mardi 27 septembre 2011

L'odeur - FPDV




Tu t’es enfin rassise sur le bord de la natte, tes jambes blondes tendues dans l’herbe sèche. Je te regarde en douce. Tu portes le tee-shirt à rayures bleues que tu adores, sur ce short en jean minuscule que je déteste.
Tu boudes. Tes yeux, ta bouche, ton nez, tout est plissé. Ta peau sue sa mauvaise humeur, sous le soleil de ce début d’après-midi d’été.
Je souris de côté, tu as encore sur la lèvre trois miettes de cet immonde gâteau au chocolat. Je te le ferais bien remarquer, mais je me tais. Tu as seize ans et tu es un volcan sur le point d’exploser.
Tout ça parce que j’ai soulevé le bras de ton père pour baiser son aisselle ; tout ça parce qu’avec la même langue, j’ai léché mes dix doigts juste avant le dessert.
Tu t’es levée. « Putain, maman, t’es dégueulasse, tu nous sers le gâteau avec tes doigts qui puent »
Soit dit en passant, tu as mangé ta part, avec des haut-le-cœur c’est vrai, mais tu l’as mangée…
Et maintenant tu boudes, un gouffre nous sépare. Soyons juste, à moi aussi, ton parfum écœurant et sucré de vanille me soulève le cœur.

Alors comment t'atteindre, pour te dire ton père allongé sur le sol, mon ombre sur son torse, ses yeux clos sous mes mains, l’envie de mordre encore sous le bras de ton père, la poussière et la mer ?
Comment te faire simplement comprendre mon penchant pour l’âcre, la sueur, les humeurs, ce qui vit, ce qui meurt, qui chavire le corps ; cet avant-goût tenace de l’odeur fade et chaude de la terre meuble ?

illustration de Lia Vé (18 septembre)
texte de myself (27 septembre)
 publiés sur FPDV  #19 L'odeur

lundi 26 septembre 2011

500 dessins - Nicolas de Crécy


À  découvrir le  blog de Nicolas de Crécy
et ses superbes dessins

pieds nickelés

cocktail

jeudi 22 septembre 2011

Nouveaux Délits & Poulpe...


A paraître le 1er octobre le numéro 40 de la revue Nouveaux Délits. Vous pourrez y lire quelques uns de mes poèmes...

AU SOMMAIRE :

Délit d’amour :
Hommage à Beb Kabahn (1974-2011), graphicultrice de stigmates, écrivière en proséïe et tellement plus et encore.
Hommage à Yann Orveillon (1941-2011), poète et voleur de feu, au cœur océan.

Délit de poésie : Murièle Modély, Patrick Aveline et Guillaume Siaudeau

Résonances : 1 livre, 1 recueil, 1 groupe de musique, 1 couple de photographes.

Délits d’(in)citations s’éparpillent comme toujours à l’automne et vous trouverez le bulletin de complicité, très au fond en sortant, qui adore jouer lui aussi les feuilles au vent...

Illustratrice : Corinne Pluchart

Pour plus d'infos, cliquez ici.

Et aussi parution du nouveau livre de Cathy Garcia, Le poulpe et la pulpe. Pour l'eau à la bouche et commander, allez

lundi 19 septembre 2011

"Jeune j'aimais le temps..." Pierre Jean Jouve

"Jeune j'aimais le temps
Je ne supportais pas d'être le plus jeune
J'aimais la graminée quand elle a ses graines les
arbres quand ils s’étendent comme la musique
Jeune j’aimais les vieux
A présent je penche avec mon ombre sur l’autre
versant celui qui descend
Je ne sais plus j’ai goûté plusieurs temps
Peut-être avec la vieillesse viendra le calme"

Les Noces, suivi de Sueur de Sang, Pierre Jean Jouve, Gallimard, Poésie 13, 1996

mercredi 14 septembre 2011

Poèmes du lendemain 19 - Audrey-Anne Marchand


J'ai rencontré Audrey-Anne Marchand pendant l'atelier poésie du PJE de Muret, mené par Seyghmus Dagtekin. Et l'écriture d'Audrey Anne a été un éblouissement...
Parce que sa poésie est un raz-de-marée d'images qui balaie tout... de sa musicalité, de son impériosité... je ressentais ses mots très corporellement (sais que ne suis pas très claire, mais bon), et restais toujours sans voix, assommée, admirative devant le foisonnement irrésistible de son écriture.

Bref, elle m'a envoyé il y a quelque temps Poèmes du lendemain 19, l'édition par Ecrits des Forges des lauréats du Prix Piché de poésie 2010, dont elle a eu la mention spéciale. Je vais en dire quelques mots ici (mon ressenti de simple lectrice, avec mes propres filtres et tout le toutim -pardon donc Audrey-Anne de ma lecture forcément partielle ) :

La suite poétique d'Audrey-Anne s'intitule : Je dis non aux histoires sans fin
Et la quatrième de couverture cite  cela : "J'ai trouvé le centre-ville dans tes yeux comme un drapeau planté par erreur sur un lendemain futile..."

Et de paragraphe en paragraphe, sans ponctuation, comme une parole qui reprend son souffle dans les sauts de ligne, on suit cette urgence, cette impossible et nécessaire rencontre, ce désir illusoire pour mettre en phase, pour circonscrire lui elle, l'autre soi...
"ton essence est comme une catastrophe lancée au visage comme prémunie d'une sophistication archaïque qui ne s'estompe pas"

"je te parle au coeur de mes robes rouillées on dirait enfin que la musique approche mais tu t'effondres pour éviter mon saccage et le désordre de ma pensée décousue et rapiécée

tu butes contre les murs invisibles toujours pour te sauver de notre langage épuisé à force de guerres incomprises à force d'exils et de nostalgie précoce"

Il me tarde de la lire à nouveau, elle a des projets de livres et de participations dans des revues je crois... Une poétesse à suivre !

Ps : Je ne parle pas de Je reviens de mourir , Guillaume de Marie-Charlotte Aubin qui a eu le prix Piché, mais c'est aussi très bon ! :)


vendredi 2 septembre 2011

Reprise d'Anna Jouy - Vases communicants

Rhume de cerveau, éternuements de l'intelligence. Je bégaie des idées comme des postillons d'humeur. Problèmes de saison, automne de toutes les couleurs des vertes et des pas mûres. Une pensée après l'autre, le rouet est plein et déborde. Après qu'en reste-t-il qui tienne à l'estomac? Pas grand chose et parfois même la chiasse normalité de tous les transits.
Je dépense mon temps en semailles, le champ est vaste et à peines labouré. Je fais mon semis d'un geste de repiqueuse, il me faut une machine à coudre pour sillonner mon pré
et la terre tissu conjonctif est dure comme de la futaine de cow-boy. Je vois Millet prier ses pauvres angélus et le tablier sale des travaux sans fin.
Je monte la charge, au loin mon troupeau de moucherons bourdonnent et sucent le sang des fleurs.
Il est temps de respirer en dehors du sable aqueux des vieilles bruines qui rentrent par le nez et font baver les narines. D'essuyer les peintures de leur grisaille de suie et de restaurer la lumière. Temps de sortir du cadre et de visiter les jupes fraîches de l'automne la main dans le sac et les bas de laine douce.
J'use en vain mon cœur en petites oboles, le divin n'aime pas la fumée de mes sacrifices. Caïn courbe l'échine sous le poids des cendres. L'œil impitoyable du critique use le sens des lignes et des perspectives du tableau, les prières sont lourdes et rasent le gazon.
A l'horizon les Indiens lèvent le camp et leurs cheminées ont pris le chemin du départ.


Premier vendredi du mois, c'est Vases communicants,
 ce mois-ci c'est Anna Jouy qui pose ses mots magnifiques chez moi...
et qui m'accueille chez elle par là http://annajouy.over-blog.fr/m/article-82985067.html


La liste de tous les vases communicants de septembre  
sur la page facebook dédiée aux vases 



jeudi 1 septembre 2011

Marie

elle a les pieds nus
les paumes tournées
vers le ciel
un regard stupide
un peu bovin
un peu vide
le genre de regard
télégénique
l’oeil rond
la paupière lourde
le trou légèrement dilaté
le genre de regard
de fille shootée
qui ne sait pas
ce qui se passe
qui ne voit rien venir
qui observe
absente
le machin glaireux
posé devant elle
qui n’a pas pu
passer
entre ses hanches
étroites
impossible
inconcevable
et son sein
de quinze ans
qui jaillit
de la robe
courte et bleue
étalée en corolle
sur son corps
virginal
recrée
pour la photo
pour la main
du type
pour ses yeux
pour son sexe
la scène

Derrière la vitre sale

Quelquefois en tête, je n'ai qu'un grand trou
Quelquefois, il y a toi

Grottes Les grandes Canalettes, Villefranche-de-Conflent, été 2011