lundi 30 septembre 2013

(c) Laura Zalenga

C'est le matin que l'on grandit - Cédric Bernard


"Elle s'extirpe de sa couette d'orage, comme la chatte, prudente et lente, de sa chatière. La lumière n'est pas sûre de vouloir éclairer ce que le jour va mettre en lumière."



"Le petit matin, grivois malgré lui, aperçoit les fesses des nues rosies par la fraîche, surprises par le jour qui allume la lumière si tôt et par la couverture lascivement glissée. Il ne détourne pas le regard, et tend les paumes."







deux extraits de C'est le matin que l'on grandit de Cédric Bernard.
On peut commander ce leporello poétique de belle facture (fond et forme)
et découvrir l'univers de l'auteur au même endroit sur Les mots des marées

dimanche 29 septembre 2013

vendredi 27 septembre 2013

parfois tu as peur de ne pouvoir tout saisir entre tes molaires
tu te dis que les choses seraient plus simples si tout ne se passait dans le fond de ta gorge
les choses seraient plus claires si tout n'était qu'affaire d'écartement
si tu parvenais seulement à faire coïncider d'un mouvement de mâchoires
les crocs du haut aux crocs du bas
si tu faisais gicler de tes lèvres
ce raisin lourd et blond qui te sert de planète
ton fruit un peu trop rond, ton cœur de midinette
si le fruit se fendait, tu te dis que sûrement tu l'entendrais bien nette
la déchirure du monde
sur ta langue juter son sens et ses pépins
tu te dis tant de choses, ta bouche reste close
rien ne sort
rien ne rentre
le soleil ne lèche pas tes pores
les branches nues des arbres ne pèlent pas tes yeux
l'air n'est pas sirupeux, ton souffle n'est pas vif
les hommes sans désir
contre ta joue
la grenade est le fruit
le mystère est dedans
rouge et brûlant


Charlotte Bracegirdle - New York 1932

le mot met à distance
je le sais bien

je me demande
où sont mes battements de cœur
sous les hurlements
des deux femmes en colère ?
je me demande
où s'en va la rougeur
mes oreilles écorchées
par leur brame et les pleurs
de la fillette brune
                - je n'en ai pas parlé ?
accrochée aux genoux de sa mère
qui gueule
a-t-elle seulement
               - où s'en est-elle allée ?
réellement existé ?

le mot a ce don d'être
et de faire disparaitre
la scène

de laisser sur la table
comme de la mie de pain
en boule qui roule
dans le creux de la main

le mot jamais ne donne
il faut tout dépiauter


jeudi 26 septembre 2013

Photo © Simon Johansson

il ne s'agit pas d'une tentative d'épuisement
il faut dans le métro gratter les filles, à la cuillère
manger leur pulpe, boire les mots
toquer les coques, fendre le vide

mercredi 25 septembre 2013


(c) Hesitating, Stefan Zsaitsits

L'autre jour au métro des Arènes, deux filles plutôt bien gaulées, le détail est insignifiant mais je l'ai noté,  se sont mises à hurler très fort. Cela se passait devant le portillon. Pour une banale histoire de sac, que l'une avait balancé violemment contre le postérieur de l'autre. Même si,  parce qu'elles s'excitaient, la raison initiale de l'altercation devenait dans la salle haut de plafond du métro totalement secondaire. On n'entendait plus que les connasse, les va te faire foutre, les ta mère suce des bites en enfer.
La première était très rouge parce que très claire de peau, la seconde un peu moins, et rouge et de peau. Mais leurs bouches ourlées, leurs visages parfaitement maquillés, c'est là que le détail apparemment anodin du début prend toute son importance, se déformaient bizarrement et avec constance, pour dégueuler le chapelet de saloperies. D'ailleurs le mot saloperie convenait bien à la scène. Parce qu'elles étaient mignonnes, à forte poitrine et lèvres pulpeuses, le mot salope sonnait familièrement aux oreilles. Ou comment évacuer l'absurdité des vociférations de l'une et de l'autre dans des divagations sémantiques. En regardant ces filles, j'avais pensé aux mots pétasses, cagoles, makrelles, à mon dictionnaire personnel de clichés. 
J'avais reçu réellement leurs mots en pleine gueule. J'emploie sciemment le mot gueule, il y avait une odeur fauve dans l'air, quelque chose d'animal. La peur, ou peut-être la rage. J'étais moi aussi rouge, bien que noire de peau, incapable seulement de comprendre le sens profond de nos mots.

Simryn Gill

une fille
         à la sortie du métro
  bouscule
            une autre fille
                                  gueule
             devant le portillon du métro
l'une sur l'autre
                           une fille
dégueule
                 un sac contre une hanche
        à la sortie du métro
fend
              les peaux tendues de trop
                             bouscule
                                           sur le mur du métro
de gros glaviots
                        s'enfilent
        des mots en "cule"
                                      une fille puis l'autre
                                                              dégoulinent les maux
                             à grands coups de
                      marteau
dans le métro
                      une fille  l'autre
                                     dans mon oreille


© Denise Nestor, Everything I didn't say...

mardi 24 septembre 2013

Une fille bouscule une autre fille à  la sortie du métro. La fille 2 traite la fille 1 de connasse, la fille 1 élève la voix, elle est de dos, je n'entends pas très bien ce qu'elle dit. La fille 2 se lance dans une longue diatribe. Le mot ne convient pas. J'ai pensé diatribe parce que j'avais le volume, pas le sens. La fille 1 parle très vite, très fort, et mange ses "r". Je comprends néanmoins la dernière phrase,  elle dit  : ta mè'e suce des bites en enfe'. En fait, la fille 1 traite la fille 2, puisque cette dernière l'avait traité avant. En pensant ça, je me rends compte qu'il manque un complément d'objet, mais l'absence d'objet, direct ou indirect d'ailleurs, ne pose aucun problème à la fille 1 et la fille 2, qui interpellent le surveillant de tonitruants  t'as vu comme elle me traite ? Ce n'est pas le bon mot. On ne dit pas surveillant, le métro n'est pas une prison, on dit médiateur. D’ailleurs le médiateur médiate et immédiatement intervient. Il demande qu'est-ce qui se passe ?, la fille 1 dit elle m'a traité, la fille 2 dit elle aussi. Ce ne sont pas les bons mots. La fille 1 gueule, la fille 2 gueule plus fort, le médiateur vocifère (c'est là son moindre défaut). J'écoute d'une oreille, l'autre divague. L'une et l'autre se fendent comme des fruits trop mûrs, les mots roulent sur le sol comme des pépins. Une fille bouscule une autre fille à la sortie du métro - ça se traite comme si de rien


samedi 21 septembre 2013

(c) Eric Antoine - une vidéo sur son travail photographique à voir ici





mercredi 18 septembre 2013

dimanche 15 septembre 2013

Actus

Quelques uns de mes poèmes sont à (re)lire dans le n°154 de Verso (numéro intitulé Fissure dans la paupière).













Extraits mis en bouche
un poème d'Anne K.
"Quand tu pèles l'oignon
Strate après strate verte ou blanche
Jusqu'au coeur luisant net et sec
Tu ne pleures plus, pelées aussi les larmes.
Reste devant toi la vitre raclée par le vent,
Au-delà de laquelle la distance seulement
De sept étages entre ton lit et la mort.
Cet espace parcouru dans la tête, vertigineux :
Tu vis encore."


extrait d'un de mes poèmes
 "peut-être que le mot béton revient comme un leitmotiv
dans mes poèmes et dans nos phrases
pour bien te rappeler combien je suis friable
cette mauvaise poussière qui encombre tes bronches
tu vois, c'est un peu moi
la grise
la tourmente
tu craches dans ton mouchoir
ton coeur
ton ventre
et je finis dans ta bouche petite toux
insistante"





Et aussi une de mes séries sur le blog de Jean Louis Millet, Au hasard des connivences : art & poésie à quatre mains, que je vous invite par ailleurs à visiter de fond en comble.

vendredi 13 septembre 2013

La nouvelle saison d'Une étoile dans la gorge a repris :  
vous pouvez écouter l'émission radiophonique poético-musicale n°1.2
de Franck Oslo Deauville sur le site dédié

Enjoy it !


jeudi 12 septembre 2013

On en parle...

Dominique Boudou chronique mon recueil Penser maillée sur le site Recours au poème, et je l'en remercie.

"J'use mes regards, je polis ma langue / Sur des corps féminins saturés jusqu'à l'os ", écrit Murièle Modély dans Penser maillée paru aux éditions du Cygne. Voilà un recueil où le blanc de la page épouse en étreintes violentes le suint des corps mordus, ravinés, déchirés. Ici, " l'amour n'est pas un mot" mais un instinct brutal " écrasé de soleil ". Un soleil dur et coupant comme la lave de l'île de la Réunion où est né l'auteur. Mais comment le dire avec [une encre indicible] ? L'alphabet aussi est démembré et les souvenirs d'enfance ne sont que de " vieux restes ". Murièle Modély, comme Bernard Noël dans Extraits du corps, est un poète de la décomposition. La langue qui écrit n'y résiste pas davantage que la langue qui fouaille. " Vais-je totalement fondre dans les terres qui m'ont un jour portée ? ", écrit-elle. L'univers de Murièle Modély, si marqué soit-il par la solitude des âmes mortes, ne s'en ouvre pas moins aux promesses de l'horizon. [...]"

Lire la suite sur Recours au poème là 
(c) Marc Quinn - The Zone (Where Time Meets Space) 2012


mercredi 11 septembre 2013

Je fais court.
Juste pour te dire, qu'un jour tu te trouveras seule. Crois-moi, les mots ne réchauffent personne. Ce ne sont pas eux qui frotteront tes pieds le soir, dessous les draps. Jamais ils ne te baiseront les seins, à travers ton corsage. Ils ne hurleront pas à ton oreille, c'est sûr, mais ils ne la lècheront pas non plus...
Les mots que tu aimes tant, qui brouillent ton regard, te dévorent, et me gerbent, ne te feront pas la conversation. Même pas un petit échange insignifiant. Tu n'auras même pas ça, les banalités sur la pluie, le beau temps, le monde qui va mal, le monde qui va bien, ou encore tes enfants, qui sont aussi les miens...
Je fais court, je pars.
Un jour, tu cesseras d'écrire. A cause de tes mains tremblantes, de ta mémoire défaillante, de ta vue basse, ou peut-être simplement parce que tu n'auras rien à dire. Rien de plus en tout cas, que tu n'aies déjà dit. Ce jour là pense à moi, à combien je t'aimais. Et mange ce papier, si tu l'as conservé...


première publication juin 2011

mercredi 4 septembre 2013

(c) Antonio Santin

et aussi guetter l'agacement des gencives
que la craie glisse que le monde crisse sur le tableau noir
(c) Christophe Caudroy - La maison (2003)



manger petit
pisser petit
baiser petit
vivre petit
entendre à peine


(c) Kyle Thompson - Untitled (2012)



s'enfoncer un revolver dans le con
attendre la déflagration


(c)Kyle Thompson



ne rester que l'écho d'un ongle arraché sur le sol
dans le brouhaha ambiant


lundi 2 septembre 2013