lundi 26 octobre 2015

j'ai plongé la main
dans ma bouche
ma gorge
l'ai enfoncée le plus loin possible
étrangement le déboîtement de mon épaule
ne m'a causé aucune douleur
je n'ai entendu aucun craquement non plus
lorsque mon poignet a passé l'obstacle des incisives
j'ai la bouche grande ouverte
indécemment ouverte
à la mesure de tes yeux écarquillés
tu as balbutié quelque chose
lorsque tu as compris ce que je faisais
et maintenant tu pleures
tu répètes en boucle "tu saignes... tu saignes..."
la petite bête aux yeux de faon qui tremble
ne saigne pas
je l'examine sous toutes les coutures
ne décèle aucune coupure
et tu répètes encore
stupidement
"tu saignes... tu saignes..."
je plonge mon regard dans les yeux de ma bête :
elle sort sa langue longue
puis lèche
mes doigts rougis

vendredi 23 octobre 2015



(c)Annabel Werbrouck
 

mardi 20 octobre 2015

j'ai une bête à l'intérieur
une bête épaisse qui s'agite
à chaque pas
je sens sous mes tissus
la corne aiguë de sa carapace
inscrire de longues et profondes rainures
sur le fil de mes os
je sens qu'à l'intérieur la moelle coule
que ma bestiole roule
des yeux
et de la langue
je sens
la déglutition
les battements de cils qui excitent la peur
qui coupe les jambes et la bête ronronne
dans des mouvements désordonnés
sur mes tendons affolés
elle aligne
des chiffres
des symboles
des noeuds serrés sur mes cordes vocales
et souvent de douleur, je me mets à jeter
des borborygmes dissonants
que je ne comprends pas
que tu ne comprends pas
ma bête mène une guerre intérieure : je suis sa prisonnière et je suis sa geôlière
à force d'avoir mal, je ne sais plus au fond qui d'elle ou de moi est le vrai contenant




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(c) Bruno Legeai