mardi 29 janvier 2019
Vues et revue n°8, émission littéraire sur Campus FM Toulouse
J'étais ce mardi dans les locaux de Radio Campus Toulouse pour l'émission littéraire bimensuelle "Vues et Revue", animée par Anthony Piana et Bérénice Marsaud, où il a été question de poésie, du travail de l'auteur mais aussi de l'activité professionnelle qui fait vivre, de l'inspiration etc.
vendredi 25 janvier 2019
Cairn (extrait de Feu de tout bois)
je ne sais pas qui a ramassé les galets
qui les a empilé dans mon dos
là
tout près des vertèbres
non, je ne sais fichtrement pas
qui a écrit en lettres capitales
sur la pierre le mot
il - il faut bien qu'il soit mâle
a posé sur mon omoplate un conflit
une épidémie sur ma clavicule
un attentat sous ma paupière
une crise dans le creux de mon oreille
il a glissé dans ma bouche entrouverte
un caillou plat brûlant
dans un grésillement, un corps
non identifié, non identifiable
une horreur, puis une autre
sur le nombril, le sexe, des mots mis bout à bout jusqu'au bord de la page
sans aucun sens, une lame, une flaque, un oiseau, une cage
mais sur la langue, mon fils débute l'autre phrase
improvise en dansant un nouveau paragraphe
les galets tombent, les mots roulent
j'entends dans les ricochets
son bruit fou et la mer
qui les a empilé dans mon dos
là
tout près des vertèbres
non, je ne sais fichtrement pas
qui a écrit en lettres capitales
sur la pierre le mot
il - il faut bien qu'il soit mâle
a posé sur mon omoplate un conflit
une épidémie sur ma clavicule
un attentat sous ma paupière
une crise dans le creux de mon oreille
il a glissé dans ma bouche entrouverte
un caillou plat brûlant
dans un grésillement, un corps
non identifié, non identifiable
une horreur, puis une autre
sur le nombril, le sexe, des mots mis bout à bout jusqu'au bord de la page
sans aucun sens, une lame, une flaque, un oiseau, une cage
mais sur la langue, mon fils débute l'autre phrase
improvise en dansant un nouveau paragraphe
les galets tombent, les mots roulent
j'entends dans les ricochets
son bruit fou et la mer
Extrait de Feu de tout bois, Délit buissonnier n°1, Nouveaux Délits, 2016
Toujours disponible - contacter Cathy Garcia - Revue Nouveaux Délits
lundi 21 janvier 2019
et dans le ventre cette braise...
et dans le ventre cette braise qui n'a
plus rien d'ardente
trop de cendres, les jours ont consumé
ont laissé leur suie grasse jusqu'à
l'anus
une bavure que je regarde droit
dans les yeux
dans les yeux
dans les gogues
"vas-y, baisse, remonte ta culotte
vas-y, respire, halète"
dit l'angoisse, ce poids mort qui pèse
alors je mets du rouge sur mes lèvres
du noir sur mes yeux
et je souris à des inconnus
surtout les tristes
les seuls dans les bus
les seuls dans les bus
qui n'ont même pas un téléphone pour un peu de lumière bleue
je m'assois face à ceux qui n'ont rien
dans les mains
dans les yeux
et j'espère que ma mâchoire sera
assez grande pour deux
pour moi
pour eux
pour eux
je me dis qu'il doit y avoir de la
beauté
sous nos odeurs de merde
sous nos petites suées
sous nos petites pensées
dans nos petites vies
il y a de la beauté
quelque part qui apaise
quelque part qui apaise
en attendant je mets du rouge, du noir, j'avale
pourvu qu'à l'intérieur mon charbon ne cesse de pulser
pourvu qu'à l'intérieur mon charbon ne cesse de pulser
dimanche 20 janvier 2019
Nuit de la lecture 19 janvier 2019
Hier, pour la nuit de la lecture, nous avons lu sous la coupole de la
Bibliothèque d'étude et du patrimoine de Toulouse des poèmes de femmes du monde
entier dans nos langues respectives : Kazue Shinkawa (Japon), Regina
José Galindo (Guatemala), Florbella Espanca (Portugal), Maram Al Masri
(Syrie), Aurelia Lassaque (Occitanie), Ana Cristia Cesar (Bresil),
Murièle Modély (île de la Réunion)
samedi 5 janvier 2019
Une âme nationale, poème de Lidija Dimkovska
Depuis que mon frère s’est pendu avec le câble téléphonique
je peux lui parler au téléphone pendant des heures.
Le bouton est toujours appuyé sur Voice
afin que ses mains soient libres
pour coller des affiches sur les poteaux du Très-Haut
et pour qu’il puisse m’exhorter au débat ardent sur le thème :
Est-ce que l’âme est nationale ?
Tremblant d’émotion, nous cherchons ensemble,
moi, ici-bas, lui, dans l’au-delà.
La science a prouvé que l’âme russe, par ex. n’existe plus,
que celui qui rêve des anges, les écrase dans la mort comme une ombre.
Peut-être existe-t-il une âme turque, râle mon frère dans le combiné,
car chaque matin il écoute le grésillement de la théière de Nazim Hikmet
avant qu’il roule le petit chariot de gevreks
jusqu’aux portes de la terre. “Je vais t’en acheter un pour la paix de ton âme.”
Et puis, essoufflé, il se tait. Et nous cherchons alors l’âme macédonienne
sur les plaques d’immatriculation du chemindieu Est-Ouest
dans des boîtes en carton portant l’inscription “N’ouvrez-pas ! Gènes!”,
chargés sur le dos de cadavres transparents.
Mais tu ne peux te reposer sur des cadavres.
Les cadavres sont des immigrants illégaux,
avec leurs organes gonflés ils s’introduisent dans les pays des autres,
avec leurs cavités et les pointes de leurs os
ils creusent leur dernière tombe.
Ils provoquent là-bas la dernière rixe
pour les cieux nationaux
et pour l’âme qu’on ne possède plus.
Il y a toujours plus d’hommes sans âme, d’âmes sans nom.
Dans l’autobus, ils ne se lèvent pas, les uns sans les autres ils vont au loin,
ils se cherchent par des intermédiaires, mais ne se rencontrent pas.
Les nations se cassent des œufs sur la tête.
Mon frère désespère. Moi, je deviens A-nationale.
Le câble téléphonique qui nous relie
brouille les mots à cause de ma main moite,
il ramène le téléphone contre le mur et le rentre dans la prise.
Pourquoi pour les malheureux de l’au-delà
n’ouvre-t-on pas une ligne SOS gratuite ?
Pourquoi n’ai-je jamais appris à arrêter quelqu’un sur son chemin vers la mort ?
Moi aussi, tout comme mon frère, depuis ma naissance, je coupe les cheveux en quatre,
une révélation à tout prix, la défiguration du sens.
Et les âmes des êtres qui coupent les cheveux en quatre
finissent de trois façons : pendues à un câble téléphonique,
dans le corps des poètes ou bien, l’un et l’autre.
je peux lui parler au téléphone pendant des heures.
Le bouton est toujours appuyé sur Voice
afin que ses mains soient libres
pour coller des affiches sur les poteaux du Très-Haut
et pour qu’il puisse m’exhorter au débat ardent sur le thème :
Est-ce que l’âme est nationale ?
Tremblant d’émotion, nous cherchons ensemble,
moi, ici-bas, lui, dans l’au-delà.
La science a prouvé que l’âme russe, par ex. n’existe plus,
que celui qui rêve des anges, les écrase dans la mort comme une ombre.
Peut-être existe-t-il une âme turque, râle mon frère dans le combiné,
car chaque matin il écoute le grésillement de la théière de Nazim Hikmet
avant qu’il roule le petit chariot de gevreks
jusqu’aux portes de la terre. “Je vais t’en acheter un pour la paix de ton âme.”
Et puis, essoufflé, il se tait. Et nous cherchons alors l’âme macédonienne
sur les plaques d’immatriculation du chemindieu Est-Ouest
dans des boîtes en carton portant l’inscription “N’ouvrez-pas ! Gènes!”,
chargés sur le dos de cadavres transparents.
Mais tu ne peux te reposer sur des cadavres.
Les cadavres sont des immigrants illégaux,
avec leurs organes gonflés ils s’introduisent dans les pays des autres,
avec leurs cavités et les pointes de leurs os
ils creusent leur dernière tombe.
Ils provoquent là-bas la dernière rixe
pour les cieux nationaux
et pour l’âme qu’on ne possède plus.
Il y a toujours plus d’hommes sans âme, d’âmes sans nom.
Dans l’autobus, ils ne se lèvent pas, les uns sans les autres ils vont au loin,
ils se cherchent par des intermédiaires, mais ne se rencontrent pas.
Les nations se cassent des œufs sur la tête.
Mon frère désespère. Moi, je deviens A-nationale.
Le câble téléphonique qui nous relie
brouille les mots à cause de ma main moite,
il ramène le téléphone contre le mur et le rentre dans la prise.
Pourquoi pour les malheureux de l’au-delà
n’ouvre-t-on pas une ligne SOS gratuite ?
Pourquoi n’ai-je jamais appris à arrêter quelqu’un sur son chemin vers la mort ?
Moi aussi, tout comme mon frère, depuis ma naissance, je coupe les cheveux en quatre,
une révélation à tout prix, la défiguration du sens.
Et les âmes des êtres qui coupent les cheveux en quatre
finissent de trois façons : pendues à un câble téléphonique,
dans le corps des poètes ou bien, l’un et l’autre.
Lire plus de poèmes de Lidija Dimkovska sur le site Recours au Poème
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