lundi 31 mai 2010

Le rendez-vous


Je la retrouve tous les lundis dans le café près de la gare. Dans une salle petite, bruyante et très fréquentée. Le café est à proximité du lycée professionnel. A côté des habitués accoudés au bar, l'haleine chargée dès huit heures du matin, il y a des jeunes qui rient fort et chahutent avant le début des cours. J'en connais certains, mais je ne parle avec aucun d'entre eux...

Je m'installe généralement près de la fenêtre pour avoir un peu de lumière, car les lambris aux murs ont pris une patine sombre, mélange de gras et de fumée de cigarettes. Les rideaux sont sales, mais cela m'est égal que la poussière me picote les yeux...
Je la regarde, elle m'ignore. Elle suçote le bord de son verre d'eau.
Nous ne sommes pas assises à la même table ; une banquette, parfois deux nous séparent. Selon les jours et son humeur, elle m'offre le spectacle de sa nuque, ou celui de sa bouche qui chipote son eau minérale...

Il y a en fond sonore la radio, le rire de jeunes et les raclements de gorge sporadiques et glaireux de quelques hommes âgés. Les verres cliquètent sur le comptoir en inox. Le serveur fait glisser énergiquement les tasses sur l'étagère métallique. Le patron tripote régulièrement sa caisse enregistreuse.
Des pièces tombent au sol. Des talons claquent. La porte du café s'ouvre et se ferme en grinçant.
L'ensemble produit une mélodie discordante, mais je n'entends rien...

Parce que je mets mes mains contre mes oreilles. Et parce que m'isoler du monde extérieur me permet d'absorber Pélagie, en entier, dans ma tête. Ce n'est pas difficile, elle n'est pas épaisse.
Elle a un visage émacié, deux billes vertes perdues dans les orbites, et des tas de petits os autour. Pélagie est très maigre : sa tête est une minuscule balle perchée sur une brindille.

Je reste juste immobile, dans cette salle, à la regarder suçoter son verre du bout des lèvres. Je respire à peine pour ne pas la faire basculer de sa chaise sur le sol. Je me mords les joues pour ne pas pleurer. Saleté de poussière.
Je pense à avant, quand son rire charnel m'enveloppait de son odeur de sucre. Avant, quand je n'avais pas peur de voir son corps se désintégrer bruyamment. J'essaie en vain d'ignorer le squelette de verre à travers sa peau translucide.

Si je viens tous les lundis au café, c'est pour m'assurer que cette fois encore, elle ne s'est pas brisée en mille morceaux. Et aussi pour continuer à croire que peut-être...

Elle me parle quelquefois. Sans lever les yeux. Elle décoche un "Dégage", ou mieux trois mots "Me regarde pas". Je la préfère silencieuse. Dès qu'elle ouvre la bouche, ses dents claquent et font un bruit perçant désagréable. Si je m'écoutais, je me jetterais sur elle, pour la faire taire d'un baiser...

Oui, je voudrais pouvoir poser ma bouche sur ses lèvres gercées.
Je viens tous les lundis pour ça. Et je sais qu'elle vient aussi ce jour, pour bien me signifier tout ce que je n'aurai pas.
Elle me l'a dit la dernière fois où nous étions assises à la même table. Elle ne peut plus m'embrasser...
Pas à cause de mon corps lourd ou de mon visage poupin... Pas seulement non.
Ma salive trop riche la révulse. Elle doit dorénavant se passer de mes baisers.

Mai 2010

vendredi 28 mai 2010

Petit coup d'oeil : UG et ses pop up

Depuis quelques années, pour le boulot, je suis la production des livres de l'artiste UG.
Livres pop up résolument modernes, en sérigraphie, aux couleurs flamboyantes et urbaines...
Bref, j'adore !
Je me suis enfin lancée, et j'ai acheté  la dernière oeuvre de UG (ici)
La petite courbure de l'espace temps
Jubilation en le recevant hier (ah, l'ivresse des courbes  :)

Si vous voulez voir ses pop up, exposition de ses oeuvres à la médiathèque de Toulouse à l'automne...
ou sur son site

mardi 25 mai 2010

Le sparadrap

je marchais derrière ce type
qui chaloupait une clope à la main
 il avait au milieu de la tonsure
sur la pointe du crâne
un sparadrap de la taille d'un poing
sous la gaze, une trace violette,
des arabesques pleines et tordues
dessinaient des chemins vers
des lieux inconnus
et il penchait à droite
et il penchait à gauche
et ça faisait des plic
et ça faisait des ploc
j'ai tiré la compresse
pour rompre l'insouciance
du gazier a jailli une substance blanche


mai 2010
Credit photographique Laurent Gaudart

vendredi 21 mai 2010

Les saisons

© Erick Loitiere

PRINTEMPS

Elle est arrivée au début du mois de mars. Tenue décontractée, jeans, tee-shirt. Une petite blonde vive, aux joues rondes, à l'allure sautillante. Une fille simple !
Mais bon, avec des baskets de marque aux pieds...

Cette gamine est la nouvelle chef.
Service Informatique, Communication & Développement.
C'est la mode dans la boîte : pour trois départs à la retraite, un recrutement...
Mais attention, hein, pas n'importe quel recrutement... la crème de la crème.
Même si franchement à la regarder, on dirait plutôt du petit lait...

Elle a commencé sa journée, accompagnée du Directeur à faire le tour des services. Bien que la visite ait été rapide, nombre d'entre nous a pu voir son joli minois à travers les vitres des bureaux. On s'est pressé. Surtout les hommes. La vision de sa peau lactée a causé ce matin là, de douloureux dévissements de cou.

Comme une traînée de poudre, la nouvelle a bouleversé les cent cinquante employés de l'entreprise... Qui ignorait à midi qu'une adorable jeune femme venait de prendre ses fonctions dans le service le plus important de l'établissement ? Qu'elle était descendue au troisième étage, prendre son café à la machine ! Qu'elle portait ce matin là un tee-shirt rose avec écrit sur la poitrine I am a geek...

Aucun cadre ne descend jamais au troisième. Et le rose n'est pas leur couleur préfèré.
Chacun s'est habitué à  une répartition stéréotypée des rôles : chefs coupés de la réalité de terrain en haut, et employés critiques en bas. Idem pour les costumes, silhouette classique à ringarde pour les premiers, décontraction bon marché et pratique pour les seconds.
Quant à  la caractéristique de la faune du milieu - car il y a un milieu- c'est la mollesse. Cet état présentant à la fois l'avantage de plier avec souplesse face à l'autorité, et de recevoir moins violemment les récriminations.
Bon, évidemment je force le trait, mais moi je suis en bas.

Il n'empêche... La blondinette avec son air frais bouscule le ronron quotidien. Il souffle comme un vent frais dans la pièce poussiéreuse.
Je me demande qui va éternuer...

Esther, ma collègue a froncé les sourcils, quand elle l'a vu. Ce qui n'est pas bon signe. Elle est là depuis... la construction du bâtiment, je crois.
C'est une vieille.
Elle a développé une perception quasi animale dans son travail. Ce qui, il faut bien le dire, n'est pas très utile en règle générale, mais occupe les conversations du matin au café.
- Tu as entendu ce petit bruit métallique ?
- Hein ?
- Ce vilain cliquetis de ferraille quand elle est passée...
- Euh... non... peut-être ses boucles d'oreilles... je n'ai pas vraiment fait attention...
Elle claque la langue (très très mauvais signe) et déclare emphatique
- Cette fille est louche.

Je ne dis plus rien. Esther a tendance à radoter, mais elle n'insiste pas si on ne répond pas à ses élucubrations. Depuis deux ans que je travaille avec elle, je commence à cerner la bête.
Aujourd'hui, elle m'emmerde avec sa défiance ; moi je suis ravie de l'arrivée d'Isabelle Hanuman.

ETE

En juin, elle convoque chacun d'entre nous dans son bureau. elle veut revoir l'organisation du service et elle a besoin de notre avis. Quand vient mon tour, je reste presqu'une heure avec elle. Suffisamment longtemps en tout cas, pour maîtriser la géographie des grains de beauté dans son cou, et les reflets du duvet au-dessus de sa bouche rouge. Isabelle me tutoie, et me demande à nouveau avec insistance de l'appeler par son prénom.

Esther ricane
- Evidemment, si ç'avait été un garçon, tu ne te serais pas fait embobiner de cette façon.
  Je te le dis Pélagie, méfie-toi, cette fille cliquète...
A l'une des réunions qui suit, Isabelle expose ses projets.
Elle veut moderniser notre réseau et elle a la ferme intention de valoriser nos potentialités.
Il s'agit de restructurer le service en s'appuyant sur nos réelles compétences et non sur des profils de postes dépassés. Il faut mettre en place un travail par objectifs, développer avec notre expertise des outils d'évaluations, pour un developpement plus rapide de l'activité, externaliser la notion de territorialité, rentabiliser tous les secteurs d'activité par une polyvalence étendue...
Je prends des notes, mais tout ce charabia me barbe.

Heureusement, elle nous regarde avec ses doux yeux verts et sa bouche de fruit. Je trouve sa voix jolie et ses idées précises, même si elles me sont incompréhensibles. Son léger accent fait comme une musique.
Mais la mélodie est peu à peu couverte par des raclements de gorge. Esther, prise d'une crise d'allergie, tousse et s'étouffe.

Isabelle l'interpelle d'une voix glaciale
- Esther, Je te demande de sortir ou de cesser immédiatement de tousser. Ca commence à bien faire. Je ne suis pas dupe de tes crises de toux systématiques. J'ai très bien compris tes manigances de résistance passive : ou tu te soignes... ou si ton état de santé ne te permet pas d'assumer ton travail...
Esther balbutie tremblante :
- Mais je... fais mon tra...vail...
- Perturber les réunions du chef de service, ce n'est pas ce que j'appelle assumer son travail... Je reprends donc, ou tu te soignes, ou tu te signales auprès du médecin du travail, pour un poste moins... allergène.

Nous sommes tous interdits, et ne savons plus où poser notre regard.
Sur la table, sur nos notes, sur nos mains... les larmes d'Esther tombent.
Je regarde par en dessous le visage juvénile d'Isabelle. Je remarque pour la première fois sa nature trouble, sa peau couleur de beurre.

Isabelle Hanuman a horreur d'être contrariée pour quelque raison que ce soit. Et depuis son arrivée, les raisons de contrariété semblent se multiplier, notre entreprise est, dit-elle, d'un archaïsme consternant.

Elle toise Esther, jusqu'à ce que celle-ci sorte, et reprend imperturbable son discours enjoué.
Nous nous taisons. Et quand elle nous interroge, nous répondons prudents.
Elle nous fait un peu peur. Elle a vingt cinq ans à peine, et toute la vie devant elle.
Son tee-shirt moulant I looove marketing ne nous fait plus sourire.

AUTOMNE

Esther a changé de service.
Sur le bureau d'en face, c'est maintenant Vanessa.
Isabelle l'a prise sous son aile : elle est rapide, réactive et personnelle.
Comme j'ai travaillé avec Esther, elle se méfie de moi. Elle redouble donc de zèle pour se faire bien voir. Elle abat son travail et la moitié du mien. Elle me regarde légèrement méprisante, quand je peine à répondre à un client. Je ne me fais pas à la nouvelle polyvalence. Je la regarde donc manoeuvrer...

Et cela me laisse le champ libre.
Esther n'était pas folle, j'entends moi aussi les pièces métalliques résonner à l'intérieur du ventre d'Isabelle. Elle a dans le corps des éclats de métal qui s'agrègent peu à peu. Et cette matière ferreuse la rend de plus en plus rigide.
D'ailleurs elle ne descend plus au café. Elle n'en boit plus : métal et liquide, comme chacun sait, ne font pas bon ménage.

HIVER

Pélagie Nostos, anonyme secrétaire de 35 ans, en poste depuis deux ans dans la florissante entreprise de vente de nutriments en capsule, remarque pour la première fois, que des lèvres d'Isabelle Hanuman, coule un oxyde rouge qui contamine l'atmosphère du bureau.
Elle remarque également que Téo Gisme, le nouveau directeur des Ressources Humaines, grince étrangement en marchant, que son haleine est aussi ferrique qu'il est efficace...

La pellicule rouille qui infiltre tout le bâtiment, provoque une urticaire persistante chez Pélagie, et une légère coloration sépia de l'air.
Bientôt, une neige sale et brune recouvre les rues, les champs, les maisons alentours. Pélagie n'arrive plus à contenir ses angoisses.
Elle est de moins en moins performante, il faut dire qu'elle passe ses journées à la fenêtre,  à regarder la nécrose rampante.

Mai 2010
Crédit photographique Erick Loitière

mercredi 19 mai 2010

Le Gougnafier (#jolimot)

© Corinne Defer


Publication hier de ma participation au challenge créatif #jolimot sur le site 17 rue des arts.
Il s'agit d'illustrer par un texte, une photo des jolis mots tels anacoluthe, didascalie, salicorne etc.
si cela vous inspire... mode d'emploi ICI


Un bon à rien
un vaurien
un fainéant

tout le monde
s'est mis d'accord
je suis un incapable

c'est vrai je traîne
je rêvasse
je glandouille

j'attends
je parasite
je bidouille

mais j'ai dans les poches
une graine mordorée
à l'écorce séchée

au fil des mes pas (lents)
je guette le moment (bon)
et la terre fertile (molle)

quand le soleil tannera
le cuir de mes bras
il sera l'heure exacte

de planter ma petite graine
dans la litière du sol
du bout de mon gros doigt

ou de la jeter au hasard
et puis d'aller m'assoir
à l'ombre

d'espérer une averse
une pluie d'été
ou la rosée

et au petit matin
poussera
un gougnafier

avec un fruit fibreux
doré, sucré
lourd à craquer

manquera plus qu'une gougnafiasse :
son fameux fruit rosâtre
pousse à la nuit tombée


"gougnafier" a été proposé par wproof
Ecrit de MuLM, février 2010
Corine Defer

lundi 17 mai 2010

L'envie

© Franck Laborde

j'aimerai croquer
comme un nougat dur
tes joues brunes lisses

garder sur les lèvres
ta saveur de sucre

caler sous ma langue
le doux mot de
fils



Malo au jardin des plantes,Toulouse - 2009, Franck Laborde

vendredi 14 mai 2010

Une belle journée



C'est une belle journée.
Il est presque neuf heures, mais il fait encore frais.
Comme je viens de me lever, la lumière douce m'aveugle.

Je me suis endormie au petit matin sur le canapé. Mon corps est tout engourdi du sommeil trop court : je n'ai pas rêvé cette nuit. J'ai sombré dans les bras de Morphée dans un souffle, et c'est dans un souffle que j'ai ouvert les yeux. Je me suis levée lentement et me suis dirigée sans faiblir vers le buffet de la cuisine. J'ai pris une tasse, une cuillère, une bouilloire, de façon mécanique.
En préparant le thé, je me suis rendue compte de la douleur dans mes muscles.
Le canapé sans doute. Cela fait des années que Jean me dit de l'amener à la déchetterie...

J'appuie mon front contre le meuble au dessus de l'évier, mes oreilles bourdonnent. Combien d'heures j'ai dormi déjà ? Trois ? Quatre ?
Cela ne m'est plus arrivé depuis... Jamais en fait. Cela ne m'est jamais arrivé.
La bouilloire siffle, je dispose ma tasse sur le plateau. Je remplis la théière, et je reste quelques minutes sans bouger. Je ne sais plus ce que je dois faire.

J'entends le bruit des oiseaux derrière les volets.
C'est ce qui me décide à sortir.
Le bruit... et le silence dans la maison.
Je cherche fébrile de quoi écrire. Tout est éparpillé par terre près du canapé. Quand je m'approche, la tasse et la théière cliquètent, mes mains poisseuses tremblent. Je n'entends jamais ce bruit d'habitude, cela me trouble. Je pose le plateau sur la table basse couverte de bouteilles, de verres, de cendres de cigarettes. Et je prends à la hâte une feuille blanche et un stylo. Je ne m'attarde pas davantage dans le salon obscur. Je sors. J'entends résonner le bruit de mon coeur.

L'arbre en face scintille des reflets du soleil. Je plisse les yeux ; je baigne dans la lumière bleutée de la pergola. C'est une caresse apaisante, je respire à pleins poumons la luminosité caeruleum.
J'aime bien ce mot. Je le dis à voix haute, et je sursaute. J'ai l'impression que quelqu'un s'approche, je me retourne, mais il n'y a rien. J'ai oublié que j'ai fermé la porte.

Je répète caeruleum, et une tristesse m'envahitJe sais que je dois écrire, mais je ne sais pas par quel mot débuter. Alors je reste là immobile, à regarder mon thé qui refroidit, la feuille blanche, et le stylo couché en travers comme un cadavre. Si j'en avais le courage, je retournerai dans la maison chercher mes brouillons... J'avais griffonné des phrases, pris des notes, trouvé quelques beaux mots. J'avais rayé, expliqué, arrangé...
Mais je ne peux plus bouger. Cette fatigue si imperceptible tout à l'heure me cloue maintenant sur la chaise métallique. Je me sens faible. Je ne pourrai pas pousser la porte, je ne pourrai pas voir dans la pièce, je ne pourrai pas sentir l'odeur.

Il fait si beau. Je me sens calme assise à table. Je dois juste laisser le dehors pénétrer l'intérieur de mon corps. L'effluve du thé au citron. L'air frais. Le bruissement des feuilles. La caresse du vent.
Je vais trouver les mots. Il suffit de commencer.





Jeu d'écriture proposé par le blog à 1000 mains
sur l'invitation de arf, à lire son interprétation Aérien
Crédit photographique Thé citron

mercredi 12 mai 2010

Ce que j'ai cueilli dans les vases (communicants) du mois de mai...

Difficile en ce moment d'écrire... (boulot, soucis, et autres plantules)
mais j'ai pris le temps de lire...
... et butiner quelques fleurs dans les vases (communicants)

parmi les textes qui m'ont plu...

La cicatrice de Anna de Sandre publié chez Ma plume sur la Commode
Curiosité adolescente sur la cicatrice féminine ; premier jeu de séduction/manipulation d'une jeune Camille. J'ai aimé le texte taillé au couteau, la narration enlevée... et ce questionnement sur cette "déchirure"...qui continue à interpeler, même les post adolescent(e)s...
j'ai publié ici un texte appelé La fente, écrit il y a quelques années... alors évidemment ce récit m'a particulièrement parlé.
"La fente des filles, elle cicatrise à la mernopause. Quand elles sont vieilles tu ne peux plus les baiser, leur trou se bouche. Ça aussi c'est Matt qui le dit. Il raconte parfois des craques pour se moquer mais là, c'est du sérieux. L'information n'est pas vérifiable, la plus vieille du bahut n'a que dix-neuf ans et les enseignantes ne sont pas de vraies femmes [...]"

Autre émoi adolescent :
Laiteuse de Christophe Sanchez sur Pages retrouvées, paroles croisées
où la séduction féminine joue à plein dans une description minutieuse de l'entrée d'une jeune fille dans un bus. J'ai beaucoup aimé l'acuité visuelle... Le désir englobe tout le paysage autour de son objet :)
"Et enfin d’un long entrechat sensuel, elle s’assit trois rangées devant moi, prés de la fenêtre, si bien que je ne voyais plus que sa touffe de cheveux et leur masse grouillante dédoublée dans la vitre. A cette réflexion étrange se mêlait la mention blanche « securit » certifiant d’une réalité crue les reflets incertains de ses épaules. Elle passa la main dans sa chevelure pour en chasser la moitié côté couloir et découvrit ainsi une nuque laiteuse plantée sur un cou longiligne. Dans le prolongement, « securit » se dessinait maintenant sur son épaule et plantait son T final au centre de ses deux omoplates. La paume de la main posée à plat sur la vitre, il me semblait la toucher, caresser sa toison, faire frissonner sa peau translucide mais cet ersatz ne me renvoyait que la froidure maussade du verre poli."

J'ai aimé également
Hors jeu de Jean Prod'hom sur le site d'Arnaud Maïsetti
pour la petite musique de désespérance, et son cheminement au contact des autres...
"On se lève donc parce qu’on sait que ce soir, pour autant qu’on y parvienne, on pourra retourner dans le tambour de la nuit qu’on aurait voulu ne pas quitter, pour y être à nouveau enfermé, tourné, retourné, préservé, lavé. On se lève donc en sachant qu’on n’ira nulle part."
[...] 
"Je me retrouve sur le chemin de la Mussily, indemne, étonné d’être là. Tous les jours pourraient être ainsi, n’est-ce pas ? On demeurerait sur le seuil, on ne toucherait à rien, parce qu’au fond on n’y croit guère. On n’en serait pas, on aiderait d’un sourire ceux qui sont embarqués et on cueillerait quelques rameaux pour en être un peu."

pour choisir ses propres fleurs, il faut aller ICI (Brigetoun a recensé les vases et leur contenu)

mercredi 5 mai 2010

J'ai des zoziaux dans le ventre












Je ne sais pas comment
me débarrasser des zoziaux
que j'ai dans le ventre

ça gratte quand
ils battent des ailes
ça chatouille quand
ils perdent des plumes
ça pue quand
ils défèquent et gloussent

je ne sais comment faire
pour l'envolée légère
dans mon ciel oesophage
mes zoziaux sont lourds
ils pataugent dans l'humeur
de ma cage abdomen

bon...
j'ouvre la bouche
(il faut tout faire soi-même)
et je dis : prenez le large
zoziaux
n'oubliez pas en partant
les soucis dans la fange

bon...
rien ne se passe
mon ventre
toujours
gratte et chatouille
démange et pue

comme j'aime la société
et qu'elle me le rend bien
et qu'elle résoud d'un mot
les plus ardus problèmes
j'évoque brièvement
mes zoziaux squatteurs

elle dit :
c'est délicieux, mon dieu
l'image
la métaphore
pour dire ce qui vous meut
mon dieu, c'est délicieux !

j'aurai dû m'en douter
la société volatile
en matière de
zoziaux
décrypte mal
les maux

Credit photographique Sara A. Tremblay
http://www.saraatremblay.com/