on m'assène un soir mon enfance rieuse qui danse sur la table au son d'un disque rayé, on
me dit que je danse pieds nus, que l'été moite est touffu, qu'un
bracelet d'or à mes poignets cliquette, que ma voix haut perchée sous
mes dents écartées cadence, on me dit que je chante et que mes notes
tranchent
les rires
les gorges
mes tantes, mes oncles, mes aïeux, mes cadavres fiévreux
on me dit les feuilles de bananiers qui roulent
sous mes orteils, on me dit la joie pure
je ne m'en souviens pas
je suis adulte triste depuis bien trop longtemps
et l'enfance n'est pas et n'a jamais été
un âge d'or
c'est une toile fendue
qu'il faut rentrer du poing
dans le ventre de la terre