samedi 27 mai 2017


40 ans
l'heure est au bilan
il n'y a rien derrière
il n'y a rien devant
et je cherche
dans ce léger vertige
à agripper ta main
je la sens qui se dérobe
je le sens
tu cherches
toi aussi à garder équilibre
à toi aussi, le gouffre devant
derrière le néant
et je continue
dans la montée des palpitations
à chercher d'autres mains
des petites
des vieilles
des mains partout
inutiles appendices accrochés
aux silhouettes sur le fil de la lame
et rien derrière,  et rien devant
seulement la mélasse d'un éternel présent

lundi 15 mai 2017

credit : Alisa Resnik
les rêves sont revenus cette nuit
pendant longtemps, ma tête est restée vide
les alizés soufflaient, je ne retenais rien
il y a des années, quelqu’un m'a lâché la main
m’a laissé, sommeil après sommeil, avancer dans le noir
n’attendre de personne une épaule où poser 
ma faiblesse
cette nuit, les rêves ont reparu
je sens grincer leurs dents
peser au creux des reins leur regard de félin
le drap est moite
ma bouche humide
je baigne le lit de larmes acides
c’est que leur retour sonne la fin du repos
j’entends dans le long défilé, le broiement de mes os
j’entends
les morts
le claquement de crocs, ô rêves
qui grignotez et grignotez le moindre bout de peau
mettant mon cœur à nu
dénudant ma colonne vertébrale
que l’enfance affleure
que de la moelle épinière coulent les souvenirs
gluants, graisseux
mêlant sur le matelas le présent
à la chair bigarrée de tous mes revenants

*


ces rêves pleins de viande ne me nourrissent pas
il n’y a aucun sens à l’histoire qui s’affole sur la table
je flotte
refais le passé
la mer y tient le rôle principal, et j’avale
j’avale comme une oie docile
le corps de mes aïeux
puis je crache sur la nappe 
des pelotes de récits
je n’ose y planter la fourchette
c’est que des vers s’agitent
leurs ventres roses, translucides, tendus
n’attendent que la pointe du couvert
pour dégueuler dans l’assiette
les vagues de coups bas 
et mes membres meurtris