dimanche 27 mai 2012

Je voudrais pas crever

de Boris Vian



et la version complète :

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un coté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...

lundi 14 mai 2012

Filet

















au bout d'un certain temps
tout de même

(le soleil haut m'aveugle
et pulse à mon oreille
dans le jardin très vert 
sous le ciel très bleu)

au bout d'un certain temps
j'entends

sous ma joue ta peau fine
distendre ses ridules
sous les ridules ta chair
charrier le sang sur l'os
sous tes os le concert
écrasé de brins d'herbe
sous l'herbe la terre meuble
qui grouille à fond de vers
sous les vers
la pierre

(tu vois 
le même caillou
que j'ai au fond du ventre
un jour très lourd
l'autre léger comme l'air)

j'entends
très
très
très fort
s'affoler les fourmis
qui montent
qui descendent
du sommet de ma tête au bout de mes orteils
du fin fond des cercueils aux pointes du soleil
dedans
dehors
ma pierre emprisonnée
dans le filet

/

Tu mâchouilles un pétale
Ta main nonchalamment posée contre mon sein
La tige déchirée la sève entre tes doigts
Toi et moi allongés dimanche dans le jardin
Mon caillou quelque part
Qui roule


Filet

samedi 12 mai 2012

Filet de salive



Dans le jardin... Printemps !
les mots comme des spores
tissent aux quatre vents
le filet de salive
suspendu à mes lèvres
mes crachats fécondant
qui tombent
dans le jardin... des Abattoirs
toussent les bronchioles
en mes rêveries folles

 /

Dans le jardin des Abattoirs
tu t'es allongé dans l'herbe
j'ai posé ma tête sur ton torse
ton torse / ton torse / ta poitrine
pileuse / velue / poilue
sous ma joue attendrie
la caresse des mots
entre mes dents tes soies
sur ta peau mon mucus
mes lettres molles

vendredi 11 mai 2012

des Mailles, un Cabaret


"Souvent quand on est môme, on s'imagine qu'un jour, plus tard, tout ira mieux. On se dit que l'enfance c'est juste un sale moment à passer. Comme un mauvais sirop à avaler. Et puis ensuite on est guéri. "
mailles à l'envers, marlène tissot, éditions lunatiques, 2012



Une nouvelle revue de poésie qui met à l'honneur les femmes poètes, ce n'est pas courant (enfin, soyons honnête mes connaissances en la matière ne sont pas très étendues :), alors je le souligne, mais au fond ce qui importe c'est l'écriture et les univers de chacune...

Le principe de la revue des femmes, un homme
Pour le premier numéro, 8 femmes & 2 hommes (mais dès le deuxième, ça va rentrer dans l'ordre y aura plus qu'un homme ;-)) :

Auteurs
Mademoiselle Aartus (#1)
Elise Berthelot (#1)
Alexandra Bougé (#1)
Valérie Canat de Chizy(#1)
Louis Dubost (#1)
Delphine Gest(#1)
Patrice Maltaverne (#1)
Murièle Modély (#1)
Marlene Tissot (#1)
Alexandra Yampolskaya (#1)
Illustrateurs
Mademoiselle Aartus (#1)
Alexandra Bougé (#1)

Celui aux commandes c'est Alain Crozier... pour commander la revue, s'abonner c'est par

Allez mise en bouche !


"Viens, rejoins moi dans nulle part, glisse-toi avec moi sous les plumes tièdes du quotidien, tu verras, on sera bien, ici c'est un endroit où il ne se passe rien..."
going nowhere, marlène tissot (oui, la même qui a écrit le roman au-dessus ;)




mardi 8 mai 2012

Where the wild things are




Maurice Sendak (1928-2012)

lundi 7 mai 2012

Pas toujours écrire...

...Lire aussi... de tout, dans l'ordre, le désordre, les oiseaux*, Les gênes, ton sourire etc.**

"[...] une pierre lourde, une lourde pierre, une lourdeur de pierre, une muraille sur le gilet la robe la culotte blanche les chaussettes, que tout soit là demain, à la même place."
Pierres, Perrine Le Querrec, in L'autobus n°7



"Elle vit avec une presqu'île dans la poitrine. Son mari nage près de ses côtes, dans le rouge sang de sa mer."
Immense et rouge, Marie Chartres, photographies de Akin Cetin , Les inaperçus, 2012

*nombreux et palpitants chez Marie Chartres
(tiens, en parlant d'oiseaux, j'en ai lu aussi  et  ce jour)
**de Thierry Roquet dans l'Autobus, le poème photographié est aussi de lui. L'illustration sur la photo est un collage de Philippe Lemaire


jeudi 3 mai 2012

La Storia

"Tous autant que nous sommes", proféra-t-il alors, désespéré, pour sa défense ou son rachat, "nous avons un S.S. caché en nous ! et un bourgeois ! et un capitaliste ! et peut-être aussi un monsignore ! et... et... un Généralissime, aussi orné de chamarrures et de crachats qu'un Mardi gras ! Tous autant que nous sommes !  bourgeois et prolétaires et... anarchistes et communistes! Tous sans exception.... Voilà pourquoi notre lutte est toujours une action avortée... un malentendu.... un alibi.... de fausses révolutions pour échapper à la vraie révolution, et conserver le réactionnaire qui est en nous ! Ne nous induisez pas en tentation signifie : aidez nous à éliminer le fasciste qui est en nous !"


La Storia, p.843, Elsa Morante, Folio, 2004

mercredi 2 mai 2012

Du nouveau sur Evazine

Arrivée de Béatrice Gaudy avec les deux France / Cathy Garcia exprime dans ton regard, madame tout le mal vivre d'une fille de l'Est enchaînée au trottoir /Anna Jouy note ses impressions en direct ici gare de Lyon /Denise Desautels se souvient qu' elle écrit en chute libre / Gaëlle Josse chantonne la fin de son blues du rail urbain... Metropolis song /Lucie Sagnières explore le nirvana de l'absurde /Isabelle Le Gouic propose deux collages en surimpressions de voyages intérieurs  /Murièle Modély se dit : aujourd'hui je descends dans la rue /Né-Khô se débat pour vaincre  /Maryline Bizeul présente son nouveau recueil les laissés pour conte /Bruno Toméra erre dans le dédale du couloir d'urgence / Ferruccio Brugnaro se défend contre la solitude de nulle main, nul regard /
Werner Lambersy poursuit sa conversation à l'intérieur d'un mur : je ne pleure pas et lors d'un pillage 
Taro Aizu a composé ce requiem pour un laitier de Fukushima  / Jean-Louis Millet ''chapelette'' les fragments-grains 3 de son psychorama holographique 
Le Salut invérifiable d'un Idiot souterrain démontre de nouveau sa prédilection pour le Sens de l'occasion /Patrice Maltaverne en arrive au matricule 34 , une histoire de travailleurs dans l'immensité des villes / Vincent Courtois arpente de dernière fois la Ville et conclue que plus personne ne l'habite / Harry Wilkens propose un petit discours d'encouragement en évitant soigneusement le paradis bien avant d'en avoir marre /Jean-Marc Couvé évoque le sujet pour le moins délicat de l'origine des mots  / Jean-Claude Tardif, il n'y a plus rien ! 


mardi 1 mai 2012

L'Orée - Isabelle Vaillant



Diaporama de l'exposition l'Orée d'Isabelle Vaillant. Photos Isabelle Vaillant
Textes Perrine Le Querrec, Montage Carole Colnat, Bande Son Frédérick XOonTh

"Je suis la gardienne de l'Orée,
le silence est posé sur mes épaules
comme un loup mort,
..."

Texte de Perrine Le Querrec