lundi 27 décembre 2021

Les lignes (extrait)

tu
marches
la nuit
le garçon ton désir
emmêlés dans les draps

tu
rapièces la nuit
le matelas tordu
le corps jute fendu
de haut
en bas

ce
souvenir n’est pas
les fils effilochés
entre
tes doigts

ce
rêve n’est pas un rêve
l’hallucination brève
diffracte ses échos
sous tes
paupières

le
polochon est moite
ton corps est en sueur
et les plumes d’oie meurent
dans la glu tout
en bas

contre
ta cuisse les rires
les trous les peurs
au fond
de ta culotte

ton cerveau
cette plaine
où les mots à la peine
claquent

la pensée intissée
qui étrenne sa mue
dans le fourreau humide
hier
qui bruisse
aujourd’hui

http://www.vanwolputteprogress.eu/

 

samedi 18 décembre 2021

fin (?)

je n'ai pas pu relire le livre
problème de vue ou de langue
l'enfance est illisible
les pages indéchiffrables à force d'être mangées
par des mains trop fébriles
je n'ai pas pu le livre, relire, relier
- adieu le cuir, la fibre, le cœur des souvenirs
le temps passe, tout devient noir
comme ma peau
complexe et incompréhensible

*

le poème autour de cette histoire
de livre/enfance/cuir/souvenir
blabla
ce poème étiré
- en dix vers seulement
minuscule/microscopique/invisible
à l’œil nu
est une tache de gras sur un tee-shirt tendu
pendant un mois - cinq semaines exactement
j'avais baffré/baffré/baffré/
baffé
à ne plus savoir où mettre
et mes mains et ma bouche
l'île comme un apitoiement verbeux
gras et flottant à la surface de l'eau
à la surface des mo(r)ts
comme un pas de côté pour ne pas regarder
en face/dedans/seulement
qui je suis/étais/
ai été vraiment

*

une phrase me trotte dans la tête
un truc du genre
      "on ne peut pas avancer sans racines"
un truc du genre
    "on ne peut pas avancer coupée 
     d'hier à aujourd'hui"
ça trotte
ça galope
la phrase
est-ce l'amie d'exil qui l'a dit ? est-ce mon très cher psy ? est-ce moi ? est-ce lui ?
trop de pratique de la réinvention nuit
à la clarté d'esprit
et du reste
cela ne change rien
ça trotte
ça galope
les mots, les phrases
alors que moi
je ne bouge pas d'un poil
assise à la fenêtre à regarder
mes chevilles moignon balancer dans le vide
coupée
coupée
je l'ai dit, elle, ou lui
      "ce n'est pas une image"
coupée
la fille sans pieds
coupée
qui écrit des vers à défaut de marcher

*

une fois le poème posé sur la table
tout le monde y va de son petit conseil
bouffe-la ta mère
bouffe-le ton père
on pousse très bien hors sol
l'espace est plein de plantes parasites
venues de nulle part 
rattachées à rien
je regarde la chose souffreteuse 
posée au milieu du plateau
palpiter comme un cœur
boum et reboum des pensées avortées
je regarde et j'entends à chaque palpitation 
bancale
des radicelles pousser au bout de mes mollets



Source photo : A still from Un Chien Andalou. Photograph: Ronald Grant Archive

 

vendredi 22 octobre 2021

Le nuage pommelé


En sortant du métro avec les enfants
j'ai aperçu sur les tuiles du lycée
confortablement lové
dans un repli du ciel
un énorme nuage
aux joues
épaisses

Il étendait sous le soleil
de ce début d'hiver
sa rondeur pommelée
vaporeuse rosée
et mon oeil a gobé
par pure gourmandise
ce dessert nuageux
de sucre qui poissent
mains et bouche

Les enfants riaient
je regardais
le ciel
je regardais
leurs joues
les perles qui s'égrenaient
des lèvres à leurs pieds
les souvenirs tombaient
coulaient et irisaient
leurs dents de lait

des odeurs de pétard, des cris dans la rue
la musique lancinante des graines de cascavelle
décembre, sa chaleur qui moire les peaux noires
la pluie chaude qui baigne nos rires effrontés
mon frère qui me course d'un sourire édenté
nos corps en sueur qui s'écroulent dans l'herbe
la vie, fruit aigrelet qui nous semble bien vert


les enfants dévorent
des yeux, des pores
cette douceur de fête foraine
ils tendent une langue
minuscule, rosâtre
en arrêt devant le portail où
des adolescents gloussent
fument, frémissent 
et poussent

Toulouse, 7 décembre 2010

dimanche 10 octobre 2021


 

jeudi 9 septembre 2021

Papa

Il finissait toujours en passant la brosse sur le sommet de son crâne
une brosse avec des picots en plastique, verte, ronde comme une fleur

La tige recourbée fermement calée dans le creux de ses doigts
entre l'index et le majeur

Il finissait en dessinant un cercle parfait, d'un mouvement lent et sûr
une tentative de frange dans ses cheveux épars
 
 Mon père


Le voile qui se fend dans la crépitude des nuages
après la pluie  
le sabre   
tranche le ciel en deux


jeudi 19 août 2021

Photo d'Edgar Marsy

 

je n'ai pas pu finir le fruit.
en reposant la goyave
dans l'assiette
les dentelures roses
m'ont ramené en mémoire
tes gencives neuves
que tes canines
il y a longtemps
déjà
ont percé dans des larmes
que reste-t-il aujourd'hui de cette douleur ?
à peine sous les morsures
l'odeur carnée, sucrée de fraise 

Photo de Francesca Woodman

avant
nous avions le temps de nous asseoir dans la chambre
nous avions le temps de regarder le temps
figer les corps
avant
nous pouvions sentir les odeurs sures des fleurs
nous monter à la tête
entendre le chagrin tomber au fond de l'estomac
nous pouvions sentir ce poids donner chair à l'absence
nous pouvions avant convoquer nos morts dans le champ des vivants
les regarder danser, nous essouffler, nous suffoquer
nous pouvions les laisser
déborder
notre bouche
de nos yeux
une fois encore
leur tenir la main jusqu'au bout du chemin
les regarder nous faire un petit signe
sourire un peu
et partir
aujourd'hui quelle place leur accorder
dans la pluie
des cadavres
qui tombe
de façon continue
qui tombent et s'écrasent dans tous les espaces
sous nos yeux, dans nos têtes, sur nos écrans
dans le moindre interstice entre nos dents et nos poumons

mardi 27 juillet 2021

Ne voir que le paysage au fond
Calmer le tumulte
Espérer l'après



 

jeudi 17 juin 2021

Le champ de colza

Hier, nous avons tous trois plongé  dans un champ de
colza
Le soleil tapait fort, les couleurs tremblaient au bord de tes yeux
verts
j'avais mis un chapeau mais la sueur coulait entre mes
seins
elle rejoignait la mer qui bruissait sur nos
corps
l'ondée jaune scintillait et pliait sous nos
pas
au loin, il y avait la maison avec ses volets
bleus
et des moutons blancs allongés dans le
ciel
il n'y avait pas de vent, juste le flux des
abeilles
qui s'échouait sur nos pores, lourds de l'odeur de
miel
j'apercevais ballotée par les vagues 
l'enfant
et sa voix déformée m'arrivait comme un
chant
Maman, j'ai trouvé des 
coccinelles
elle ramassait des algues, les sentait
goulûment
les bêtes à petits pois dans le creux de sa
paume
flottaient, la chatouillaient lestés de son
arôme

et la pluie de mots ronds ricochait sur ma robe...

samedi 15 mai 2021

jeudi 13 mai 2021

User le bleu - On en parle #3

 Christian Saint Paul, animateur d'une émission littéraire autour de la poésie sur Radio Occitanie revient sur User le bleu dans son éditorial de l'émission "Confinement n°45" qui a été diffusée sur les ondes récemment :

[...] Son dernier livre « User le bleu suivi de Sous la peau », éditions Aux cailloux des chemins, collection Poésie, avec une lithographie de Cendres Lavy, 95 pages, 12 € , illustre la puissance d’évocation de la poésie d’aujourd’hui à laquelle aucun sujet ne saurait échapper.

L’observation de la vie par la poétesse, sa vivacité à en saisir toute l’ironie, tout l’humour, toute l’humanité qui reflue du moindre fait, est la trame de son travail de langue.

Et il faut bien concevoir que c’est la réussite de ce travail, par un parti-pris de simplicité, un ton familier, narratif, anecdotique percutant, qui crée le poème.

La vie des agents de la bibliothèque, en butte sourde à la hiérarchie, aux usagers, n’est pas le paradigme du décor social souhaité pour un poème, mais l’auteure, par le travail de la langue, métamorphose cette vie laborieuse en instant succulent. Et la finalité, le sens donné à la besogne éclate à l’évidence : « ils lisent ». Ils sont les serviteurs de la lecture.

Sa vocation de poète, Murièle Modély l’a éprouvée, les mots chevillés au corps, dès l’âge de dix huit ans. Car c’est avec le corps que l’on fait surgir les vers du poème. Les yeux pour voir le poème, la bouche pour que s’évade le poème. 

Le poème vit « Sous la peau ». La peau donnée comme une signature, celle de la mère, celle du père, celle d’un pays qu’elle devra quitter. L’exil, « on s’en remet » ; mais le poème crie le contraire et ce cri jaillit de sous la peau qu’elle bariole de rouge, de bleu, ce cri qu’elle étouffe de « joies falotes ».

Nous devons lire les poèmes de Murièle Modély, gagnés par la virtuosité d’une parole simple qui nous est immédiate sans rien perdre du mystère de la poésie

A cet état de grâce, peu de poètes y parviennent. Elle y accède avec le naturel de celle qui espère que sa langue qu’elle nomme « pauvre » entrera dans « le je poétique / un mot qui pèse / on ne sait trop comment ». [...]"

mercredi 17 mars 2021

Examen de dossier

L'employé de l'autre côté du bureau
dit
qu'il se voit dans l'obligation de refuser ma demande
répète
"je ne peux pas vous accorder ces congés au motif d'un attachement particulier"
dit
qu'au vu des pièces fournies, il lui est difficile d'évaluer le lien réel à mon lieu de naissance
répète
que les soixante pages tricotant l'ombilic entre ici et l'île
ne font pas le poids
dit
que trente ans à profiter du continent 

pèse plus lourd que les vagues palpitant l'océan
l'employé de l'autre côté du bureau
à l'encre rouge
décide
que le lieu où l'on vit est le lieu où l'on est


L'employé dit, refuse, répète
moi, je ris
derrière mon poing
dans ma bouche
des galets roulent
des volcans crachent
dans mon ventre
des frontières se défont
des littoraux se créent
sous mes pieds
les terres blondes
et noires se mélangent
dans mes poumons
au bout
tout au bout des alvéoles
une petite fille dans une petite case
créole débordant de rires et de mots
vit tranquillement son île parallèle
sous les yeux de l'employé de bureau

lundi 4 janvier 2021

Nue face à la glace, je me demande
ce que pèsent mes seins
face à la misère des corps
quel est le poids
de mon ventre
de mes jambes
de mes mains
de mes yeux
de ma bouche
face aux vies nécrosées
tout cela ne pèse rien
je le sais bien
mais au fond, tout au fond
bien sanglé sous la peau
il y a ce vide
qui plombe
alors
que pèsent m
es seins dans le miroir ?
© Soraya Hocine, Série: Serai-je vivant demain plutôt qu’aujourd’hui?
je serais un petit oiseau mort
dont le ventre palpite encore
frémissement d'une porte qui claque
dans les plumes
petit oiseau, larmes au bec
tu me dirais je t'aime
je ne te croirai pas
je serai cet oiseau
mort
au bord de la fenêtre
pour avoir trop heurté
la transparence du jour

samedi 2 janvier 2021

Du neuf côté revues : Vol n°5 ; Le ventre et l'oreille n°6

En actu, participation à deux revues : la revue toulousaine Vol (5è numéro) et la revue d'Emmanuel Desestré et Orianne Hurstel Le ventre et l'oreille (numéro 6 en ligne)

En savoir + : 

-Page facebook de la Revue Vol & le mail pour commande :volrevuvol@gmail.com 

 -Site de la revue Le ventre et l'oreille

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


vendredi 1 janvier 2021

Le Serveur Vocal Poétique de la Cie Home Théâtre


Le Serveur Vocal Poétique (SVP), création de la Cie Home Théâtre, est un numéro de téléphone gratuit qui permet d’écouter des poèmes lus par leurs auteurs/trices ou par des comédiens.