lundi 31 janvier 2011

aliéné(s)


"ça c'était le jour
car la nuit
une voix l'appelait
dans son sommeil

elle lui ordonnait de peindre
l'instant présent
et le suivant
en ignorant le précédent"

Jean Marc Flahaut, aliéné(s), éditions des états civils

dimanche 30 janvier 2011


Réunion 2010, credit photo F. Laborde

jeudi 27 janvier 2011

Elle écrit

Elle croit que je ne la vois pas, parce qu'elle me regarde par en dessous.
Elle n'a pas le courage de planter ses yeux fermement dans les miens.
Faut qu'elle se cache derrière son carnet, qu'elle me dévore du nez, des yeux, de la bouche. En douce.

Elle écrit.
Elle glisse ses sales petites pattes de mouche, sur la bouse qui lui sert cahier.
J'ai pas besoin de lire, pas besoin de déchiffrer son écriture torturée pour savoir.
Qu'elle écrit de la merde... que ma vie sur sa feuille est une merde.

Elle nous la joue "j'absorbe les gens de la vraie vie, les cassés, de traviole..."
Après, la tête penchée comme une écolière sur son livret, les doigts crispés sur son stylo plume, elle recrache tout ça, vite fait, bien fait, sur la page blanche.
Je sais pas pourquoi je pense ça, ou plutôt si... Je pense ça, à cause des coups d'oeil obliques. Sur moi et deux autres estropiés assis à attendre... Je pense ça, parce que j'ai bien vu la courbe de son envie, et sa crainte furtive dans la façon ostensible de dresser son carnet.

Elle écrit, elle rature, elle coupe, elle tranche. Je suis en morceaux sous ses doigts tâchés d'encre.
Je ne veux pas qu'elle m'écrive, qu'elle m'avale. J'ai pas envie qu'elle me fourre dans l'enveloppe, ses métaphores et ses effets de style. Pas envie qu'elle colle sur ma peau, ses schémas, sa littérature, sa prose, ses poses. Je ne veux pas servir en filigrane ses névroses.

Quand elle va rentrer chez elle, s'installer à table, boire un thé peut-être, allumer son ordinateur, elle va penser à moi. Ou plutôt non, elle va penser à elle qui me regarde, ou non à elle qui regarde à travers moi. Elle va rentrer chez elle, se servir de mes bosses, de ma silhouette, de mes cicatrices, pour me fondre totalement dans une autre.

Elle croit que je ne la vois pas, mais on ne voit plus qu'elle.
Son cahier, son stylo, ses yeux torves, son crâne hydrocéphale légèrement penché.

Ojos que saben hablar #2


mercredi 26 janvier 2011

Le frémissement de ta robe

credit photo Dolarz
Tu es noire
tu es grosse
tu es court vêtue

tu es dans le métro
il est cinq heures
tu emmerdes le monde

dans la rame bondée
tu poses dans tes souliers

ta surcharge pondérale
ton étrangeté visible
ton sexe faible
ta petite vertu

trop de gras trop de cul
trop de périphrases

tu prends de la place
tu encombres la vue
tu satures l'espace

avec tes bourrelets
tu te dilates

et chacun bande
ses muscles

évite le contact
avec ta gelée molle

fuit le frémissement
violet de ta robe

dimanche 23 janvier 2011

L'endormi, la Réunion 2010, credit photo Franck Laborde

vendredi 21 janvier 2011

La maison - FPDV


Voilà on y est, c'est la maison...
oui, y a plus de fenêtres... mais on s'en fout : qu'est-ce qu'on a à cacher ?
la porte ?... je sais pas où elle est... mais ça aère la pièce comme ça
les trous dans les murs ?... Ben ça aussi ça fait de l'air !

Pourquoi tu pleures ?
qu'est-ce que tu croyais ?
que tout allait rester en l'état par la seule force de ton
désir
c'est comme tout chérie,
tout branle, vacille, s'effondre
les seins
les fesses
la bouche
les tuiles
tout tombe...

c'est la vie, ça s'effrite
la pierre comme les souvenirs

Te reste ta carcasse
alors de quoi tu te plains ?
t'es pas bien au chaud entre tes os ?

publié sur FPDV 
(Formule Polyvalente à Dilution Variable)
A voir toutes les productions du mois de janvier sur le site
thématique du mois : la maison

jeudi 20 janvier 2011

Cool baby

credit photo lorent devergue

C'est cool baby.
Clin d'oeil, moue, claquement de langue.
Je fixe le mec qui fait du gringue à ma soeur.
Je la regarde rosir, trembloter sur sa chaise.
Voilà ça marche, faut pas grand chose pour qu'elle cède.
Un parfum bon marché, forcément bon puisqu'y a la pub à la télé. Un tee-shirt moulant. Deux, trois mois d'angliche... Et la voilà emballée la soeurette, roulée comme une crêpe, chauffée des deux côtés.

Il dit vraiment pas grand chose le mec, des banalités affligeantes à pleurer, genre "t'as du feu", ou "c'est joli ce que tu portes", "t'as vu Nagui à la télé", tout à l'avenant...
Et puis jetés ici et là, comme une ponctuation qu'il ne maîtrise pas, des mots empruntés à une langue qu'il connaît à peine. Pour faire genre, se donner l'air, poser comme...

Elle n'entend pas le vide. Le petit pois qui roule, quand il secoue du chef.
Elle trouve juste ça chouette qu'on l'appelle baby. Et moi je ne peux pas comprendre, la vraie vie, les vrais gens, le nez toujours plongé dans des livres, des dictionnaires. Ouais, elle n'en revient toujours pas, des dictionnaires !

Elle est pas fun ta soeur, c'est ça qu'il a dit en branlant de la tête, à défaut d'autre chose.
C'est sûr, je ne suis pas foehn, c'est pas moi qui vais décoiffer de beaux hommes musclés causant franglais. Je suis bien sage derrière ma soeur, assise en retrait, à observer ce type faire le joli coeur.

Je rigole en douce, je me trouve drôle, à cause du foehn. C'est pas lui qui comprendrait, trop fin.
Mais je ne dis rien de ce qui me passe par la tête.

Je me contente de le regarder.


mardi 18 janvier 2011

Ma grosse

credit photo Richard Miralles

ma grosse
ma poule
ma nouille
ma quiche
mon pachy
derme

viens là
que j'baise
tes yeux
de braise

viens là
que j'morde
tes lèvres
glaise

viens que
j'caresse
ta courbe
molle

viens mon obèse
viens mon ogresse

répands sur moi
ton gras fécond

lundi 17 janvier 2011

Dessins du Boulatin

Monstre

La promenade


A découvrir le blog du Boulatin

dimanche 16 janvier 2011

Toulouse 2011, credit photo Franck Laborde

samedi 15 janvier 2011

Avant la fin, DCCCVII

... entailles

Les 807 blog collaboratif de Franck Garot

jeudi 13 janvier 2011

La mère


Voilà ce qui se passe
Tu ne peux pas t'en empêcher
Il faut que tu gueules

Il renverse son bol
tu gueules
Il s'emmêle les pattes
tu gueules
Il bouscule un meuble
tu gueules

C'est comme ça
Tu n'existes pas en dessous
d'un certain décibel

Ton gosse non plus

Tu le vois bien à son cou
ratatiné dans des épaules crispées

Tu le vois bien à sa peau
lisse comme une écaille où glissent les cris

*

Tu es en retard
Tu cours
Il trottine à ta suite
parce que tu es en retard
parce que tu te presses
parce qu'il n'a pas le choix

Tu ne lui tiens pas
la main
Tu en as marre
de le traîner à ta suite
de tous les matins faire
refaire dire redire courir

Lui, il trottine
essaie de t'attraper les doigts
c'est sa tâche du matin

*

Il t'a
poussé
à bout
et depuis
tu gueules
devant le lavabo
dans la cuisine
sur le trottoir
dans le métro
dans l'ascenseur
sur le chemin

Il s'arrête
te regarde
et vomit
là devant
le portail
de l'école
en jets
puissants

Tu ne sais pas
ce qu'il a pu bouffer
pour autant dégueuler

Tu tiens sa main
soutient sa tête
Tu es pâle
Tu trembles

Tu vois au milieu
de la bouillie
les minuscules lettres
que tu lui balançais
plus tôt
sur la tête

*

Tu ne peux pas t'en empêcher :
Tu l'aimes
Tu gueules

mercredi 12 janvier 2011

Il dit T'es une fille...


Il dit T’es une fille de la ville
avec une moue légère
qui creuse un accent grave
sur le bord de sa lèvre

je sens bien qu’être une fille
de surcroît de la ville
dans sa bouche terreuse
brûle comme une ortie

je sais bien qu’un jour
son regard indulgent
heurtera âprement
le pli de ma glabelle

je sais qu’il me perdra
quelque part dans la nuit
que je m’égarerai
en chemin dans les blés

dans les
coteaux
du Gers
où je vois

une bosse
deux bosses
un troupeau
de chameaux

où je vois
des poils ras
puis blonds
et leur tonte
l’été

où je ne vois
rien
que
feuilles
plantes
arbres
sans nom

je dois
lancer en l’air
et sur lui
d’étranges
petits
sorts

pour voir ses cheveux, sa langue crépiter
quand il m’identifie comme une citadine

pour voir sur sa tête, le ciel du jour qui sombre
s’embraser dans le bref flamboiement d’une orange

pour voir les nuages dégorger tout leur jus
asperger d’un voile roux le bitume et ses mots

pour l’écran sirupeux qui dessine sur nous
un nouveau paysage

              son visage moiré
              la fille de la ville
              greffée sur un cil


initialement publié sur le blog de Jean Prod'hom, http://www.lesmarges.net/ dans le cadre des vases communicants

lundi 10 janvier 2011

vendredi 7 janvier 2011

Belle Joux #vases communicants




Les méandres de la Trème avaient été corrigées, on avait aménagé ses rives, essarté les bois, accroché des leurres aux bras des étoiles, les hommes avaient exposé leur âme velléitaire, cherché midi à quatorze heures, ils étaient allés à gauche, ils étaient allés à droite, avaient rêvé un autre ordre du monde, le haut en bas et le bas en haut, tracé des chemins pour revenir sur leurs pas, lorsque l’un d’eux s’avisa un matin que tout cela n’allait pas.

Il maudit un instant les hésitations d’où étaient nées leurs entreprises avant de louer l’esprit de décision des choses: la rivière ne baisse pas les bras et franchit les obstacles sans jamais revenir sur ses pas. Les nuages jouent les masques sans quitter le jeu. Il ne siffle pas aux oreilles du vent lorsqu’il perd un peu de son souffle. Le lac ne languit pas. Le vase déborde et le feu ne se trompe pas.

Derrière tes allures d’aventurier quatre heures sonnent déjà à la cloche du village, un chien aboie, un corbeau remue l’immobile coup de pelle et une lame chasse la neige, le renard file au plus droit la tête renversée vers le ciel. Le dernier mot a donc été dit et tu écris l’étendue blanche. Une dame et son chien te rattrapent, bonjour bonjour, laissent quelques miettes sur la nappe qui nous sépare et, dans le verger, le gui fait le fanfaron sur les épaules d’un vieux pommier qui rit sous cape. En arrière du chemin un poème de Robert Walser.

La neige ne monte pas en tombant
mais, prenant son élan,
descend, et puis se pose.
jamais elle ne monta.

Elle n’est par essence
à tous égards, que silence,
pas trace de vacarme.
si seulement tu lui ressemblais.

Le repos et l’attente
- telle est son attachante
et douce identité,
Vivre, pour elle, c’est s’incliner.

Jamais elle ne retournera
d’où elle est descendue,
elle ne court pas, elle est sans but,
être calme est son bonheur.


Il se souvient alors de la Trème, la conçoit de mémoire, ses sources multiples et ses secrets dans la Joux Noire lorsqu’elle ouvre ses bras au Châ, au Mormotey et plus tard à l’Albeuve, lorsqu’elle se perd dans ceux de la Sarine. Il s’attarde sur ses rives, mêle ses pas aux empreintes des disparus pour tresser une guirlande à l’inexorable.



Se posent ici les mots de Jean Prod'hom- http://www.lesmarges.net/
dans le cadre des vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre (...). Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Mes mots à moi sont là bas

Les autres vases du mois de janvier 2011
Juliette Mezenc http://juliette.mezenc.over-blog.com/ext/http://motmaquis.net/ et Christine Jeanney http://tentatives.eklablog.fr/ce-qu-ils-disent-
Christophe Grossi http://kwakizbak.over-blog.com/ et Michel Brosseau http://www.àchatperché.net/
François Bon http://www.tierslivre.net/ et Laurent Margantin http://www.oeuvresouvertes.net/
Martine Sonnet
http://www.martinesonnet.fr/blogwp/  et Anne-Marie Emery http://pourlemeilleuretpourlelire.hautetfort.com/
Anne Savelli http://www.fenetresopenspace.blogspot.com/  et Urbain, trop urbain http://www.urbain-trop-urbain.fr/
Murièle Laborde-Modély http://l-oeil-bande.blogspot.com/  et Jean Prod'hom http://www.lesmarges.net/
Jérémie Szpirglas http://inacheve.net/  et Franck Queyraud http://flaneriequotidienne.wordpress.com/
Kouki Rossi http://koukistories.blogspot.com/  et Jean http://souriredureste.blogspot.com/
Piero Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/  et Monsieuye Am Lepiq http://barbotages.blogspot.com/
Marie-Hélène Voyer http://metachroniques.blogspot.com/  et Pierre Ménard http://www.liminaire.fr/
Frédérique Martin http://www.frederiquemartin.fr/  et Francesco Pittau http://maplumesurlacommode.blogspot.com/
Jean-Yves Fick http://jeanyvesfick.wordpress.com/  et Gilles Bertin http://www.lignesdevie.com/
Candice Nguyen http://www.theoneshotmi.com/  et Benoit Vincent http://www.erohee.net/ail
Nolwenn Euzen http://nolwenn.euzen.over-blog.com/  et Joachim Séné http://www.joachimsene.fr/
Isabelle Pariente-Butterlin http://yzabel2046.blogspot.com/ et Xavier Fisselier http://xavierfisselier.wordpress.com/
Christine Leininger http://les-embrasses.blogspot.com/  et Jean-Marc Undriener http://entrenoir.blospot.com/
Samuel Dixneuf http://samueldixneuf.wordpress.com/  et Philippe Rahmy-Wolff http://kafkatransports.net/
Lambert Savigneux http://aloredelam.com/  et Lambert Savigneux http://regardorion.wordpress.com/
Christophe Sanchez http://fut-il-ou-versa-t-il.blogspot.com/ et Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com/
et
sur twitter et en 9 twits chacune, Claude Favre @angkhistrophon et Maryse Hache @marysehache (elles ont choisi de publier les deux textes chez celle qui a un blog : Maryse Hache http://www.semenoir.typepad.fr/)