Boire, manger, fumer, faire quelque chose, n'importe quoi. Avoir les mains prises. S'agiter, s'exciter, branler. C'est bien de ça, hein, qu'il s'agit, baiser ou être baisé.
Alors j'avale, liquide, solide, peu importe : faut se remplir pour ne pas avoir mal. C'est pas trop difficile, suffit de secouer le bras comme les autres, genre pantin désarticulé.
Ouais, faut prendre un air, taper dans le dos des potes, et trinquer. Un verre, une saucisse, une femme à la main.
Même s'il arrive de plus en plus souvent, qu'un manque me fonce dessus sans prévenir. Généralement en fin de mois, vers le vingt. Plus une tune pour me payer tout mon bazar.
C'est souvent le soir, quand je suis seul avec mon frigo, mes poches, et mon lit vides. J'ai même pas l'ombre d'un demi cacheton, pour me booster le cœur, pour assommer le silence d'un battement uppercut. J'ai froid, je tremble, et parfois même je pleure.
Mais j'ai plus d'un tour dans mon sac.
Alors je prends une ficelle, ou un couteau, ou si je tremble trop, mes mains. Je descends sur l'immense terrain vague derrière l'immeuble, je m'accroupis dans un coin sombre, et j'attends... Y a toujours une bête, un chat, un rat, qui passe.
Alors je le crève, comme j'ai dit plus haut, avec une corde, un couteau, à mains nues... Faut bien que le cerveau immobile, qui commencait à se carapater par tous mes orifices, s'arrête de couler.
Et la mort de la bête, mon vieux, c'est aussi efficace qu'une piquouze de cholestérol en plein dans la carotide. Et toute cette purée de mots rentre aussi sec, et en ordre, dans le crâne. Comme une armée de fourmis obéissantes. Tu vois, j'ai de quoi voir venir...
Je me demande seulement ce que je ferai, le jour où ils commenceront à bâtir leur foutu centre hospitalier.
publié initialement sur
FPDV, juin 2011, Addiction