lundi 30 juin 2014

"L’interprétation de la poésie est semblable à celle du rêve. Elle se fait à partir du texte du poème. Elle vise bien à y comprendre quelque chose. Mais ce quelque chose n’est pas ce que dit le poème comme si celui-ci était un simple compte rendu, une histoire, une démonstration. La matière du poème dans tous ses aspects brillants, dans toutes ses apparences de sens ne doit pas être prise à la lettre, mais ramenée à l’expérience qui en constitue le noyau. Dès lors, il devient possible de parler du caractère véridique ou non d’un poème. On ne dira jamais que le poème en tant que discours énonce des vérités, car cela n’a tout simplement pas de sens ; on dira que le poème en tant qu’acte est véridique parce qu’il a le même poids, la même présence, la même intensité que l’indicible dont il procède."


extrait d'un article passionnant  sur le site Notules que vent emporte
qui a (avait ? dernière publication en avril 2014) pour ambition de parler de l’écriture et de l’interprétation des textes,  et qui tente plus précisément, je cite, "de définir de la manière la plus rigoureuse possible le rapport que nous entretenons avec le langage en tant qu’êtres parlants et praticiens de l’écriture. [...] langage [qui] ne se laisse pas réduire à un rôle de simple instrument, car il nous constitue et nous détermine bien au-delà de ce que nous imaginons. "

jeudi 26 juin 2014

copyright Edgar Marsy

L'île


Tu as beau peindre ta bouche, tes yeux, tes lèvres
un jour, ça ne tient plus

sous les piétinements, le vacarme dans la rue
tu entends

le mouvement des plaques et les fissures
les raz-de-marée, les déchirures

dans le miroir de poche que tu sors de ton sac
tu vois sous ton cou brun

la terre gronder, la peau se fendre
le bourrelet de chair poindre entre tes deux seins

cela fait des années que tu retiens au fond
les morts, les vivants


Et là          
au milieu de la rue
fardée et maquillée
petite outre trop pleine
tu regardes

dans l’éclatement du derme
l’île


/


Tu as
quarante ans
un mari
deux enfants

une gentille famille
sur la ride profonde
qui enfonce sa fourche
dans ta poitrine nue

celle de ta mère
celle de ta grand-mère
penchées sur ton épaule
tu ne sais pas pourquoi
tu remplis leur assiette de riz
ton mari, tes enfants
baignent dans l’odeur d’ail

ils débordent ta peau
tu ne sais pas pourquoi
tu dessines des îles
du doigt
dans un verre d’eau

 ta mère, ta grand-mère
sur la pointe des flots


/


Dans le reflet
les auréoles
les ridules
les fentes
transpercent
te percent
à jour
à vif
à temps

tu te grattes jusqu’au sang
l’océan te démange
ta peau est un volcan
tu crépites, vomis
tes morts, tes vivants


/


A l’horizon
les enfants flottent
leur ballet de méduses
leurs cheveux emmêlés
sur l’os de l’asphalte

Dans le miroir le cœur
les premières secousses
ton enfance qui meurt
sur le dos de ta main

Sur ta peau
hier
demain
presque rien


(2012)

Un an de Disséminations

Je vous invite à découvrir les disséminations effectuées par la web asso Auteurs entre le mois d'août 2013 et le mois de mai 2014.
Mais disséminations kesaco ? : Une invitation à découvrir les textes d'auteurs, à circuler de blogs en sites, selon des thématiques mensuelles...

"La web-association des auteurs, c’est la libre cir­cu­la­tion des textes de blog en blog dans le cadre d’un par­tage non-marchand. [...]. Ainsi, le texte est lu par des nou­veaux lec­teurs, il cir­cule libre­ment sur le web sans être enfermé dans un for­mat d’édition, et cette dis­sé­mi­na­tion peut don­ner envie de lire d’autres textes de l’auteur. http://www.webasso-auteurs.net/"


Ci-dessous à feuilleter un an de disséminations (lire, voir, entendre) en cliquant sur l'image.

http://flip.it/ZZ74e 

Je suis depuis quelques temps  Glossolalies, et je ne peux m'empêcher de citer quelques lignes ayant accompagné la publication de cette riche recension sur ce site :

"Ce qui me frappe tout d’abord, c’est à quel point ces dis­sé­mi­na­tions ont ali­menté ma réflexion, la croi­sant de façon par­fois assez inat­tendu, et non seule­ment par l’effort mis à choi­sir, à chaque fois, des textes qui cor­res­pondent au sujet et vaillent le détour – arpen­tant encore et encore ces blogs que j’aime, mais le redé­cou­vrant sous cette visée dif­fé­rente, ou bien m’égarant en ces pro­me­nades pour d’heureuses décou­vertes, [...]
Explosion de textes à dis­po­si­tion d’une part, où pio­cher est un délice, et pos­si­bi­lité du relais, d’un relais qui ne passe pas par l’adoubement habi­tuel d’un édi­teur, d’un cri­tique, d’un plateau-télé (bien que cer­tains aient aussi du bon). Plus j’y pense, plus j’en reviens à ce que m’inspire la clan­des­ti­nité telle que l’a abor­dée Grégory Hosteins: l’anonymat du web, sans empê­cher les échanges, me paraît aider à garan­tir une cer­taine hon­nê­teté par la dis­cré­tion qu’il per­met d’entretenir ..."
Lire l'article entier  

lundi 23 juin 2014

(c) Gladys - Miho

"Tu me dis
Viens
Suis-moi
Sortons des bois
N’aie pas peur

Tentons le monde
Ses artères, ses flux
Ses fièvres, ses anguilles
Regarde
En bas
La ville
Qui nous offre sa nuit

Tu as dans la paume
Une flamme
J’ai entre mes seins
Un homme

Nous brûlons en riant
Au milieu de la rue

Ta main et ma poitrine
Côte à côte
Face à face
L’une en l’autre

Et les voitures cabrent
Et les enfants hennissent
Et notre incendie cède

Il faut tout consumer
Pour trouver sous les cendres
Le cœur


Je n’ai pas peur"


extrait de Penser maillée, éditions du Cygne, 2012
toujours disponible en librairie ou via le site de l'éditeur

vendredi 20 juin 2014

j'aime ta large carcasse
l'épaisse couche de tissus sur tes os
j'aime que tu sois l'entièreté du paysage
mon regard n'est pas assez large
l'espace de ton épaule gauche à ton épaule droite suffit
pour que vogue le bateau
et si je tangue
j'aime être ce point au bout de la phrase
que ta main balaie d'une vague

mercredi 18 juin 2014

   "Le verbe précède la jouissance"
Fabrice Marzuolo 

(c) Bruno Legeai





















les brandons font les nœuds au ventre
les pattes de mouche aux pages
des clic & des clac, index sur touches
des cric & des crac, voyelles en bouche


mardi 17 juin 2014

(c) Claude Nori - Isamore

Charogne

Annonce de parution ce jour du numéro 4 de l'excellente revue Charogne
avec aux commandes Guillaume Siaudeau
et des auteurs à l'écriture incisive, corrosive, forte (what else ? ;)

Murièle Modély
Le numéro sera disponible en septembre, mais on peut le commander dès à présent
aux éditions Asphodèle, bon de commande sur le blog de la revue






et pour ouvrir l'appétit quelques pages des 3 premiers numéros (toujours disponibles)

Zinzoline, revue incertaine



Au sommaire, oeuvres plastiques & écrits de : 
Éric Babaud, Martine Bellue, Christiane Berti, Marie Chaudet-Solac, Marie-Josée Christien, Chantal Delcroix, Michèle Dorion, Marie-Laure Drillet, Agnès Duflanc-Lehmann, Frédéric Dupuy, Jocelyne Hermilly, Alain Lasverne, Ledœufre, Ghislaine Lejard, Sonia Lendrieux, Bernadette Maille, Manitoba, Nadu Marsaudon, Murièle Modély, Maryse Moussaron, Claude Perchenet, Pierre Planchenault, Jacques Sandillon, Catherine Simoneau-Pestel, Mireille Togni et Laurent Valera.
(vous pourrez me lire dans la rubrique Sur les traces de :)

Découvrez le travail de l'artiste Alain Cotten là

dimanche 15 juin 2014


© Kenichi Hoshine, Untitled 30


joie
jouis
jette
le bout de charbon
le morceau de fusain
la trace de suie
dans l'âtre
use et abuse
de
synonymes
images
jette
joie
jouis
prends    l'amadou
dans tes mains pose
mets y la langue
c'est tendre
ça aime
ça flambe
le mot ne dit que ça



Heureux, malgré tout


Voir d'autres vidéos de Clément Rosset, par Camille Tassel
sur l'excellent blog La Main de singe
dans l'obscurité de la loge
juste avant la scène finale
un sentiment
t'envahit
plus fort que la peur
plus fort que la faim
d'amour
d'amour
juste avant et pour
les regards vers
cette autre
plus sûre
plus là
la pièce va
les applaudissements claquent
tu redeviens toi
toi exactement comme
la première fois
jetée dans le vide
hors du ventre noir
noirs les yeux
sous les phares
ton pas ton cœur
tranchant
le fil de ta voix


(c) Sally Mann, Family Pictures (1984-1991)

samedi 14 juin 2014

est-ce que tu crois qu'en restant le dos collé à la paroi
parfaitement, totalement immobile
tu parviendras à éviter l'effondrement de la tour ?



qui a dit que ton mur porteur pouvait t'empêcher
de te tordre la cheville au milieu des débris ?



qui t'a donc fait croire que la station était plus sûre
plantée sur des talons ?
 


la main posée sur tes hanches
pendant que tu ondules, avances, recules
n'est pas le bon moyen pour demeurer debout

vendredi 13 juin 2014

(c) Peter Martensen


Drôle de vie, penses tu, que celle où tu passes
la majeure partie de ton temps à serrer des boulons
verrouillée ta bouche, verrouillé ton front
cadenassé ton con, à clé tes poumons
quand tu es fermée de partout
tu augmentes ta capacité de production
à L'autre Hidalgo, passeur qui m'a fait découvrir cet artiste

Paul Bloas - musique originale de Noir Désir - 2003