lundi 30 novembre 2015

petite mort

souvent
quand nous faisons l’amour
je pense
au repas du dimanche
le poids sur l’estomac
cette ambiance empesée

tous les deux le dimanche
si cruellement gais
chacun bien à sa place
et de l’autre côté
le verre
l’assiette
devant la chaise vide

quand nous faisons l’amour
je pense souvent
au bréchet sous la dent
le jus qui coule
cette triste violence
de la chair mâchée


pendant que nous faisons
j’entends
j’attends
la reddition de l’os
mes jambes écartées
la douleur qui se tend
dans tes muscles bandés

nos corps
qui trompent
tu fais l’amour je baise
sous la table je jette
la torsion le plaisir
les bouts de verre brisé

dans le trou

où tout tombe
souvent

*

Parfois
je ne jouis pas
je pense aux fleurs fanées
sur la pierre grise

Parfois je jouis
ça ne change rien :
je pense quand même


parution initiale dans la revue Charogne

samedi 28 novembre 2015

dimanche 15 novembre 2015

"il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer"

"(…) il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, ils m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer."

L’innommable, Samuel Beckett, 1953