposer – parties du corps, meuble, île, clavier d’ordinateur. C’est ce dédoublement répété et créateur que la première partie du recueil explore. Corps organique et corps textué dialoguent à tu et à toi. Entre vacillement au bord « du gouffre sous tes pieds » et sensation « que le mystère d’être / sur le poing du poème / est à portée de main », entre « je » absentée et « tu » prétextée, quelque chose prend place : le poème.[...]"

Lire l'article complet


Retour de lecture sur "Tu écris des poèmes" par Cathy Garcia :

« Tu écris des poèmes », écrit l’auteur, s’adressant à elle-même en usant de ce tu, ce tu qui résonne comme une affirmation ou une accusation, une violence ; aussi bien un silence épais qui vient boucher la sortie des mots qu’un débordement de mots pour recouvrir le silence. Le volcan revient souvent dans l’écriture de Murièle Modély, on pense bien-sûr à l’ile de la Réunion, un volcan peut-être « vibrant et lumineux comme le mot racine/dissimulé dans ta première dent de lait ». Volcan métaphore aussi de ce qui couve dans les entrailles, sous la croûte du quotidien, ce qui brûle et déborde par la moindre fissure, tantôt montagne solide, muette et impassible, tantôt menace d’explosion quand le solide pris de fièvre intense se fait liquide, salive, sueur, sperme, cyprine, alors tout tremble et les mots dévalent « dans tous les sens/à bride abattue/jusqu’à respirer sur la table/l’odeur de langue coupée. [...] »

Lire la suite sur son blog ici


Dominique Boudou en parle aussi sur son blog:

"Murièle Modély, en évoquant l'île de la Réunion où elle est née, pourrait reprendre le célèbre mot de Kafka à propos de Prague : " Cette petite mère a des griffes." Dans Tu écris des poèmes, son sixième recueil publié, l'auteure de Penser maillée questionne de nouveau l'acte d'écrire. Et l'île grandit avec le poème dont la langue résiste au plus profond des plis du corps. " tes poèmes sont / n'importe quelle partie de ton corps / n'importe laquelle / une jambe / un rein / un os / n'importe laquelle / sauf la tête. [...]"

Lire la suite sur son blog ici


Commander le livre sur le site de l'éditeur : http://bit.ly/2munPnZ

dimanche 24 septembre 2017

Fils de chien, Vladimir Slépian (extrait)

"Je ne suis pas médecin, ni ingénieur, ni tout autre chose
Je suis incapable de vous dire ce que je fais dans la vie.
Je n’ai pas de profession.
Je suis un homme, si vous voulez.
Oui, merde ! Un homme.
Un homme comme vous, avec tous ces trucs que vous faites, même si je ne les comprends pas.
Si je n’étais pas un homme, alors qu’est-ce que je pourrais être ?
Un chien ?
Non. Regardez : né, le, à, de et de (c’est ma mère), signé.
Non, je suis un homme. Je veux vraiment, je veux être un homme.
Et si je tiens encore debout, si je vous parle, c’est parce que je crois encore que je suis un homme, ou que je pourrai un jour le devenir.
Non, je vois que vous hésitez, vous en doutez…
Vous avez raison. Qu’est-ce qui me prouve que je peux être un homme ?
Que je tiens debout sur mes pieds ? Qu’est-ce que cela prouve ?
J’ai connu des oiseaux qui tenaient sur leurs pieds aussi bien que moi,et même mieux.
J’ai connu des hommes, des Grands Hommes, qui n’avaient pas de pieds ni de mains, mais ils étaient couverts de médailles, et ils avaient leur retraite.
Non, je n’ai aucune preuve.
Dites-moi, à votre avis, je suis un homme ?
Vous devriez le savoir. Vous ne le savez pas ?
C’est triste ! Ni vous, ni moi, nous ne savons pas, si je suis un homme, ou pas.
Et si nous réfléchissons ensemble, nous pourrons peut-être arriver à savoir ?
S’il vous plaît ! Commençons.
Vous vous demandez à vous-même, et moi, de mon côté, je vais me demander à moi. Je crois, je crois… je crois.. je crois, je veux croire.
Mais est-ce que vraiment je crois ?
Si je croyais, pourquoi, alors, j’aurais besoin de réfléchir ? de me demander, de vous demander à vous ? Pourquoi ? Pourquoi je devrais vous dire et me dire cela tout le temps :
Je suis un homme, je suis un homme, tu es un homme. Dites-moi, s’il vous plaît, quand vous dites quelque chose, c’est parce que vous croyez en cette chose, ou parce que vous ne croyez pas ?
Pardon, je vois que je vous embête. Bon. Moi, je veux croire que je suis un homme. Je veux, je veux, mais est-ce que je veux vraiment. Oui, je suppose que je veux. Merde, ça mène à rien !
J’ai faim.
Si vous arrivez à trouver la solution, vous me direz, n’est-ce pas ?
C’est bien d’être un homme. Quand je vous vois réfléchir, je suis fier de vous.
Si je pouvais être comme vous… Réfléchissez, je ne vous dérangerai pas.
Mais, en fait, qu’est-ce qui me prouve que vous réfléchissez ? Non, je sais que vous réfléchissez, puisque vous ne me parlez pas,
vous ne dites rien, vous réfléchissez, vous réfléchissez, et quand vous aurez fini de réfléchir, vous me parlerez.
Vous me direz sur quoi vous avez réfléchi, comment s’est passée votre réflexion, vous me direz la solution, et je saurai, enfin, peut-être, si ça vaut la peine que j’espère pouvoir devenir un jour un homme. Un homme comme vous. Si je savais que c’était possible, je pourrais attendre autant qu’il faudrait, même jusqu’au jour de ma mort…
Et si c’est pas possible ?
Non, c’est impossible ! Je ne veux pas le croire.
Si vous trouvez que c’est impossible, ne me dites rien. Ecoutez ! Attendez, ne réfléchissez pas. Attendez, une autre fois !
Vous ne réfléchissez pas ? N’est-ce pas ? Je veux vous croire. Faisons autre chose, il y a tant d’autres choses sur lesquelles nous pouvons réfléchir… et justement, en ce moment, je n’en trouve pas.
Aucune.
Attendez, il faut que je retrouve un fil. Je vois, je vois un fil.
Non, je vois maintenant plusieurs fils devant mes yeux… Un, deux, trois, dix, plus ! vingt, non, plus. C’est difficile à dire combien il y en a. Regardez, ils commencent à bouger.
Excusez-moi, en ce moment je ne vois que les fils. Qu’est-ce qu’ils font ?
Mon Dieu, je ne vois rien à cause de ces fils.
Ne vous inquiétez pas. Ça arrive. On va attendre un moment, ça passera.
Ça y est. Il ne faut pas que ça recommence. Il faut mettre dans tout cela un peu d’ordre. Vous me comprenez !
Je m’exprime mal ? Bien sûr que je m’exprime mal, comme voulez-vous que je m’exprime bien, si je ne sais pas ce que je veux exprimer.
D’une part, je vous ai dit que je suis un homme ou que je veux l’être, d’autre part, comme vous pouvez le remarquer, j’avais fait une allusion à ce que j’ai faim. Ces deux problèmes, en quelque sorte, il fallait peut-être les séparer avant de vous les poser à vous, ou peut-être les réunir en un seul problème. Je ne sais pas, je ne sais pas, je vous le dis franchement. Je ne sais même pas si vraiment je veux être un homme, ou si ce que je préfère, c’est ne pas du tout être, ou être je ne sais pas qui.
Il est tr ès possible qu’au fond c’est la seule chose que je voudrais : ne pas être.
En tout cas je me le dis souvent, mais aussi souvent j’ai faim et quand j’ai faim, je me dis : voyons, tu es un homme, tu es un brave homme, et qu’est-ce que c’est que la faim quand on est un homme ? Mais peut-être même je me dis toutes ces choses à la fois, et quand je ne me dis pas quelque chose, c’est la chose même qui commence à parler.
Vous entendez ? C’est mon estomac qui parle. C’est joli, n’est-ce pas ?
Vous comprenez ? Il dit : tu as faim, tu as faim, tu as faim, tu as faimà Ha, ha, ha, je connais bien mon petit estomac. Et vous savez, il a appris tout cela seul. Excusez-moi, je vais le faire taire.
Il faudrait que nous abordions mes problèmes d’une façon plus positive.
Vous pourriez me donner à manger ?
Oui, manger. Quelque chose, j’ai faim.
Oui, je comprends, vous avez raison.
Et pourquoi vous me donneriez à manger ?
Moi, par exemple, si j’avais à manger, est-ce que je vous en donnerais ?
C’est difficile à dire. Peut-être je vous en donnerais, peut-être pas.
Non, je vois que même si j’avais quelque chose à manger, si voulais même vous en donner, je ne vous en donnerais pas. Je suis raisonnable. Je n’aime pas faire des choses inutiles.
Et vous, pourquoi vous me donneriez à manger, pourquoi, pourquoi je me demande ? Non.
Parce que j’ai faim ? Non, ce n’est pas une raison suffisante.
Parce que j’ai un estomac petit, le plus petit qu’on puisse imaginer ?
Oui, vous pouvez me donner à cause de mon estomac. Unique au monde, je vous assure qu’il est unique, croyez-moi, je connais bien mon petit estomac, il est Unique ! Unique ! Unique ! Unique comme vous ! Unique comme moi. Qu’est-ce que je dis ? Pardon.
Je ne comprends même pas ce que je dis. Imbécile.
Ecoutez, si je fais quelque chose qui soit utile et agréable pour vous, vous me donnerez à manger ?
Vous m’en donnerez, n’est-ce pas ? Je crois qu’oui.
Je vais réfléchir sur cette question.
Qu’est-ce que je peux faire qui soit utile et agréable pour vous ?
Merde, je ne sais rien faire.
Il faut que je voie mieux cela.
avec mes mains ? rien.
avec ma tête, non, rien
avec mes pieds, rien non plus.
Vraiment, je ne sais rien faire. Je suis un rien, zéro, nullité.
Je ne sais rien faire, et j’ai faim. Attendez, je veux encore réfléchir, il doit y avoir une solution."

Fils de chien (extrait), Valdimir Slépian, éditions du Chemin de fer

samedi 6 août 2016

La Fusillade sur une plage d'Allemagne de Simon Diard (extrait)



"A SPLENDID TIME
PREMIÈRE PRISE : WERNER
1 – Le film de leur premier été à Cuxhaven.
Le visage d’Inge prend bien la lumière, pense Werner. Les garçons aussi : ils se pourchassent, un peu plus bas sur la plage, tout petits, serrés dans leurs maillots de bain, ils sont photogéniques, tu ne trouves pas, alors que le plus petit des enfants est pourchassé hors de l’eau, un peu plus haut sur le sable, Werner filme la séquence avec le camescope, on dirait que la lumière du soleil les rend plus scintillants et vifs.
2 – A splendid time is guaranteed for all.
1 – Werner filme la séquence puis revient sur Inge allongée sur sa serviette de plage. Les seins nus, une jambe repliée. Un bimoteur amorce une traversée du ciel. Les lunettes noires lui font des yeux indiscernables, se dit Werner. C’est si beau, non, de garder une marque. Une trace indélébile.
2 – Une série de photogrammes de Jon et Eckbert dans leur canot pneumatique.
1 – Une séquence où Eckbert et Jon se pourchassent sur le sable.
2 – Le corps d’Inge qui prend la lumière.
1 – Le ciel INTERNATIONAL KLEIN BLUE.
2 – Photogénique.
1 – La mer étale.
2 – Photosensible.
1 – La plage pleine de corps.
2 – Plus désirable encore en plan rapproché.
1 – A splendid time is guaranteed for all, pense Werner. Cette seconde est parfaite. Où que l’on regarde, tu ne trouves pas, imperfectible. C’est le calme absolu sur la mer étale comme au ciel. Des adolescents en bonne santé jouent au beach volley ou à la balle au prisonnier les cheveux dans les yeux. Tous en bermuda hawaïen. Les plus jeunes sont en slip de bain comme Jon et Eckbert et ils se jettent du sable ou creusent des fosses ou s’enterrent et pour une fois, pour une fois…
2 – Tout le monde a l’air heureux.
1 – Le bimoteur sort du cadre. C’est si beau, non, de garder une trace de tout ça. Les plus jeunes font des batailles d’eau ou de sable et les cerfs-volants virevoltent assez haut dans les airs ou descendent en piqué pour frôler les dunes. Les corps prennent la lumière en toute quiétude. Loin des violences. Loin des drames. Certaines femmes ont les seins nus et pour une fois…
2 – La beauté d’Inge est imperfectible.
1 – Werner revient sur elle allongée sur la serviette de plage. Les jambes croisées, une main sur le front. On dirait que ses yeux indiscernables fixent un point hors du monde. Une femme momentanément sans regard, se dit Werner.
2 – Au calme.
1 – Plan fixe.
2 – Retirée en elle-même.
1 – Plongée.
2 – Réconciliée.
1 – Contre-plongée.
2 – Les yeux coupés du monde.
1 – Caméra subjective.
2 – Sans défenses.
1 – D’une beauté provisoirement imperfectible.
2 – Indélébile.
1 – Cible des mouvements de caméra imaginaires de Werner.
2 – Inge en plan rapproché.
1 – En contre-plongée.
2 – En plongée.
1 – En plan fixe.
2 – Cette putain de seconde est parfaite.
1 – Tout comme la précédente, se dit Werner.
2 – Et celle qui va suivre.
3 – Sauf que.
A splendid time is not guaranteed for all.
2 – Ah.
Pause.
3 – Tout allait bien.
2 – Et ?
Pause.
3 – Tout allait bien.
Eckbert regardait Jon plonger et revenir en crawl. Comme une séquence vidéo montée en boucle. Jon se hisse ruisselant d’eau de mer dans le bateau gonflable et repique une tête. Jon se hisse ruisselant d’eau de mer et repique une tête. Ensuite, Eckbert panique. Jon ne revient pas. Eckbert regarde dans l’eau. Il voudrait alerter Inge qui prend un vrai bain de lumière assez haut sur le sable sec. Mais il est pétrifié, Eckbert. Il réfléchit. C’est comme une lumière trop vive qui le paralyse.
1 – Eckbert a sept ans et Jon en a onze.
3 – Il voudrait improviser un signal de détresse. Sauver Jon. D’où est-ce qu’elle sort, pense Eckbert, si vive ? Sauver Jon, c’est ce qu’il aimerait le plus au monde. Alerter Inge. Alerter Werner. Alerter n’importe qui sur la plage. Allumer la mèche et faire de son corps une fusée de détresse sifflante dans l’air.
1 – Mais il y a cette lumière trop vive pour lui.
3 – Comme une fusée aveuglante.
1 – Qui le prend avec elle dans sa fixité.
3 – Rassurante.
1 – Le tranquillise.
3 – Parce que la lumière cache une terreur si vive. La terreur que Jon ne reparaisse jamais. Il ne sait plus ce qu’il voudrait le plus au monde, Eckbert. Il réfléchit. Il réfléchit à ce qui se trouve sous la lumière.
1 – Non.
3 – Ne fais pas ça, Eckbert. Tu n’aimerais pas que les choses s’aggravent. Tu veux que tout aille bien, n’est-ce pas ? Il ne faut pas, Eckbert, p’tit bonhomme. Ne regarde pas sous la lumière.
1 – Voir leur terreur tue les petits garçons sur le coup, Eckbert.
3 – Reste à la surface, Eckbert, p’tit bonhomme.
Ne va pas voir sous la lumière.
Pause.
2 – Sauf que.
Noir."
 

En savoir plus sur Simon Diard sur Remue.net

lundi 2 février 2015



J'ai lu La mer devrait suffire, recueil de Murièle Camac, dans la première semaine de janvier.

humanité

certaines personnes parfois 
plaisantent le samedi 
et se pendent le dimanche

apparemment mon âme
on peut vouloir rire 
et mourir en même temps

et moi je n'arrive pas 
à comprendre

(extrait p.69)


J'ai retrouvé l'univers sensible que j'avais découvert dans Vitres ouvertes... Ici le fil se tisse entre mer et voyage, passé et présent, convoque figures mythologiques et poètes... et toujours le regard aigu de Murièle et son écriture précise et simple sur le monde qui nous entoure. J'aurais aimé écrire aussi justement.

22h22

le train est à l'arrêt rien ne bouge rien ne bruit
ni dehors ni dans le wagon débordant d'une humanité hypnotisée
une vitre noire révèle un mot en blanc
"srietioP"
par la porte ouverte on voit les quais les bâtiments de la gare
un bout de drapeau français
la nuit de septembre ni froide ni chaude
un jeune homme prêt à monter
une jeune fille éloignée de deux pas
tous deux fument
silencieux et fatigués comme la nuit
concentrés comme en mission
comme en prière
ils ne se regardent pas ne se parlent pas
je fais semblant de ne pas les regarder
le petit contrôleur zélé qui va et vient
est le seul actif et réveillé ici
le seul à savoir ce qu'il doit faire et comment
et pourquoi

(extrait p.67)


La mer devrait suffire, Murièle Camac, Editions Henry, (La Main aux poètes), 2014


***


Autre recueil chez le même éditeur, autre voix, autre force. Celle de Jean-Baptiste Pédini, qui laisse l'hiver pénétrer les éléments familiers et les doter d'une certaine (in)quiétude... oui la parenthèse fait (sciemment) dévier la phrase... mais ça vacille sur les Pistes noires.

On court en direction de la maison. La porte semble gelée et on doit patienter avant de pouvoir la franchir. C'est une pièce interminable qui se joue sur le seuil. Le pêne enrage. Les gonds trépignent. Même le paillasson s'enfonce dans la poudreuse. Pourtant personne ne bouge. La main sur la poignée, on attend que ça passe. Que le soleil du matin vienne crocheter la serrure.

Pistes noires, Jean-Baptiste Pédini, (La Main aux poètes), 2014

mardi 30 décembre 2014

"bouche pas une bouche
une ride d'expression même pas              juste
une fente mal ouverte par l'habitude des mots

et des mots

on en a de moins en moins
pour habiter moins cette
bouche pas bouche

la tête quitte son lit retombe
dans la nuit     dans l'autre nuit
la nuit encore

plus dense plus ferme

referme le drap sur la tête serrée
la bouche serrée les yeux serrés
le tout serré sur l'envie qui se rétracte"



_ligne, Jean-Marc Undriener, Editions Potentille, 2013

lundi 1 décembre 2014

écrire - Antoine Emaz

"J'ai toujours vécu sur un mode d'écrire où le poème s'imposait ; il pouvait être bon ou nul, l'affaire était de peu d'importance puisqu'il était en nombre. Il suffisait de trier ensuite. Mais là, c'est autre chose, de l'ordre d'une perte de désir ? La vie va, se poursuit à la fois mécanique et cahotante, répétitive et surprenante, mais pas de quoi bouger la main. Etrange. Au début, j'ai vu cela comme un repos nécessaire, je commence à me demander s'il n'y a pas cessation. Et cela ne me fait rien, comme mort, tranquille. Rien ne s'ajoute, c'est donc qu'il n'y a rien à ajouter.
Bizarre période, que je n'ai pas du tout vue venir ; je ne ressens ni déception, ni peine : c'est. Comme entrer dans un ennui lent. [...] Je me sens parfois comme lisant le texte d'un autre, presque. Ne pas considérer forcément les suicides d'écrivains comme des drames ; c'est aussi une façon d'en finir avec ce qui est déjà fini, clore ce silence quand décidément, il n'y a plus rien à ajouter."

Antoine Emaz, Cuisine, p.155, Publie Papier, 2012

vendredi 15 août 2014

Parution de "Je te vois", éditions du Cygne, 2014

Un extrait sur Poésiemuzik de Christophe Bregaint

Sanda Voïca en parle dans la revue Paysages écrits, voir là 

Lecture d'un extrait sur soundcloud

Jacques Morin en parle dans la revue Décharge n°165, voir

Jean-Marc Undriener en parle sur son site Fibrillations 

Cécile Guivarch en parle sur le site Terre à ciel ici 

Murièle Camac a rédigé une note de lecture sur son blog Les portes de la perception

Patrice Maltaverne en parle sur Poésie Chronique ta malle

Cédric Bernard en parle sur facebook 
 
Vous pouvez lire des extraits du recueil sur la revue numérique Ce qui reste

Cathy Garcia a rédigé un article publié sur différents sites (Délits de poésie, son blog ; Traversées ; La cause littéraire




*

http://www.editionsducygne.com/editions-du-cygne-je-te-vois.html

"la peur comme un serpent m’attache au lit
la fenêtre est ouverte j’entends le soleil
j’entends traîner les corps dans la rue
crépiter toutes les mues sous le ciel
j’entends le bruit et le silence aussi
le vide dans l’échancrure des tissus
des femmes mettent les voiles
d’autres les ôtent
à l’intérieur j’enfile ma peau
je sue l’encre ma peur dans les draps chauds
[...]"





jeudi 6 février 2014



À quoi ressemble la poésie française contemporaine, au tournant du siècle ?
200 pages pour enfin connaître les différentes écoles et talents d'aujourd'hui

En savoir plus sur le site des éditions Seghers

A écouter aussi sur France Culture, l'émission Le Carnet d'or : Page 118- Poésie,
 avec Jean Pierre Siméon, Ariane Dreyfus, Jean-Luc Maxence

et un article sur le site Recours au poème  sur le livre de Jean Luc Maxence et l'émission sur France Culture qui ne manquera pas de nourrir le propos (un autre article de Christophe Dauphin sur le même site) : on se fera son avis à la lecture de l'ouvrage et/ou des critiques.






mercredi 1 janvier 2014

Agrès acrobates - Anna Jouy

"entre ses mains
le chant n'a qu'à bien se tenir
il relève les filets du silence

ses orgues barbares mitraillent à blanc les yeux noirs
et les cœurs assortis

toutes les femmes se cambrent sur le ventre de ses paumes
au pétrin de la glaise
du plâtre
d'un peu de sable
elles ne songent plus qu'à ça qui rampe entre leurs lèvres entrouvertes

l'ange pleure de se vouloir chair
l'homme supplie le ciel d'un peu d'air"


Anna Jouy, Agrès acrobates, p.31, p.i.sage éditeur, 2013 

lundi 30 septembre 2013

C'est le matin que l'on grandit - Cédric Bernard


"Elle s'extirpe de sa couette d'orage, comme la chatte, prudente et lente, de sa chatière. La lumière n'est pas sûre de vouloir éclairer ce que le jour va mettre en lumière."



"Le petit matin, grivois malgré lui, aperçoit les fesses des nues rosies par la fraîche, surprises par le jour qui allume la lumière si tôt et par la couverture lascivement glissée. Il ne détourne pas le regard, et tend les paumes."







deux extraits de C'est le matin que l'on grandit de Cédric Bernard.
On peut commander ce leporello poétique de belle facture (fond et forme)
et découvrir l'univers de l'auteur au même endroit sur Les mots des marées

lundi 20 mai 2013

Le plancher - Perrine Le Querrec

"Jeannot prépare le terrain. Son campement. S'installe. Va donner un contour à son existence. Rien ni personne ne franchira l'enceinte. Rien ni personne ne s'approchera : ni pensées, ni voix, ni autorité, ni douceur, ni nourriture, ni soin. Au bord du plancher, Jeannot dépose sa peau, son corps usé, sa tête, son coeur. Il est Jeannot le Plancher, rien d'autre n'existe."

mardi 7 mai 2013

Seulement la vie, tu sais de Brigitte Giraud

Après la palette de couleurs, découvrez les mots de Brigitte Giraud, à travers l'extrait de son recueil poétique Seulement la vie, tu sais... mis en images par elle-même.

C'est une artiste qui peint, écrit, photographie, et met en vidéo ses mots...
N'hésitez pas à visiter son Paradis bancal




"Seulement la vie, tu sais" | Images et texte... par Quani

Seulement la vie, tu sais, éditions Rafaël de Surtis, 2012

samedi 9 mars 2013

L'Épi monstre - Nicolas Genka (extrait)

"Le couple : lui grisonnant, elle, blonde. Blonde à foison. Dix-sept ou quinze ans -seize, quoi.
Ils couraient, ils fuyaient la pluie. À grasses enjambées. Ah ! Les jambes de Marceline se disputant les blés pubères ! -Les démons... ils se souriaient comme nous autres. Entre eux bringuebalait la malle - la malle de pension. Il arrivait que Marceline lâche la poignée. Pour que la malle aille frapper les cailloux, dur. - Hein, sa revanche ? Mathématiques, trois sur vingt. Géographie, cinq. Leçons non apprises. Paresse. Zéro. Trois. Cinq. Des dons. Sept. Peut mieux faire ... Mais la pionne. Mais les cabinets. La fièvre à l'infirmerie... Peut faire mieux... Pouah !... Et pan, la malle ! Pan, dans son coeur ! Pan, pour Lui !
Lui ? Le mutisme. Les cheveux mal teints. Son pé. Son volain pé. Sa vie, quoi... Viens me chercher, on ne fout plus rien, c'est la fin de l'année solaire. Elle avait écrit solaire - l'étourderie- comme elle avait écrit ailleurs : je suis morte de soleil. Obscurément il se disait : "Ma fille a des absences. Sa mère. L'hérédité. Enfin... tout à fait ce qu'il faut pour me suivre où je veux aller", la question étant d'y aller avec quelqu'une, avec la complice, sinon l'esclave. Mieux : le jouet vivant. Ce qu'il entendait, lui, par là.
Et puis ici le linge bat, le ciel est noir. On imaginerait la fin : tout est dévasté, les gosses, le bétail courent, les poteaux électriques s'écroulent et les maisons crépitent dans les chicots rouges des incendies. Subsistera-t-il quelque mare où se noyer avec elles ?"

L'épi monstre, Nicolas Genka, Exils éditeur, 1999





mercredi 27 février 2013

A, B, C... P O P U P




ABC3D de Marion Bataille, Albin Michel, 2008

mercredi 13 février 2013

Livres

"Un tel afflux de livres, rassemblés au même endroit, éventuellement sur plusieurs étages, la privait de tout discernement ; c'était trop de tout, et tout à la fois d'un seul coup. Les livres qu'elle n'avait pas lus, ceux qu'elle ne lirait jamais, et ceux perfides entre tous, qu'elle aurait dû avoir déjà lus, auparavant, dans les lointaines années de sa première vie, tous les livres étaient là, en bataillons réglementaires, en régiments assermentés, offerts et refusés, gardés par des créatures minces et bien vêtues qui faisaient, à l'entrée des rayons, barrage de leurs corps policés et dont la carnation distinguée semblait emprunter à la matière même des ouvrages les plus précieux."

extrait de Les pays, p.93-94, Marie-Hélène Lafon, Buchet Chastel, 2012


vu sur la main du singe

dimanche 3 février 2013

Les dents de lait des vagues* - Jean Baptiste Pedini

"L'océan s'entête à monter. Les eaux viennent mordiller les doigts de pied qui traînent là. Et personne ne recule. Personne ne tente d'échapper aux dents de lait des vagues. Aux morsures humides qui brillent au crépuscule. À ces minuscules piqûres dont on subit l'inconstance. Le vent.La nuit. L'air frais et les moutons. Les mégots qui se glissent entre les lèvres du ciel. Et dont on ne se détourne pas.
Au devant tout est mort. Le jour s'accroche à notre dos pour atteindre le bout de la plage."

Passant l'été, Jean-Baptiste Pédini, Cheyne, 2012


*Ce titre extrait du texte de JBP, résume à lui seul pour moi la mélancolie douce de l'enfance...  : la mer et l'île
On peut à propos de ce recueil lire la belle chronique de Patrice Maltaverne ici

mercredi 30 janvier 2013

Cuisine


"La poésie tend à isoler le mot et donc lui donner sa résonance maximale, alors que la prose narrative, dans son phrasé lié favorise l'enchaînement et donc le choix automatique du sens imposé par le contexte de la phrase.
[...]
Il faut à la fois que le mot pèse de tout son poids (tendance à l'isolement) et qu'il soit pris dans le mouvement global de la séquence ou de la page.
En quelque sorte, favoriser le vertical, le travail autonome du mot, sans perdre l'horizontal car il participe aussi à l'ensemble"


Antoine Emaz, Cuisine, p.11, Publie Papier, 2012

mardi 29 janvier 2013

Un régal : Anna de Sandre


Les regards habités

La ville résidait dans nos yeux
possédait chacun d'entre nous
nous n'y trouvions pas à redire
nous la logions elle nous hantait
le sommeil restait à sa porte
et ses lumières faisaient briller
ce que les autres prenaient souvent
pour une passion ou de la fièvre
nous l'abritions sous nos paupières
émus fanfarons et contents
et pour tout dire nous  nous flattions
qu'elle nous habite pour pas un rond
et quand nous reprenions la route
transis fourbus mais pleins de force
c'est là dehors précisément
qu'elle s'acquittait de son loyer.





Anna de Sandre sur la toile
Les Carnets du Dessert de Lune c'est par